Organisations
Les représentants du personnel face au « vertige de la liberté contractuelle »
Le syndicalisme serait donc mortel, surtout s’il persiste à s’auto-flageller sur le déséquilibre des conditions de négociation sociale dans les entreprises. Pour Jean-Emmanuel Ray, professeur de droit à la Sorbonne (auteur de Droit du travail : droit vivant - 26e édition, à jour des ordonnances) qui introduisait Les Relais 2017 du dialogue social et de la formation du 23 novembre dernier (téléchargez notre compte rendu dans le bloc des ressources), les ordonnances sur le code du travail ne sont que les « répliques sismiques » d’un mouvement engagé en 1982 avec les accords collectifs pouvant déroger à la loi, notamment en matière de temps de travail.
Le second acte s’est joué en mai 2004 avec l’accord d’entreprise pouvant déroger à un accord de branche. « On imagine le futur troisième acte : la possibilité de déroger à l’accord collectif d’entreprise par une négociation de gré à gré. Un salarié pourrait par exemple renoncer à telle prime conventionnelle en contrepartie de plus de flexibilité dans l’organisation de son travail. Ceux qui nous répètent que la négociation d’entreprise est trop déséquilibrée semblent oublier que cet « opt-out » individuel monte aujourd’hui en Europe». Un scénario noir pour les syndicalistes face à des jeunes professionnels des RH et des relations sociales que le professeur côtoie au quotidien. « Ils n’ont pas de surmoi idéologique et ne veulent pas changer le monde. Ils ont en deux interrogations : Est-ce inté- ressant pour moi ? Est-ce que ça peut marcher ? C’est une approche pragmatique. Ils veulent du concret et de l’immédiat, tout en recherchant du sens », rapporte Jean-Emmanuel Ray qui annonce qu’avec un accord d’entreprise devenu autonome, les représentants du personnel font face au « vertige de la liberté contractuelle, et vont devoir apprendre à jouer au GAME, les « garanties au moins équivalentes » de l’accord d’entreprise.
Articuler dialogue professionnel et dialogue social
Retour sur les sujets posés par les quatre séquence de la journée.
- Au quotidien, comment managers et représentants du personnel sont-ils amenés à dialoguer ?
- Les formations communes sont-elles l’avenir du dialogue social ? Quel concept, quels moyens, quels objectifs...pour quels résultats ?
- Formation : comment co-construire dans l’intérêt collectif et individuel ?
- Valorisation des élus du personnel et rôle des managers dans le dialogue social
Il ressemble à quoi votre dialogue social ?
Le dialogue social est un mot-valise où chacun range ce qu’il veut en fonction de sa sen- sibilité et de son rôle dans l’entreprise. L’enquête réalisée par Sextant Expertise, Miroir Social, TrouverUneFormationCE.com et Oasys Consultants à laquelle ont répondu 294 représentants du personnel et de direction révèle encore un profond décalage entre les perceptions des uns et des autres sur les uns et les autres.
Un consensus de principe
80 % des représentants de l’entreprise et 90 % des représentants du personnel sont favorables pour conclure un accord de méthode, analyser avant de négocier, faire intervenir des tiers, recueillir et animer l’expression des besoins des salariés, fixer des objectifs et des critères de réussite dans les accords...
Des divergences opérationnelles
78 % des représentants de l’entreprise considèrent que les compétences des représentants du personnel pour exprimer des avis motivés sont faibles voire insuffisantes.
85 % des représentants du personnel pensent que les directions ne maîtrisent pas les règles de droit applicables au dialogue social.
In fine
70 % des représentants du personnel pensent que le dialogue social est un dialogue de sourd alors que 45 % des représentants de l’entreprise pensent plutôt que c’est l’occa- sion d’écouter ce que les salariés expriment via leurs représentants du personnel.