Réforme universelle des retraites alors que les maisons de retraite sont déjà cotées en bourse
En France, on aime les grands mots. Pas grave si l’on en perd le sens. L’universalisme en fait partie. Alors oui, tout le monde accèdera bien à une retraite dite "universelle" avec la garantie d’un socle minimal. Certes, mais le système ouvrira simultanément encore plus la porte à des leviers pour la compléter qui, eux, n’ont plus rien d’universel. À chaque entreprise son dispositif d’épargne salariale retraite alimenté par l’intéressement et la participation avec un abonnement de l’employeur ou non. Ces entreprises peuvent aussi négocier des « PER entreprises » (ex. article 83), des régimes obligatoires de retraites supplémentaires à cotisations définies tant pour les salariés que pour les employeurs. Enfin, à chacun sa liberté individuelle de compléter sa retraite par répartition avec de la capitalisation en fonction de ses moyens. Ce complément ne représente aujourd’hui que 3 % des retraites globales.
3 % de retraite par capitalisation : peut mieux faire
Il y a justement de quoi le faire progresser. La loi PACTE a bien préparé le terrain pour permettre aux assureurs et aux banques de développer l’épargne retraite grâce à un allégement des contraintes. Cette épargne retraite supplémentaire pèse pour le moment entre 7 et 18 % de l’activité d’assurance des assureurs, notamment des groupes de protection sociale dont la gouvernance est paritaire. Pour rappel, ce sont les fédérations de fonctionnaires CFDT, CFTC, CFE CGC et FO qui ont créé l’association Préfon en 1964, dont le contrat de retraite par capitalisation représente 15 % des flux de l’épargne retraite individuelle en France et 17 milliards d’encours.
Diversité des compléments
En matière d’accès à la santé, le socle commun est certes garanti par l’Assurance-maladie mais les complémentaires santé représentent déjà plus de 13 % des remboursements et cela progresse sur un marché concurrentiel. À chaque entreprise sa couverture santé complémentaire avec des options selon les situations et les moyens des salariés. Avec des différences sensibles à la clé. D'où la réforme du 100 % santé pour garantir un reste à charge zéro en audiologie, optique et dentaire sur un panier de soins encadré d'un niveau moyen de qualité.
En prévoyance, les entreprises et les branches professionnelles ont négocié des régimes complémentaires qui prennent le relais des indemnités journalières versées par la sécurité sociale dans le cadre des arrêts de travail de longue durée. Concernant la couverture dépendance, c’est encore au marché privé qu’il appartient de proposer des compléments sous forme de rente pour prendre en charge une partie des coûts d’hébergement dans les maisons de retraite ou les services de soins à domicile. On est loin de l’universalisme dans les conditions d'accès. Un groupe comme Korian, l’un des leaders du marché des maisons de retraite, est coté en bourse comme son concurrent Orpea. Deux groupes dont le socle économique repose sur un marché régulé par l’État et qui comptent assureurs et fonds de pensions au rang de leurs premiers actionnaires.
Priorité au salaire socialisé, vraiment ?
Que ce soit pour compléter sa retraite, améliorer sa couverture santé, maintenir ses droits à indemnisation pendant un arrêt, prépayer sa maison de retraite ou son assistance à domicile, l’actif se voit ainsi proposer ou imposer, selon les cas, un vaste panel de leviers largement désocialisés. De quoi creuser plus encore le fossé entre les salariés des TPE / PME et ceux des grandes entreprises. Le forfait social a même disparu pour les TPE / PME en janvier 2009 pour qu’elle redistribue davantage à travers l’intéressement. Fin décembre 2018, l’encours de l’épargne salariale atteignait 125 milliards d’euros, en augmentation de 6 %. A noter que la CFDT, la CGT, la CFE-CGC et la CFTC sont à l'initiative du comité intersyndicale de l'épargne salariale qui labellise des fonds de placement "socialement responsable". L'en-cours des fonds labellisés par le CIES représentait 16 milliards d'euros début 2019. "Obtenir la législation la plus favorable possible à l’épargne salariale, dans le strict respect de la primauté des salaires", est l'un des rôles du CIES. En 2018, 19 milliards d’euros ont été redistribués sous forme d’épargne salariale, dont une partie se trouve être orientée sur un horizon retraite. L'effet n'est pas neutre sur les salaires dont les cotisations salariales et patronales alimentent encore les deux tiers du financement des retraites par répartition. Des salaires de moins en moins socialisés alors que la suppression des cotisations maladie et chômage des salariés se trouve compensée par une hausse de la CSG. Quel avenir pour le salaire de la retraite en somme ?
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