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Ryanair condamnée pour travail dissimulé : qu'en pense la Commission européenne ?
Suite à un marathon politico-juridique éreintant, Ryanair a finalement été condamnée dans le cadre de son procès pour travail dissimulé à Marseille. Avant même que la sentence n’ait été prononcée, la compagnie a d’ores et déjà annoncé qu’elle ferait appel de cette décision auprès des juridictions européennes. Mais la position officielle de la Commission joue en sa défaveur.
Décret français, droit européen
Revenons trois ans en arrière. Après sa mise en examen par la loi, Ryanair prend la courageuse décision de plier bagages, abandonnant des locaux devenus désespérément vides. L’affaire fait grand bruit, des politiques de tous bords sont naturellement révoltés, s’emparent de la question… Jean-Luc Bennahmias, Député européen et membre du parti écologique français de l’époque, interpelle le Parlement européen sur le bien-fondé juridique de la position officielle du transporteur à bas coût.
Les salariés étaient-ils sous juridiction irlandaise ou française ? Y avait-il encore des zones grises en la matière ? Quel droit primait sur l’autre : l’européen ou le français ? Quelle application de la directive 96/71/CE, dite directive du service, dans le secteur aérien ?
Ces questions ne sont pas restées lettre morte : la Commission européenne, par la voix de son Commissaire à la concurrence de l’époque, László Andor, est formelle et la réponse ne va pas dans le sens de la compagnie aérienne irlandaise…
- Pour la Commission européenne, le droit de la « base d’affectation » doit primer.
La question de la base d’affectation est centrale pour déterminer le choix du droit applicable. Par base d’affectation, l’Union européenne entend le « lieu désigné par l’exploitant pour le membre d’équipage, où celui-ci commence et termine normalement un temps de service ». En somme, si le salarié vit et réside pour une longue durée dans un pays, il ne peut être considéré comme un travailleur détaché. Or, l’enquête de gendarmerie a bien établi que Ryanair avait une base à Marseille (par ailleurs en 2010, Michael O’Leary l’admettait aussi dans un lapsus plutôt comique).
Cet avis de l’Union européenne, connu de tous, n’a pourtant jamais eu valeur de loi : les compagnies à bas coût se sont longtemps réfugiées derrière la directive 96/71/CE, ce qui a d’ailleurs mené un sénateur français à publier un rapport sur les questions de fraudes au détachement.
Face à la grogne, l’Union européenne a précisé ses lois en 2012 pour le secteur aérien afin d’éviter les risques de flou juridique. Dans le cas plus spécifique de Marseille, László Andor s’est d’ailleurs exprimé sur la question de la base d’affectation, non sans prudence : « il semble que les employés de Ryanair soient basés à Marseille et travaillent (habituellement) à partir de cette ville ». La question de la base d’affectation est, rappelons-le, essentielle pour déterminer le droit, comme l’explique le règlement (CE) n° 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles : « un salarié ne peut être privé du bénéfice des dispositions obligatoires que lui accorde l'État membre dans lequel ou à partir duquel il accomplit habituellement son travail ».
Saisir la justice européenne : une stratégie du quitte ou double
Le choix de Ryanair de saisir la Cour européenne de justice est donc risqué. Cette position demeure cependant sa meilleure porte sortie, car un appel en France serait indubitablement rejeté (comme l’ont montré les cas de CityJet et d'EasyJet).
Ses lignes de défense ? Impliquer l’Irlande et dénoncer la double taxation, ce qui raviverait les tensions intra-européennes, mais aussi jouer sur le flou européen de l’époque pour assurer de sa bonne foi, la révision du droit a posteriori allant dans le sens.
Hélas, c’est une défense plutôt fragile. Dans le cas d’un échec, l’opérateur risque gros puisqu’une jurisprudence européenne en la matière pourrait émerger.
Une autre solution pourrait être envisagée par le PDG Michael O’Leary.
Acculée et avec pour seule alternative le pire ou le moins pire, la compagnie irlandaise, la seule appliquant encore « la directive du service », pourrait se décider à céder et payer rubis sur l’ongle la somme exigée par l’État français. Une idée qui doit faire grincer des dents le fougueux Michael O’Leary.