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14 / 04 / 2016 | 248 vues
Frédéric Janvier / Membre
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Une inaptitude révélée par un cas de harcèlement moral: le licenciement pour inaptitude est-il possible?

Retour sur la notion de harcèlement moral

 

Le harcèlement moral renvoie à des agissements « qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (article L. 1152-1 du code du travail). Ces agissements peuvent être :

  • des menaces,
  • des propos blessants,
  • des appels téléphoniques récurrents,
  • des visites au domicile sans motif valide,
  • des mesures imposées contre son gré,

À noter, c’est la fréquence et la teneur de ces agissements qui permettent de conclure à une situation de harcèlement moral. Ainsi, une telle situation suppose qu’un agissement de ce type ait eu lieu a minima deux fois. Par exemple, la recrudescence de mails injurieux en une période de temps réduite. De même, il faut aussi considérer que ces agissements compromettent l’avenir professionnel du salarié et/ou altèrent la santé du salarié sans que des mesures aient été prises pour remédier à ce genre de situations.

Ces agissements ont pour effet de dégrader les conditions de travail dans lesquelles évolue le salarié victime de harcèlement moral. En ce sens, nous entendons :

  • des rapports sociaux détériorés renvoyant à des situations de rabaissement ou bien d’injustice,
  • une perte de responsabilités,
  • une augmentation de la surcharge de travail,
  • une baisse de la rémunération,
  • une difficulté accrue pour atteindre les objectifs,
  • des mesures de contrôle excessives et injustifiées,

Le tout entraînant une situation de souffrance telle que le salarié a des difficultés pour travailler. En outre, tout salarié peut être victime de harcèlement moral y compris un employeur.

Pour pouvoir prouver l’existence d’un harcèlement, il est nécessaire d’intenter une action en justice. Pour ce faire, la victime doit établir des faits qui permettent de prouver l’existence de son harcèlement moral. Des témoignages, des attestations médicales, des notes, des mails ou d’autres documents sont autant de preuves pouvant imputer cette éventualité. À noter, ces preuves doivent être tangibles. Ainsi des témoignages de membres de la famille sont souvent considérés comme subjectifs ou des enregistrements illégaux comme inexploitables. Qui plus est, elles doivent être en nombre suffisant. À partir de là sera rendu un jugement considérant l’existence du harcèlement moral. Dans ce cadre, non seulement le ou les responsables à l’origine du harcèlement seront condamnés mais qui plus est, la victime bénéficiera de dommages et intérêts pour le préjudice subi.

L’employeur a un rôle crucial dans ce contexte puisque son obligation de protection de la santé et de la sécurité de ses salariés l’amène à prendre les mesures nécessaires en matière de sensibilisation et de prévention du harcèlement moral. À ce titre, la loi prévoit l’interdiction de faire ou de laisser subir un harcèlement moral à un salarié (articles L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail), et l’obligation de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral (article L. 1152-4 du code du travail). Des réparations spécifiques sont prévues à cet effet (Cour de cassation, chambre sociale, 6 juin 2012, N° : 10-27694). De même, lorsqu’un cas est révélé, l’employeur se doit de mener une enquête pour comprendre son émergence et entreprendre les actions nécessaires pour y remédier comme exclure le responsable, puis neutraliser l’apparition de situations semblables.

 

·        Reconnaissance du harcèlement comme source d’inaptitude

 

Pour rappel, une inaptitude se constitue du fait d’une incapacité physique ou mentale pour réaliser son activité de travail. C’est le médecin du travail, et non le médecin traitant, qui est chargé de reconnaître l’inaptitude d’un salarié. Pour ce faire, deux examens médicaux espacés d’au moins de deux semaines sont nécessaires. Ces examens permettent d’étudier les conditions de travail dans lesquelles évolue le salarié sujet à l’inaptitude, ainsi que son poste de travail. Au besoin, des examens complémentaires peuvent être réalisés. Au terme de ces examens, le médecin se prononce (article R. 4624-22 du code du travail). Dans ce cadre, le médecin peut formuler des préconisations quant à des aménagements de postes à effectuer, proposer un poste de travail ou conseiller sur des formations à mettre en place afin d’aider le salarié victime d’inaptitude à se réorienter (article R. 4624-21 du code du travail). À noter, une inaptitude peut être déclarée dès le premier examen médical dès lors que le maintien du salarié à son poste de travail actuel constitue un danger grave et imminent pour ce dernier ou un tiers, ou dans le cas où un examen a déjà pris place au maximum 30 jours auparavant.

Lorsque l’inaptitude est prononcée, l’employeur doit alors en l’espace d’un mois proposer au salarié un autre poste de travail répondant à ses compétences, et en lien avec les recommandations du médecin du travail (article L. 1226-2 du code du travail). À noter, le salarié est libre de refuser le ou les postes proposés, bien que certaines dispositions limitent le refus. Dans le cas où la possibilité de reclassement est absente, l’employeur peut avancer la possibilité d’entreprendre un licenciement pour inaptitude.  Le salarié bénéficie alors des indemnités qui y sont relatives (supérieures à celles d’un cas de licenciement « classique »). Dans le cas où cette proposition n’est également pas mise en place, l’employeur est alors contraint de verser au salarié le salaire octroyé lors de l’occupation de son poste de travail et ce, jusqu’à son reclassement ou son licenciement.

Un cas de harcèlement témoigne de conditions de travail dégradées et d’une situation telle que le salarié a des difficultés à réaliser son activité de travail. À ce titre, il peut être mis en arrêt maladie jusqu’à ce qu’il parvienne à évacuer la souffrance engendrée et à retourner au travail. Toutefois, il peut arriver que la souffrance subie soit si importante et préjudiciable que le salarié victime de harcèlement moral ne soit plus en mesure de retourner au travail. Dans ce cas, une inaptitude est susceptible d’être prononcée sur la base d’un cas de harcèlement moral. Cette inaptitude sous-tend une procédure de reclassement. Cependant, dans le cadre d’un harcèlement moral et tant bien même que le poste de travail diffère, le retour à l’emploi est compromis du fait d’un environnement source de souffrance qui peut rarement être modifié. En conséquence, le licenciement pour inaptitude est une issue le plus souvent envisageable.

 

·        Licenciement pour inaptitude due à un cas de harcèlement moral

 

Beaucoup de contestations ont pris place concernant les licenciements pour inaptitude dont l’origine était un cas de harcèlement moral subi. En ce sens, bien que le salarié soit inapte et ne puisse plus travailler dans l’entreprise, la responsabilité de l’employeur de ne pas avoir mis en place les mesures adéquates pour éviter ce type de situations fait qu’un tel licenciement ne peut être prononcé et est en conséquence considéré comme nul (Cass. soc 20 juin 2013 n° 10-20507 ; Cass. soc 15 janvier 2014 n° 10-19876). Qui plus est, une décision de la Haute Cour datée du 15 janvier 2014 avance qu’une rupture d’un contrat de travail faisant suite à une inaptitude liée à un harcèlement moral est imputable à l’employeur qui doit alors réparer le préjudice subi. À ce titre, le salarié peut exiger sa réintégration et ainsi son reclassement dans l’entreprise, ou à défaut des indemnités. Celles-ci se composent :

  • d’une indemnité de licenciement,
  • d’indemnités compensatrices de préavis et de congés payés,
  • d’une indemnité réparant l’intégralité du préjudice dont le montant est fixé à six mois de salaire minimum.

En définitive, le licenciement pour inaptitude ayant pour base un cas de harcèlement moral est un recours nul, à moins qu’il ne s’agisse de l’alternative choisie par le salarié victime.

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