Schéma directeur du numérique à la DGFIP: des inquiétudes et des questions mais bien peu de réponses
C'est le sentiment de notre syndicat suite au dernier groupe de travail informatique relatif au « Schéma directeur du numérique » (SDNum) de la DGFiP ainsi qu’à l’installation de la DTNum (Délégation à la transformation numérique) et des structures DPN BSI2- DP5-DP9 au Xylo à Fontenay-sous-Bois (94).
Cette réunion , sur une journée entière a minima avait été réclamée, notamment par notre syndicat , lors du précédent Groupe de Travail de novembre dernier où de multiples sujets avaient été abordés sans avoir de schéma directeur permettant de structurer ces problématiques.
UN SCHÉMA DIRECTEUR PÉDAGO-STRATÉGIQUE
Pour la DGFiP, ce SDNum, encore à l’état de projet, se veut un document « à la fois stratégique et pédagogique » et « vise ainsi à apporter une vision claire et stratégique du numérique à la DGFiP et constitue un outil de sa valorisation interne comme externe ».
Sans méconnaître l’utilité d’un tel document, notre syndicat s’interroge sur de nombreux sujets : Citons par exemple :
Les CID/SIL : des objectifs à moyen terme de mutualisation avec les préfectures, puis plus tard avec les collectivités (régions/départements/grandes métropoles), ce qui nous incite à une très grande vigilance sur ces mutualisations.
Sur le prêt d’agents, l’interministériel devrait s’opérer sur les grands projets. Concrètement en Agile/devops, il feront la partie Agile et à la DGFiP la devops. Quand à la GPEEC, il n’y a pas de chiffrage précis car le document est en construction ;
L’éditique s’orienterait vers de grands centres industriels équipés afin de réduire les coûts d’affranchissement, couplée à une offre de logiciels de dématérialisation accessibles en interministériel dans un premier temps et vers les collectivités dans un second temps ;
Sur les Logiciels d’Initiative Locales (LIL), nous notons en page 92 que « Les logiciels d’initiatives locales sont reconnus ». Cependant et par expérience, ces logiciels sont développés afin de répondre a un besoin métier. Le problème est qu’aujourd’hui les LIL/ALIC ne respectent ni la charte technologique, ni la comitologie (CAI, Copsi etc.) et présentent des contraintes de sécurité (données, authentifications, RGPD). Donc, par définition, ils sont « reconnus » mais non intégrés au sein du SI (CORE, Vulcain etc.) ;
Sur la pérennité toute relative d’un LIL, pour lequel le SSI est frileux, ce dernier est utile s’il facilite le travail des agents de la DGFIP. Puis vient une phase de maturation entre 6 mois et 2 ans. Dès lors, les Directions ou Services Centraux savent si leur LIL/ALIC à vocation a être étendu, prolongé ou abandonné. Si le LIL n’est pas abandonné, comment faire entrer une application dans le SI alors que ce dernier ne respecte pas les normes DGFiP (Langage de programmation, Socle, SGBD, infra serveur etc...) ? C’est là que le plus gros problème se pose. Le document a justement vocation à en tirer des axes d’amélioration (toujours page 92).
Cependant qu’en est-il du stock des dizaines voir centaines de LIL/ALIC actuellement développés et en production ?
Sur le développement de nouveaux LIL : ne serait-il pas plus judicieux de suspendre ces développements en attendant qu’un environnement standardisé, normé et avec un minimum de comitologie soient communiqué à l’ensemble des directions ?
En effet, en attendant, tous les travaux effectués en urgence car répondant à un besoin métier ne répondent pas aux exigence du SI.
N’est-ce pas une grosse perte de temps, ressources et moyens ? Cela n’engendre-t-il pas du stress supplémentaire à la fois aux équipes métiers et du SI qui doivent essayer d’adapter ces outils s’ils ont vocation à être pérennisés ?
Comme depuis des années, ce sujet des LIL/ ALIL est une épine dans le pied du SSI. Malheureusement, alors que les solutions du privé et de logiciel libre du type « no code » percent, le SSI accorde une importance relative à cette niche alors que les besoins en directions semblent criants. À l’heure actuelle, seule la DTNUM avec son projet d’intrapreneur (fabrique numérique) semble conscient du sujet. Cependant le sujet des LIL/ALIL reste entier, car ces projets n’attirent pas la DTNUM à cause du manque d’impact ou d’importance sur les directions de la DGFIP.
Seuls les projets à rayonnement national sont pris en compte.
UNE FEUILLE DE ROUTE DE 111 PAGES !
Pour nous , ces interrogations demeurent et tournent aussi autour des compétences des agents et de l’impact des modes de travail Agile, Intelligence artificielle (IA), Nubo. La question de l’acculturation des agents à ces méthodes doit être clairement posée.
Sur l’IA, les réponses étant de plus en plus précises et plus intelligibles, il en découlera une dévalorisation de l’agent qui risque de devenir un simple agent correcteur de l’IA (ie foncier innovant) ; aura t’on d’ailleurs le droit d’expérimenter sur l’IA ?
Où vont passer les initiatives des agents en terme de logiciels ?
Proxinnov va t-il disparaître ?
Sur les « compétences rares », nos agents seront formés ou simples correcteurs d’erreurs ?
Qui va t-on recruter ?
Y aura t-il des dispositifs financiers pour fidéliser les nouveaux arrivants ?
Et les autres seront-ils indemnisés à hauteur de ce que prévoyait la circulaire Borne du 3/1/24.
Le SSI est en phase de maîtrise avec cette technologie IA, ce qui semble rassurant. Elle rentre en phase d’intégration de cet outil dans les processus SSI, mais n’a pas encore atteint la recherche de gisements de productivité. Ce produit, toujours émergent et en phase d’évolution rapide, provoque des inquiétudes. Et enfin, l’arrivée de la facturation électronique risque d’être un big bang en termes d’emplois. Cette révolution s’apparente au chantier du prélèvement à la source. Elle sera sûrement un gisement de productivité dans les directions, ne serait-ce que sur les RC-TVA.
À toutes ces interrogations d’un document de 111 pages impossibles à traiter en une journée, l’administration a délivré des bribes de réponses.
Le Président précise que le SDNum est à usage interne au SI mais aussi à l’attention des agents de la DGFiP et des partenaires externes (Cour des Comptes, ...). C’est également un outil vis à vis des bureaux RH et SPiB. Il réaffirme le rôle de l’assistance qui est notre point fort. Le Président a botté en touche sur la question des salaires des informaticiens qui n’est pas de sa compétence. Tout au plus, nous confie t-il que la Direction interministérielle du numérique (DINUM) va proposer de revaloriser les informaticiens et que lui même appuiera cette demande.
Sur les infrastructures, la question de l’hébergement via des Data Centers reste d’actualité dans un contexte d’éco-responsabilité. Le Président a tenu à nous rassurer : il n’est pas du tout prévu que les équipes NUBO soient happées par la DINUM. L’actualisation sera annuelle car l’évolution technologique est rapide et très vite périmée.
C’est enfin un schéma directeur «100% maison » et « un document de grande qualité ».
Il est à craindre que ce SDNum, dans sa partie sécurité et souveraineté, reste dans le domaine des intentions, car dépendant des orientations stratégiques de la DTNum. Les logiciels libres restent sur l’offre bureautique. Le SSI admet la pauvreté des fonctionnalités pour ces outils et plus particulièrement dans la rédaction de rapports. Cependant Le SSI n’évoque pas l’idée d’une possible association avec l’offre ETNA (environnement numérique de l’agent) et admet utiliser les outils bureautiques propriétaires dans leurs taches de cadres supérieurs/dirigeants.
À ce stade, la trajectoire est d’aller vers des techno cloud, mais pour cela il faudra élargir les capacités d’hébergement. Le poste de travail sous linux a été un échec avant la Covid, en grande partie à cause de l’absence d’adhésion des cadres dirigeants sur l’utilité du chantier ; ce sujet sera de nouveau évoqué au plus haut niveau en attente d’une hypothétique relance.
RH ESI ET BUDGET SSI : ÇA BAISSE !
Sur les moyens humains, le Président offre peu de visibilité à moyen terme (2 à 5 ans) et dit vouloir privilégier les recrutements par concours. F.O.-DGFiP reste vigilant sur ces promesses puisque le Président considère les contractuels comme des ressources internes en réponse à des projets de plus en plus complexes demandant des compétences pointues, surtout avec l’ouverture tout azimut du recrutement au choix.
Nous sommes en droit de nous poser la question de la spécialisation à l’extrême des techniciens, surtout dans le contexte du recrutement au choix : on va se retrouver bloqué dans une filière et cela va limiter nos possibilités de mobilité (à l’instar des métiers administratifs).
Sur les tableaux fournis on remarque une baisse des effectifs en ESI assez conséquente : - 500 en 10 ans, même si les effectifs, globalement, présentent un solde positif.
Au niveau budget, la hausse des budgets informatiques des 10 dernières années s’est inversée en 2024 (-30 millions €).
Et nous sommes dans l’incertitude pour les années à venir dans un contexte de restrictions budgétaires fortes. Intégrant une baisse probable pour 2025, le Président semble pourtant serein et se félicite d’être sur un niveau de moyens élevé.
Notre syndicat remarque d’ailleurs que le budget informatique baissant en volume, sa part à malgré tout augmenté dans le budget total de la DGFiP ; cela montre que le budget alloué aux autres services subit une baisse encore plus forte. Dès lors, nous pouvons nous interroger sur la viabilité d’un système informatique dont les utilisateurs « métiers » sont en voie de disparition…
LES PROJETS
Factelec : il y a eu réduction de budget due à la réduction du périmètre (abandon de la plateforme publique). L’ouverture en production de l’annuaire est pour avril 2025, les jalons sont tenus et les tests vont bientôt commencer. NARA (nouvelle application du recouvrement des amendes) : l’ouverture est toujours prévue pour 2027, la livraison se fera module par module.
FIDJI : Il y a un projet de réécriture. Concernant GCOS (système d’exploitation de Bull), il y a de forts enjeux de maintien de compétence au sein des DISI ; il y a d’ailleurs un travail avec l’éditeur pour des formations GCOS.
LA DTNUM, CALIFE À LA PLACE DU CALIFE ?
Le nouveau responsable de la DTNum de la DGFIP, était présent. Il a démenti toute mainmise de la DTNum sur le SSI de la DGFIP et toute velléité de sa part de s’affranchir des règles du SSI. En matière d’IA, la DTNum a sa feuille de route avec une doctrine d’usage, un cadre pour estimer les gains et les coûts, l’infrastructure, la formation et l’accompagnement et enfin la communication.
Sur l’IA, nous avons vivement réagi sur la notion d’IA écoresponsable qui est pour le moins un oxymore, l’IA étant grosse consommatrice d’énergie. Sur la finalité de l’IA, ne nous voilons pas la face, elle sera un gisement important de réduction d’emplois.
DÉMÉNAGEMENT AU XYLO : ENCORE TROP D'INCERTITUDES
Ce projet de déménagement - à Fontenay Sous Bois (94) dans le bâtiment Xylo - qui alimente les débats de la formation spécialisée du CSA des services centraux de la DGFiP, tant il est contesté sur la forme et sur le fond, n’a pu être traité de façon satisfaisante en fin de journée.
Nous avons tenu à rappeler l’association insuffisante des agents, un piètre dialogue social, des incertitudes sur les effectifs physiques impactés, des attentes non satisfaites sur les espaces de travail ainsi que des solutions de parking et de restauration en deça de l’existant actuel. L’administration a réponse à tout, il est donc étonnant que des questions demeurent !
Notre organisation syndicale continuera de soutenir le combat des collègues pour une meilleure prise en compte de leurs légitimes revendications.
Pour nous le ministre et la Directrice Générale doivent se donner les moyens de leurs ambitions pour la DGFiP et, par conséquent, pour son informatique qui est au cœur de chacune de ses missions et qui ne peut se limiter à la résorption de sa dette technologique.
Le contexte budgétaire national, pour le moins hasardeux, fait cependant craindre le pire dans les années à venir pour l’informatique à la DGFIP.