Retrouver la confiance....
Le baromètre 2025 de la confiance politique (1) publié par le CEVIPOF il y a quelques mois est édifiant et quelque peu inquiétant. Il montre le grand désarroi dans lequel se trouvent nos concitoyens vis-à-vis de la politique et de ses représentants.
Très faible niveau de confiance – rejet profond des institutions nationales – méfiance et découragement – crise de légitimité politique– aspiration à plus d’autorité – éloignement de la politique – sont les principaux constats mis en évidence par l’enquête du CEVIPOF.
Il faut dire que le spectacle consternant donné par la classe politique depuis quelques temps n’incite pas à avoir de la considération envers elle. Selon le CEVIPOF : « La perception de la classe politique est particulièrement critique :
- 52 % des Français considèrent qu’il n’y a pas de quoi être fier de notre système démocratique, contre 42 % en Italie et 33 % en Allemagne,
- Seuls 28 % des Français estiment que la démocratie fonctionne bien, loin derrière les 37 % des Italiens et les 51 % des Allemands.
La confiance dans les partis politiques continue de reculer, avec seulement 16 % de confiance, soit une baisse de 4 points par rapport à l'an dernier. La confiance dans les syndicats est également en déclin (−3 points), passant de 40 % à 37 %. »
Certes, ces constats ne sont pas très nouveaux comme le montre l’évolution du baromètre du CEVIPOF depuis 2012. Mais l’instabilité politique créée à la suite de la dissolution de l’Assemblée Nationale décidée de façon incompréhensible par le président de la République amplifie ces constats de défiance. Surtout, elle accentue l’affaiblissement de l’idéal démocratique dans notre pays, et crée les conditions de l’avènement d’un régime autoritaire, voire autocratique, par lassitude ou découragement d’une majorité de nos concitoyens.
78% des personnes interrogées considèrent en effet que la situation institutionnelle de la France est grave voire très grave.
La conséquence est que : « face au « chaos politique actuel, 65 % des Français préfèrent se détourner de la politique et se concentrer sur leur vie personnelle », et par ailleurs, « 48 % des Français estiment que rien n'avance en démocratie, il faudrait moins de démocratie et plus d'efficacité - 41 % approuvent l’idée d’un « homme fort qui n’a pas besoin des élections ou du Parlement - 73 % souhaitent un vrai chef en France pour remettre de l’ordre ».
A contrario, les français font majoritairement confiance dans les institutions locales, et c’est une bonne nouvelle, ce qui montre que la démocratie peut être régénérée dans les territoires, lieux de proximité où les liens peuvent plus facilement se tisser.
Rechercher la confiance est donc l’action majeure à mettre en œuvre par la classe politique, en laissant de côté les postures politiciennes, d’autant qu’au-delà des enjeux économiques, sociaux et environnementaux, le contexte géopolitique mondial nécessite que l’on resserre les rangs, au niveau national comme européen.
Nous le disons et écrivons souvent au CIRIEC, on ne mesure pas assez les conséquences du modèle économique théorisé principalement hier par Friedrich Hayek et Milton Friedman, aujourd’hui par Peter Thiel, économiste inspirateur du trumpisme (2). Ce modèle s’appuie sur des principes simples : prééminence du marché censé tout régler – le moins de contraintes publiques pour gagner toujours plus, et des pratiques détestables : évitement fiscal - contournement des règles concurrentielles et réglementaires - spéculation financière – incitations à hyper consommer. S’il a pu engendrer d’indéniables progrès dans de nombreux domaines, il a fini par générer faute de régulation des inégalités incontestables de revenu et de patrimoine, ce qui devient insupportable dans une démocratie en quête de justice et de solidarité.
Cette situation porte aujourd’hui atteinte à deux supports fondamentaux de l’équilibre d’une société harmonieuse, la confiance et son corollaire le consentement.
Il est donc clair qu’il faut changer de paradigme économique car les risques avérés du système actuel sont aujourd’hui flagrants.
Nul besoin de grandes théories pour démontrer que les inégalités et les injustices ont toujours entraîné l’émergence des mouvements extrémistes, populistes et antisystèmes un peu partout dans le monde.
Nous devons donc plus que jamais promouvoir une économie politique plus vertueuse, basée sur des valeurs et des principes que l’économie sociale et solidaire a depuis longtemps mis en évidence, qui soit une économie des besoins comme l’affirmait le regretté Jacques Fournier, qui mette au cœur de ses finalités le bonheur des individus et la réponse à leurs besoins sociaux.
Dans cette économie politique « revisitée », l’Etat et les collectivités territoriales doivent bien sûr prendre leur part, avec des moyens suffisants d’autant mieux consentis que la confiance est retrouvée. Il est essentiel, toujours pour regagner la confiance, que soient valorisées leur mission primordiale de garantir les droits fondamentaux, la cohésion sociale, la transmission des valeurs et des principes de vie en société, la bonne gestion des biens communs.
Pour y parvenir, il faut plus de démocratie, mais une vraie démocratie. Non pas celle qui s’exerce en trompe l’œil sur les réseaux sociaux, ni celle qui résulterait d’une liberté d’expression sans limites, mais celle qui résulte d’un débat sur la base de données documentées, objectives, non contestables, et d’une écoute réciproque.
A défaut, la confiance ne serait pas retrouvée, ce qui ne serait pas de bonne augure pour la pérennité de notre pacte républicain.
(1) https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/actualites/barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof-2025-le-grand-desarroi-democratique/
(2) https://www.miroirsocial.com/participatif/de-quel-etat-avons-nous-besoin-la-pensee-de-peter-thiel-et-curtis-yarvin