Organisations
Pourquoi le compte personnel de formation est inutile aux salariés
En 2013-2014 les partenaires sociaux et les pouvoirs publics ont créé dans le vide (en état d’apesanteur éducative et sociale) un compte personnel de formation (CPF), non financé et qui n'en finit pas de planter l'ensemble de la formation professionnelle en France (OPCA, OF, entreprises et salariés).
Cette invention technocratique (imaginée par le MEDEF) n'apporte malheureusement aucune réponse adaptée aux besoins de montée en compétences des salariés et elle néglige complètement les capacités d’apprentissage des travailleurs les moins qualifiés de notre pays.
La formation sans l’employeur est un vœu pieux, une incantation vidée de sens.
Un court article est paru fin juin sur le site de BFMTV, sans doute passé inaperçu alors qu’il aborde un point essentiel pour les apprentissages et l'éducation en France : « pourquoi de nombreux salariés sont découragés face à la formation ? »
Extraits : Fort taux d’abandon pour ceux qui choisissent leur formation
« Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ceux qui ont le moins tendance à abandonner leur formation professionnelle (ou continue) sont les salariés qui suivent une formation professionnelle ou continue sur ordre de leur supérieur. Si la formation est exigée par l’entreprise pour laquelle on travaille, difficile en effet de refuser cette demande… »
À l’inverse, ceux qui suivent une formation professionnelle de leur plein gré sont les plus enclins à l’abandonner.
Le CPF (s'appuyant sur la seule volonté de l'individu) est un dispositif illusoire dont le seul résultat aura été de diviser par 10 le nombre de salariés pouvant se former.
C’est à la fois l'architecture (un compteur nomade censé rendre libre d'utiliser ses heures tout au long de la vie) et le concept même (le salarié se formant seul et sans intervention de son employeur) du CPF qui sont remis en question sur ce point essentiel qui tient de la capacité d’entrer en formation puis d'aller au bout de son effort de formation (afin d’en tirer des bénéfices pour le travail).
Que peut faire un employeur face à une formation individuelle s’il n’y a pas été associé ?
La réponse est en général assez simple et laconique : rien, la formation se traduisant par la simple obtention d’un parchemin, sera en général inutile, inadaptée ou même contre-productive (produisant du ressentiment et du découragement).
L'entreprise est un collectif, on ne se forme pas seul, le management, la direction, les collègues participent (ou non) d’un écosystème éducatif. Le type même de formations mises en œuvre dans le CPF (totalement individualisées, calquées sur l’école) ne débouchera sur rien : ni promotion ni prise en compte des nouvelles compétences acquises (à supposé qu’elles existent tant le CPF a d'accointances et de similitudes avec l'Éducation nationale).
Tout le projet du CPF est vain : une formation hors sol de l’entreprise, avec la seule volonté de l’individu, le tout non financé.
Le CPF imite le congé individuel de formation (CIF) sans lui apporter quoi que ce soit de mieux.
S’ils ne se réalisaient en France qu'un congé individuel de formation pour 500 salariés en moyenne par an, ce n’était pas seulement parce que les financements auraient manqué ou que le dispositif aurait été trop long ou contraignant mais bien plutôt parce que les salariés capables d’entreprendre seuls une reconversion professionnelle ou une formation longue demeurent des exceptions.
Le CPF, qui prétend laisser l'individu seul face à ses apprentissages (avec cet appui symbolique et totalement illusoire d’un conseiller en évolution professionnelle) est pour cette raison fondamentale un échec aujourd’hui et il restera le symbole de l'échec des pouvoirs publics et des partenaires sociaux qui ont enfanté ce dispositif.
Le droit individuel à la formation (DIF) associait l'employeur et son salarié au développement des compétences.
Ceux qui avaient créé le DIF savaient que seul le dialogue et l’accord de l’employeur sur la formation rendait celle-ci utile et pouvait la valoriser (par un vrai dialogue social qualitatif).
Le DIF était donc une codécision avec l'employeur, celui-ci portait et devait encourager la formation individuelle de son salarié.
Le CPF, lui, est une aberration sociale, conceptuelle, organisationnelle et financière, moins de 1 % des entreprises ont conclu un accord pour le mettre en œuvre.