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Les impasses financières de la réforme de la formation (version 2018)
Le CPF (tout comme l'ancien DIF) est un dispositf de formation vicié dès le départ car sans capacité de réel développement. Que celui-ci soit exprimé en heures, ou désormais en euros de formation, le CPF ne peut pas servir à plus de 3 ou 4 % de ses bénéficiaires. Face à la moindre augmentation des demandes (+20 % fin 2018 pour certains OPCA) la seule réponse est et demeure le refus de prise en charge.
La monétisation du CPF impliquait son provisionnement financier
Tant que le CPF (et autrefois le DIF) était exprimé en heures de formation, il était facile de se montrer « généreux » en multipliant les dotations horaires pour tous les travailleurs.Dès lors que l'on monétise le CPF, l'impasse financière et le blocage apparaissent : comment financer à la fois un flux de droits à hauteur de 10 milliards par an et un stock de droits cumulés depuis 2004 de près de 50 milliards ?
Le DIF et un premier milliard d'heures cumulées
De mai 2004 à décembre 2014, 1 milliard d'heures de DIF ont été cumulées par les salariés du privé. Si l'on prend pour base celle du Ministère du Travail, 15 € par heure, cela représente un premier montant à dégager (et à provisionner) de 15 milliards.
Le CPF version 2015 et son autre milliard d'heures cumulées
De janvier 2015 à décembre 2018, environ 10 millions de salariés (à temps plein) ont cumulé 96 heures chacun ; s'y ajoutent le CPF des intérimaires (plus de 700 000 personnes), des temps partiels et des CDD, au total 15 autres milliards d'euros de droits à la formation auront été cumulés.
À cette dette cumulée DIF et CPF réunis (qui se monte donc 30 milliards d'euros), il faudra ajouter à court terme (d'ici 1 ou 2 ans) la transformation du milliard d'heures de DIF/CPF de 6 millions de fonctionnaires des 3 secteurs publics (heures accumulées depuis 2007).
Le CPF, un flux continuel et annuel de 10 milliards d'euros (pour 33 millions de titulaires)
- Une acquisition pleine de 500 euros par salarié (temps complet ou partiel), soit pour 16 millions de salariés un montant annuel de 8 milliards d'euros par an ;
- + 60 % de droits pour le quart de la population adulte non qualifiée (estimation de l'OCDE), soit pour 4 millions de travailleurs (salariés ou non) 800 €/ an, 1 milliard d'euros supplémentaire ;
- enfin, pour les millions de travailleurs indépendants, les auto-entrepreneurs, les bénévoles des associations (CEC), un autre milliard d'euros.
Face à un montant global qui s'élève déjà plus de 40 milliards d'euros ma mini-cotisation d'un milliard d'euros par an ne permettra jamais de faire face.
Les compteurs formation n'étant ni financés ni même organisables à court terme, les pouvoirs publics n'ont d'autres choix que de recourir à trois stratagèmes classiques our garder la face et reporter ces échéances de montée en compétences des Français.
1) La stratégie du parcours du combattant et des files d'attente
En multipliant les chausse-trappes, en organisant des files d'attentes (« revenez nous voir l'année prochaine »), en installant des délais ou de la complexité (jusqu'à 6 mois de délai), les pouvoirs publics peuvent compter sur le découragement de nombreux demandeurs de formation (les moins qualifiés et ceux qui souhaitent se former sans un employeur).
2) La limitation drastique des financements individuels. En encadrant à hauteur de 15 euros par heure le prix des formations (alors que le prix de revient d'une formation de qualité tourne autour de 25 à 30 euros), le reste à charge sera d'environ 50 % du prix réel de la formation (d'introuvables « abondements » comblant la différence).
3) Le report des impasses vers un tiers payeur et réalisateur
Se rendant compte de l'impossibilité de déployer le CPF via les branches professionnelles, les OPCA ou les entreprises, l'État a décidé d'externaliser ses promesses et les ennuis vers un tiers, en l'occurrence la Caisse des dépôts (CDC). En échange de 90 millions d'euros (10 % de la collecte des fonds), celle-ci est chargée d'une mission à la fois improbable et impossible : développer une irréelle application sur smarphone qui permettrait à 33 millions de personnes de se former (choisir sa formation, s'inscrire, suivre les cours puis payer son parcours) tout en disposant de moins de 5 % des fonds nécessaires à une généralisation de la formation.
2022 ou 2023, en marche pour une nouvelle réforme de la formation ?
Si, comme on peut le redouter, les mêmes causes (incompétence et inconséquences dans la rédaction de la loi) produiront les mêmes effets (impuissance dans son application), la réforme de la formation de 2018, à l'instar de celles de 2009 et de 2014, ne servira à rien et ne permettra que de faire semblant, repousser une nouvelle fois nos échéances éducatives en évitant une vraie question qui fâche : comment refonder rapidement et efficacement la totalité de nos systèmes éducatifs (éducation nationale comprise) ?