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Terra Nova dessine un « nouveau modèle » pour les complémentaires
Dans une note publiée début juin 2016, la fondation Terra Nova propose une réforme du modèle des complémentaires de santé « porteuse d'une nouvelle dynamique » du système de santé qui va sûrement « nourrir » les débats à venir.
« Ouvrir des perspectives nouvelles » aux complémentaires de santé : tel est l'objectif de la note publiée début juin par le « think-tank », Terra Nova. Intitulée « Complémentaire de santé. Sortir de l'incurie », elle propose une réforme « réaliste » du modèle des complémentaires « porteuse d'une nouvelle dynamique » en faveur du système de santé. Trois axes de réforme sont proposés.
Appliquer des « principes directeurs » aux garanties
Comme le rappelle Terra Nova, les complémentaires sont aujourd'hui incitées à « proposer des offres aux cahiers des charges toujours plus précis, définis par les pouvoirs publics ». Le respect de ces prescriptions donne droit à l'octroi d'un label de « contrat solidaire et responsable ».
En contrepartie d'une fiscalité allégée, ces contrats doivent notamment « obligatoirement couvrir l'intégralité de la participation de l'assuré sur les tarifs de prise en charge par l'assurance-maladie obligatoire pour l'ensemble des dépenses de santé, sauf pour les frais de cure thermale et les médicaments dont le service médical rendu a été classé faible ou modéré, ainsi que pour l'homéopathie ».
Ils doivent également rembourser l'intégralité du forfait journalier des établissements de santé, sauf s'il s'agit de structures d'hébergement médico-sociales. D'autres critères ont été fixés, relatifs à la prise en charge des dépassements d'honoraires ou encore à celle des dépenses d'optique. Enfin, un contrat est dit solidaire lorsqu'il n'y a pas de sélection médicale à la souscription et que le tarif des cotisations n'évolue pas en fonction de l'état de santé de la personne.
Aujourd'hui, ces contrats représentent 96 % des personnes couvertes. Mais, comme le constate Terra Nova, leur effet médico-économique est « limité » dans la mesure où ils participent entre autres à la « banalisation des dépassements d'honoraires au lieu d'ouvrir la voie vers de nouveaux modes de rémunération » des professionnels de santé. De surcroît, ils ne prévoient pas de garantie en matière d'audioprothèses et de soins dentaires, deux postes pour lesquels les restes à charge sont élevés.
En outre, la généralisation de ces contrats, segment par segment de la population, « a encouragé et consolidé la segmentation des risques, mettant ainsi à mal la loi des grands nombres, pourtant au fondement d'assurances sociales alliant mutualisation et solidarité ».
Dès lors, Terra Nova propose de substituer ces critères à des « principes directeurs » portant par exemple sur la souscription (pas d'âge maximal d'adhésion notamment), sur les garanties (remboursement et incitation régulière à réaliser un bilan de santé etc.), sur le financement (écart d'un à trois entre la cotisation la plus basse et la plus élevée etc.), sur les engagements de service (accompagnement de l'assuré dans le système de santé) et sur les obligations d'information (transparence dans l'utilisation des données personnelles de santé par exemple).
« Les organismes d'assurance-maladie complémentaire (OCAM) pourraient soit être obligés, soit être fortement incités à respecter ces principes », poursuit l'auteur. Dans le second cas, « ils donneraient simplement lieu à un régime fiscal de faveur, avec un écart de taux plus important qu'aujourd'hui », poursuit-il. Rappelons que « depuis le 1er janvier 2016, le chiffre d'affaires réalisé en assurance santé par les OCAM est assujetti à la seule taxe de solidarité additionnelle (TSA) ». Alors que contrats solidaires sont taxées à hauteur de 13,27 %, les autres contrats le sont à hauteur de 20,27 %, rappelle Terra Nova.
Favoriser l'effet social des complémentaires
« Les assureurs de santé font bien plus que rembourser des soins : ce sont aussi des investisseurs institutionnels dont les actifs et les fonds propres pourraient utilement servir à l'amélioration de notre système de santé », estime Terra Nova. Pour cet organisme, « l'idée ne serait alors plus seulement d'aménager la fiscalité selon les caractéristiques des contrats proposés mais en fonction de l'utilisation des fonds transitant par l'opérateur d'assurance ».
Parmi ses propositions, Terra Nova considère que « la solution la plus simple consisterait à tenir compte des investissements réalisés dans le système de santé en général. Le financement d'un centre de santé, d'un établissement sanitaire, social ou médico-social, voire de la recherche en santé pourrait ainsi être pris en compte ».
En la matière, ce « think-tank » suggère de s'inspirer des « social impact bonds » ou contrats à effet social, qui correspondent à la levée de fonds privés pour financer des actions sociales publiques. « Si les objectifs fixés par le contrat sont atteints ou dépassés, l'autorité publique rembourse à l'investisseur les capitaux engagés auxquels s'ajoute un taux d'intérêt pour partie dépendant des économies réalisées. Si les résultats ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés dans le contrat, l'autorité publique n'est pas tenue au remboursement des investisseurs », selon une définition de l'institut de l'entreprise.
« Le financement de ces expérimentations par les OCAM se ferait soit sur leurs fonds propres, soit sur des fonds spécifiques. Ces derniers pourraient résulter de levées de fonds spécifiques ou, dans le cas des organismes ne pouvant faire appel à l'épargne tels que les institutions de prévoyance et les mutuelles, via les certificats paritaires et mutualistes », suggère Terra Nova.
Deux types d'incitations fiscales sont envisagés pour que les OCAM s'engagent dans de tels investissements : « imaginer une réduction de TSA en fonction des investissements réalisés », ou « tenir compte du montant de cotisations redistribué ou investi ».
Dans ce second cas, « l'OCAM bénéficierait d'une fiscalité très faible, voire nulle, si les prestations versées et les investissements réalisés égalaient, ou dépassaient, les cotisations perçues sur une base annuelle ou pluriannuelle. À l'inverse, un opérateur qui n'investirait pas dans les dispositifs cibles aurait une fiscalité plus élevée ».
Expérimenter de nouvelles coopérations avec les acteurs de santé
La proposition est de mettre en place des zones franches, autrement dit, des territoires de santé où « certains principes et interdictions verraient leur portée limitée si ce n'est annihilée » de sorte à pouvoir « expérimenter de nouvelles solutions ». Par exemple, dans le cadre des réseaux de soins, la loi ne prévoit pas de conventionnement direct avec les médecins. Cette interdiction pourrait être levée dans le cadre des zones franches, le but étant de tester les possibilités d'effet social d'un dispositif dérogatoire à la loi.
Les territoires concernés seraient ainsi « délimités par les différentes parties prenantes du système de santé sur une base concertée et selon des critères objectifs (déserts médicaux, inégalités massives…) ».
Les éventuelles actions viseraient à l'amélioration de l'accès financier aux soins ou encore à la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. « L'acceptation d'une telle proposition constituerait une inversion du schéma de pensée actuel, les expérimentations devant pour l'heure être autorisées par la loi, puis validées par une agence régionale de santé, avant de pouvoir être mises en œuvre concrètement avec des financements spécifiques », fait valoir Terra Nova.
Le poids économique des complémentaires
L'assurance complémentaire de santé « concerne encore aujourd'hui 600 organismes, plus de 100 000 collaborateurs et près de 34 milliards d'euros de cotisations collectées annuellement », indique Terra Nova qui rappelle que 13,5 % de la dépense totale de soins et biens médicaux est financée par les complémentaires de santé, en hausse de 28,6 % depuis 2006.
En savoir plus
Site internet de Terra Nova.
Note de Terra Nova « Complémentaire de santé. Sortir de l'incurie ».
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