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28 / 04 / 2009 | 13 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Risques d'affaiblissement des CHSCT

En 2002, les 22 000 CHSCT avaient fait appel à des cabinets d’expertises agrées environ 200 fois. En 2008, le nombre de recours à l’expertise a été multiplié par cinq. La marge de progression reste très importante au regard de la multiplication des réorganisations et autres restructurations dont les conséquences sur les conditions de travail sont de plus en plus complexes à décrypter. Surtout que les CHSCT ne peuvent plus faire l’impasse sur le sujet de la prévention des risques psycho-sociaux.

C’est dans ce contexte que la Direction Général du Travail (DGT) confirme que la procédure d’agrément des cabinets d’experts CHSCT va passer sur le grill pour voir si elle doit évoluer dans le giron du Ministère du Travail avec toujours une approche paritaire ou s’il faut entièrement l’externaliser.

Officiellement, c’est la directive européenne Bolkestein relative aux libertés d’établissement des prestataires de services dans le marché intérieur qui justifie cet « audit » sur les conditions de l’agrément des cabinets d’experts CHSCT. À charge pour le Ministère de justifier cet agrément à partir de janvier 2010 à tout prestataire européen désireux de se placer sur ce marché appelé à grossir.

Vers un contrôle de la mesure des conditions de travail ?

L'agrément ministériel pourrait ainsi se transformer en une accréditation délivrée par le Cofrac, le comité français d’accréditation. Mais alors que le contrôle de l’ingénierie ne fait pas partie du champ de compétence du Cofrac, quid de l'accréditation de l’ingénierie sociale que recouvre les interventions des cabinets d'experts CHSCT ? Une chose est certaine, le Cofrac accrédite exclusivement les activités de contrôle.

  • Il existe déjà une norme européenne (ISO 10075-1) sur « la charge de travail mental ». Elle inclus la « contrainte mentale » et « l’astreinte mentale ». Toute une série de directives européennes concernent aussi le stress.

Si les missions des cabinets auprès des CHSCT visent bien à mesurer, elles comportent aussi une dimension conseil. Or le conseil n'est pas accréditable. « Je ne suis pas du tout persuadé que cette activité, qui comporte un important volet "conseil", puisse faire l'objet d'une accréditation », déclare Daniel Pierre, le directeur général du Cofrac.

Les syndicats sur la même longueur d'onde pour refuser

« La fin de l’agrément signifiera la mort de l’expertise CHSCT » - Yves Bongiorno, CGT

Les cinq organisations syndicales (CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, CFDT) ont adressé un courrier vendredi dernier à la DGT pour rappeler leur attachement à un agrément ministériel. Elles voient dans la procédure d’accréditation un risque majeur de banalisation. « Il y a actuellement 70 cabinets agréés dont l’objectif vise avant tout à déboucher sur un compromis social. Une accréditation se traduirait à l’évidence par une multiplication des cabinets éligibles à des missions d’expertise auprès des CHSCT », déclare Bertrand Neyrand, assistant confédéral en charge de la santé au travail à la confédération FO. Des cabinets susceptibles de diluer les responsabilités de l’employeur ou de culpabiliser des personnes tout en étant capables de justifier d’une capacité à respecter des procédures normées. « Le patronat ne serait pas gagnant car la lisibilité de l’offre serait plus floue. Les contentieux sur le choix des prestataires se multiplieraient », estime Benoit Tassard, en charge des conditions de travail à la CFTC. Les contentieux pour mise en danger de la vie d’autrui ou encore pour défaut de protection des employeurs pourraient tout autant se développer à l’issue de missions d’expertise mal conduites. Yves Bongiorno de la confédération CGT lance : « la fin de l’agrément signifiera la mort de l’expertise CHSCT. Seul l’agrément est le garant d’un contrôle social. »

  • Aujourd'hui,  tous les dossiers de demande d’agréments passent pour avis auprès d’une commission paritaire du Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT). Le Ministère du Travail délivre ensuite ou non l’agrément pour une durée de un à trois ans. En amont, ce sont des instructeurs de deux organismes paritaires que sont l’Anact et l’INRS qui passent les demandes en revue.

 

Trois scénarios

Trois scénarios se dessinent. L’État considère, sous la pression des syndicats, que la procédure d’habilitation des cabinets d’experts CHSCT doit continuer à rester au cœur de ses prérogatives vu l’enjeu représenté par l’amélioration des conditions de travail. Le tout, en sachant que tout le monde s’accorde à dire que les modalités de l’agrément actuel sont à améliorer pour garantir une meilleure équité, plus de transparence, plus de retour des premiers concernés tout en permettant de traiter un nombre grandissant de demandes.

Deuxième scénario : l’agrément ministériel se transforme en une accréditation du Cofrac avec toutes les questions que cela pose dans les nouveaux critères de choix des prestataires.

Si l'accréditation se révèle impossible, le ministère peut alors décider de transformer l'agrément en une simple habilitation comme celle qui s'applique d'ores et déjà aux IPRP (Intervenants en Prévention des Risques Professionnels) qui interviennent principalement pour le compte des services de santé au travail et des directions.

Le processus d'habilitation est régional puisque ce sont des représentants des Aracts (Agence régionale pour l'amélioration des conditions de travail), de la CRAM et des directions régionales du travail qui statuent sur les demandes. Ifas ou Stimulus, les principaux cabinets à intervenir auprès des directions sur les conditions de travail sont habilités IPRP à défaut d’être agréés expert CHSCT. L'habilitation est délivrée aux personnes morales pour une durée de cinq ans et à vie pour les personnes physiques.

  • Rien n'assure que les syndicats se montreront plus favorables à un tel transfert. Ils considèrent en effet que les conditions de l'habilitation IPRP, pour le moment délivrée à 1500 personnes physiques et morales, ne sont pas satisfaisantes. Notamment parce que les critères d’éligibilité varient selon les régions.


Enfin, dernier scénario, l’agrément ministériel passe à la trappe et il n’est plus besoin de justifier de quoi que ce soit pour démarcher les CHSCT. Une ouverture totale qui se traduirait par une augmentation encore plus forte des contentieux liés à des refus de financer des directions. Sans parler des risques de voir arriver en sous-marin des courants sectaires sous couvert de prestations d’accompagnement des risques psycho-sociaux. Une excellente porte d’entrée.

Y aurait-il une volonté ministérielle de dynamiser le marché tout en redistribuant les cartes en profitant de l’opportunité Bolkestein ? Car c’est un véritable marché que celui de l’amélioration des conditions de travail avec d’un côté des cabinets qui travaillent à la demande des CHSCT et dont les représentants les plus importants jouent la carte du réseau avec les organisations syndicales et de l'autre des cabinets qui travaillent à la demande des directions en associant plus ou moins les CHSCT. Chacun son camp, encore que les frontières deviennent de moins en moins claires .

  • Le 30 avril est prévue la première réunion du Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT). Le sujet de l’agrément des cabinets d’experts CHSCT va être sur la table.
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