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13 / 07 / 2012 | 15 vues
Philippe Grasset / Membre
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Les multiples dessous du chantier d'un opérateur unique pour payer les fonctionnaires

Mesure emblématique pour l’ensemble de la fonction publique de l’État, la création de l’opérateur national de paye (ONP) a été actée au premier conseil de modernisation des politiques publiques dès 2007. L’enjeu de cette nouvelle structure est d’être l’organisme unique de paye de l’ensemble des 2,5 millions d’agents, représentant 40 % du budget de l’État. La sensibilité du dossier implique un travail titanesque en amont pour être opérationnel et tenir les délais (2017 dans le meilleurs des cas pour l’ensemble des ministères).

Ce chantier a pour autre conséquence une nouvelle organisation des services de soutien dans toutes les directions ministérielles, avec en point de mire un gisement de suppressions d’emplois considérable. Le paquebot ONP sort du chantier, attention aux avaries !

Un projet aux objectifs ambitieux


L’ONP a pour mission d’assurer le règlement des traitements, salaires et accessoires servis par les ordonnateurs principaux et secondaires aux fonctionnaires et agents de l’État. Les dépenses correspondantes seront alors liquidées et payées sans ordonnancement préalable.


Le modèle de l’ONP se caractérise par une chaîne intégrée de bout en bout, fondée sur des référentiels partagés et évolutifs permettant la mise en œuvre automatisée de règles de paye à partir d’événements de gestion fournies par les systèmes d’information des ressources humaines (SIRH) ministériels et assurant la traçabilité des enregistrements comptables assurés par un comptable unique.

Ce nouveau dispositif impose une responsabilité toute particulière aux ministères employeurs, sur la qualité des données et la réactivité de la chaîne paye, notamment par l’intégration des activités de gestion administrative de la paye. L’objectif à terme est de pouvoir modifier les données pouvant influer sur la paye à J–5 de sa liquidation (contre J-20 actuellement).

L’ONP deviendra l’interlocuteur unique, porteur de la qualité réglementaire et comptable et des fonctions transverses et sera chargé de la cohérence dans la durée de la chaîne.

De fait, l’ONP est le porteur d’un programme de transformation de la chaîne RH-gestion administrative–paye de l’État.

Le programme ONP est très ambitieux, puisqu’il vise une cohérence au plus près entre la gestion administrative et la paye, en intégrant presque en temps réel tout paramètre influant sur cette dernière (changement dans la situation familiale de l’agent ou dans son déroulement de carrière).

La réactivité et la fluidité du programme sont des objectifs majeurs. Un même gestionnaire réalisera la gestion administrative et la gestion de la paye des agents dont il a la responsabilité, en prenant en compte, au fil de l’eau les événements de gestion administrative, permettant de limiter au maximum les erreurs, les régularisations, les rappels, les trop perçus, les acomptes etc.

Concrètement ces informations RH pourront donc avoir un effet jusqu’à J–5 du virement et à chaque instant, l’ONP aura la possibilité d’effectuer des simulations de paye, permettant d’avoir une vision en temps réel de la paye du mois avant validation.

L’ONP, une arme contre le statut ?

Selon la responsable du projet ONP, cinq conditions sont indissociables pour sa réussite :

  • le partage interministériel des référentiels de gestion administrative (GA) et de paye ;
  • l’alignement applicatif pérenne des SIRH ministériels et des SI interministériels ;
  • la qualité des données produites par les SIRH ;
  • l’évolution des organisations et des processus nécessaires à la réactivité de la production de la paye ;
  • la gouvernance interministérielle garante de l’efficacité et de la cohérence de la chaîne GA-Paye.

À la lecture de ces conditions, il ne peut être mis entre parenthèse le lien très concret entre le chantier de l’ONP et la politique poursuivie depuis plusieurs années de remise en question du statut de la fonction publique.

  • La centralisation unique de la paye encourage de fait la fusion des corps, voire la création des corps interministériels. De même, elle incite dans chaque ministère a unifier les règles de gestion.


Il va de soi que la multiplication actuelle des corps particuliers, et la multiplicité des règles de gestion applicables au personnel, compliquent d’autant l’établissement de la paye des 2,5 millions de fonctionnaires. L’ONP peut devenir très vite le cheval de Troie contre le statut.

Dans les ministères économique et financier, cela se concrétise par la création de quelques CSRH (centres de services partagés des ressources humaines) et du programme SIRHIUS.

Le système d’informations-paye (SI-paye)


L’ONP a lancé la construction du SI-paye intégrant l’ensemble des fonctionnalités (pré-paye, paye, post-paye), le réglementaire de paye interministériel et les règles propres à un premier périmètre ministériel (agriculture, intérieur hors gendarmerie, MEDDTL, et le personnel d’inspection et de direction de l’Éducation nationale).

Après son achèvement, les premiers tests vont être lancés, alors que les infrastructures sont mises en place.

Dans une seconde étape, les travaux de conception vont se poursuivre, d’abord pour assurer le paramétrage des règles propres aux autres ministères en fonction de leur calendrier de raccordement, mais aussi en fonction des évolutions juridiques qu’il faudra prendre en compte tout au long du processus d’élaboration.

Il est prévu que le processus de déploiement du SI-paye s’échelonne sur 18 mois entre les pré-requis techniques et la mise en œuvre de la paye.

Le Ministère de l’Agriculture qui sera le pilote de cette lourde migration devrait connaître sa première paye en décembre 2013. Pour des mesures de sécurité, elle sera dans un premier temps élaborée en double avec l’ancien dispositif.

Le calendrier pour les ministères économiques et financier prévoit une première vague pour avril 2015 (toutes les directions sauf la DGFIP) et la DGFIP en 2016.

Avancement du projet SIRHIUS

 

Dès 2007, les directions des ministères économique et financier ont engagé un projet de construction d’un nouvel outil RH (SIRHIUS) dans la perspective d’un raccordement à l’ONP. Aux 160 000 agents s’est également adjoint le personnel du Ministère des Affaires étrangères (12 000 agents). Pour ceux qui douteraient de la volonté politique d’optimiser les coûts et de remettre en question les corps particuliers dans chaque direction, il suffit de rappeler les termes d’un document remis récemment aux fédérations syndicales : « L’objectif (de SIRHIUS) est de rechercher une harmonisation des pratiques RH au sein des ministères économique et financier, se traduisant par une convergence dans l’outil des référentiels, des règles de gestion, des processus et des rôles. Afin de minimiser les coûts, la construction de SIRHIUS privilégie le respect du standard HR access et la capitalisation des composants développés dans les applications équivalentes MaRHs, AGORA et SEQUOIA ». Le projet SIRHIUS est conçu en s’appuyant sur les principes d’organisation préconisés par l’ONP, intégrant notamment les CSRH. SIRHIUS couvre le cœur de l’activité de la fonction RH (voir ci-dessous), en incluant un module de préliquidation de la paye dans un premier temps, avant le raccordement à l’ONP.

Gestion administrative et paye

Au moment du raccordement au SI–paye ONP, SIRHIUS assurera donc, pour l’ensemble des directions, la totalité de la gestion RH ayant un effet en paye.

La version actuelle de l’application est construite en 4 phases successives intégrant progressivement les spécificités des directions et les évolutions réglementaires.

La première phase, englobant 85 % des fonctionnalités communes, ainsi que celles de l’INSEE, a été mise en production fin mars 2012.

La deuxième phase intégrera les besoins de la DGDDI, de la DGCCRF et du Ministère des Affaires étrangères, fin 2012.

Au deuxième trimestre 2013, seront concernés les besoins de l’administration centrale liés à la rémunération ainsi que les fonctionnalités complémentaires à la DGFIP.

Enfin, au quatrième trimestre 2013 seront intégrés le module de paye du personnel à l’étranger et les fonctionnalités directionnelles non encore intégrées.
 

Mise en place des CSRH

Les CSRH ont pour vocation d'être en totalité déployés au plus tard pour le raccordement de l’ONP.

Chaque direction reste maîtresse dans le choix d’organisation, l’implantation et l’articulation avec la tenue des CAP et les modalités de mise en œuvre.

À ce stade, il est fixé :

► Un CSRH pour l’INSEE à Metz, avec 80 agents. La validation de la paie SIRHIUS est prévue pour mi-2013, avec une bascule ONP en avril 2015.

► Deux CSRH pour la Douane à Rouen (40 agents) et à Bordeaux (60 agents), les pilotes organisationnels sont prévus pour l’automne 2013, avec une généralisation SIRHIUS en début 2014, avec une bascule ONP en avril 2015.

► Plusieurs CSRH pour la DGFIP, dont l’implantation n’est pas encore définitive, mais l’organisation requise pour SIRHIUS doit être prête à partir de 2014, pour une bascule ONP en 2016. SIRHIUS sera toutefois expérimenté dès 2013 au sein d’une de ses directions à définir.

► Un CSRH pour la gestion des autres agents des ministères économique et financier (arrêté du 15 mars 2012) et 133 agents sont envisagés dans ce centre. La finalisation de SIRHIUS est programmée pour début 2014, pour une bascule ONP en avril 2015.

S’il est un sujet sensible, c’est bien celui de la paye. Aussi, si le principe d’un opérateur national peut avoir un sens, il ne faut pas sous-estimer l’énorme travail en amont indispensable avant l’effectivité de l’ensemble de la procédure.

L’exemple des dysfonctionnements de Chorus signifient que ces énormes chantiers informatiques et organisationnels peuvent entraîner les services mais surtout les agents dans des difficultés conséquentes.

  • L’autre aspect de ce chantier titanesque, et Force Ouvrière ne l’occulte pas, c’est le gain de productivité attendu au final par les pouvoirs publics. Les conséquences en termes d’emplois seront importantes et d’ailleurs les promoteurs de l’ONP ne se cachent pas d’en faire un réservoir de suppressions de milliers d’emplois sur l’ensemble de la fonction publique de l’État.


Pourtant, FO finances considère que la proximité des services en charge de la gestion du personnel, et tout particulièrement des traitements, est un gage de sécurité important, qu’il serait préjudiciable d’ignorer.

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