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18 / 09 / 2017 | 6 vues
Christian EXPERT / Abonné
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La santé au travail des salariés et les handicapés victimes collatérales de la « libération » de l'activité

Libération du travail

Les ordonnances sur le travail en instance de parution ont pour objectif « la libération du travail ». Théoriquement, elles entraîneraient une augmentation de l’emploi salarié.

Ce dogme est la pierre de touche du FMI.

Rapport du FMI à propos de l’Espagne en juillet 2001

Extrait :

« La réforme du marché du travail progresse dans la bonne direction. Toujours est-il que les résultats, à ce jour, ne sont pas suffisamment rassurants quant à la capacité des réformes à produire rapidement une amélioration au plan des dynamiques du marché du travail qui soit à la hauteur de la gravité des problèmes. Ceci sous-entend un approfondissement et un élargissement des réformes menées jusqu’à présent. En particulier : la négociation collective doit être pleinement décentralisée au niveau de l’entreprise ; les partenaires sociaux doivent renoncer au système d’indexation basé sur le taux d’inflation et les indemnités de licenciement doivent être davantage réduites, au moins aux niveaux moyens en vigueur au niveau de l’UE ».

Nous voyons donc que les ordonnances sur le travail de 2017 ne sont que la reproduction des « préconisations » du FMI. Rien d’innovant donc.

Nous ne sommes donc aucunement surpris des récentes félicitations émises conjointement par le FMI et l’OCD à destination du Président Emmanuel Macron à propos du contenu de ses réformes.

Les ordonnances prescrites sont conformes aux produits des laboratoires du FMI et de l'OCDE, produits dont l’efficacité semble plus que douteuse mais dont les effets indésirables semblent très graves et susceptibles de nuire sérieusement aux patients.

Mais a-t-on des preuves objectives de l’efficacité de telles mesures ?
Il se trouve que l’OIT (dans son rapport de 2015), après analyse de l’effet de la dérèglementation sur l’emploi dans le monde, souligne dans les préconisations tirées de son rapport de 2015 que :

« l’analyse de la relation entre la réglementation du travail et les indicateurs clefs du marché du travail, commerce, chômage donne toutefois à penser que le fait de réduire la protection pour les travailleurs ne se traduit pas par une baisse du chômage. En effet, il ressort de ce rapport que des modifications mal conçues qui affaiblissent la législation sur la protection de l’emploi sont de nature à avoir des effets contre-productifs sur l’emploi à court terme comme à long terme ».

L’OIT répond donc, que non, la dérèglementation n’améliore pas l’emploi et qu’au contraire cela peut aggraver le chômage.

Qu’en est-il de l’idée que la règlementation du travail trop contraignante entraverait l’activité économique ?

Plus surprenant encore, l’OIT nous apprend dans son rapport de juillet 2016 qu'au contraire les dispositions sociales dans les échanges commerciaux sont bénéfiques pour l’emploi.

« Communiqué de presse de l'OIT du 18 juillet 2016 : les dispositions relatives au travail* dans les accords commerciaux n’entraînent pas de réduction ni de détournement des flux commerciaux et facilitent l’accès au marché du travail. La recherche montre qu’un accord commercial assorti de clauses sociales accroît en fait la valeur des échanges commerciaux de 28 % en moyenne, contre 26 % dans le cas d’un accord sans dispositions sociales. L’étude constate aussi que les dispositions relatives au travail favorisent l’accès au marché du travail, en particulier pour les femmes en âge de travailler. Les dispositions sociales ont un effet positif sur les taux d’activité, drainant une plus forte proportion des populations en âge de travailler, tant féminine que masculine, vers le marché du travail ».

La fusion des institutions représentatives du personnel dans l’entreprise

Les CHSCT vont se fondre dans le grand tout du comité social et économique.

L’objectif visé serait d’améliorer le dialogue social et de le fluidifier. En réalité, les deux entités distinctes CE et CHSCT, avec des prérogatives indépendantes en matière de consultation et surtout d’expertise, constituent un frein dans la mise en œuvre des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) sans omettre les combats homériques pour diligenter une expertise à la demande du CHSCT aux frais de l’entreprise.

Les CHSCT que l’on continue à mettre en place à l’heure actuelle dans les fonctions publiques (cette évolution, issue d’un accord daté du 20 novembre 2009, vise à améliorer la prévention des risques professionnels) seraient un facteur de progrès pour les fonctions publiques et un facteur de blocage du dialogue social. Comment comprendre une telle contradiction ?

Le CHSCT ne semble avoir été condamné qu’a l’aulne de l’efficacité et de la flexibilité nécessaire à l’emploi. Ne jette-t-on pas le bébé avec l’eau du bain ?

Le retour sur investissement des actions de prévention en général est évalué à 2,2 € pour 1 € (étude de 2011, réalisée par l’Association internationale de la sécurité sociale auprès de 300 sociétés dans 15 pays).

« Si la prévention a un coût, c’est aussi une source de profit »William Dab, professeur titulaire de la chaire d’hygiène et sécurité du CNAM.

Plus fort encore, en 2014, l'EU-Osha a publié une synthèse d'études sur le coût des risques psychosociaux et sur le bénéfice de leur prévention. Cette étude parvient à chiffrer le rendement à 13 € pour 1 € investi, soit 1 300 % (taux de rendement du livret A =0,75 %).

Affaiblir le professionnalisme des membres du CHSCT en fusionnant l’institution avec les CE-DP et en limitant le nombre de mandats signifie littéralement pour les entreprises se tirer une balle dans le pied en perte de productivité.

Libération de l’investissement dans les logements

Dans une récente déclaration, le Président Emmanuel Macron a dévoilé vouloir réformer la politique du logement. L'un des leviers de la réforme serait de diminuer les normes environnementales et sociales qui constitueraient, elles aussi, des freins à la construction de logements.

L’abaissement des contraintes environnementales (donc a priori celles qui concernent l’isolation thermique) semble heurter de plein fouet nos engagements forts en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Des logements moins énergétivores (voire 0 énergie ou plus encore, à énergie positive) sont des éléments clefs dans la lutte pour le climat et accessoirement pour l’équilibre de notre balance commerciale.

Il faudrait à la fois abaisser le seuil des contraintes environnementales et diminuer notre consommation d’énergie fossile et nucléaire. Cette équation nous rend perplexes. Ou bien la lutte contre le réchauffement climatique serait un enjeu secondaire face à la lutte contre le chômage ?

Abaissement des normes sociales

Le Président Emmanuel Macron a cité le handicap quant aux reproches que l’on pourrait lui faire à propos de cette politique. Nous comprenons donc que les contraintes d’accessibilité devraient être moins contraignantes. Les handicapés devraient donc être sacrifiés sur l’autel de la croissance et de l’emploi.

L’accessibilite est devenue une obligation à partir de la grande loi sur le handicap de 2005, avec une date butoir d’accessibilite des habitations recevant du public en 2015.

Date repoussée devant les difficultés de mise en œuvre invoquées

L’arrêté tout récent du 24 décembre 2015 relatif à l’accessibilité aux handicapés des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction démontrait enfin la volonté politique de remplir l’obligation sociale que nous avons tant de difficultés à respecter et combler le retard qu’a notre pays sur ce point, comparé aux autres pays industriels.

D’ailleurs, sur le site gouvernemental, nous pouvons lire « l'accessibilité des lieux publics est un enjeu essentiel pour notre société. La loi de 2005 n'a pas été suffisamment suivie d'effets. Le décret d'application de l'ordonnance créant l'agenda d'accessibilité programmée (Ad'Ap) a été publié le 6 novembre 2014. Elle accompagne la mise en accessibilité de tous les établissements et installations recevant du public. Le 2 décembre 2016 s'est tenu le second comité interministériel du handicap, qui a réaffirmé le caractère prioritaire de l'accessibilité aux transports, mais aussi à l'éducation, au logement, aux soins, aux services et aux différentes offres médico-sociales ».

Contenu publié sous la présidence de François Hollande du 15 mai 2012 au 15 mai 2017

Environ 1,5 million de Français souffrent de déficience visuelle et 850 000 présentent une mobilité réduite. Se passer d’accessibilité devrait permettre de construire plus  de logements neufs, dont ne profiteront pas les handicapés.

Conclusion

Ne plus considérer que rattraper notre retard en matière d’accessibilité constitue une priorité nationale dans le pays des Droits de l’Homme et du Citoyen et considérer que l’emploi précaire constitue l’alpha et l’omega dans la lutte pour l’emploi, interpelle sur le prix que nous sommes prêts à payer (et encore que ce sacrifice est sans doute vain en matière d’emploi) ou plutôt que nous sommes prêts à faire payer aux citoyens du monde, futurs réfugiés climatiques et à  nos concitoyens handicapés déjà en grande précarité en matière d’emploi et qui se heurteront à des bâtiments moins ou peu accessibles.

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