Organisations
La semaine de 4 jours, une fausse solution pour les fonctionnaires
Les sondages indiquent qu’une majorité de Français sont favorables à la semaine de quatre jours. Depuis la crise due au Covid-19 et l’essor du télétravail, cette tendance concerne aussi la fonction publique.
Selon une étude du Sens du service public avec Opinion Way de mars 2023, 79 % des agents publics seraient enclins à proposer la semaine de quatre jours à ceux qui ne peuvent pas télétravailler.
Un leitmotiv émerge, selon lequel, pour renforcer son attractivité, la fonction publique doit promouvoir la semaine de quatre jours an de permettre davantage d’individualisation des organisations du travail. Cette affirmation soulève toutefois des interrogations, parfois vite évincées, mais entretient aussi la confusion entre la semaine de quatre jours à trente-deux heures, donc avec réduction du temps de travail hebdomadaire, et la
semaine de quatre jours à trente-cinq heures, donc avec allongement de la durée quotidienne de travail.
Dès lors que les effets bénéfiques de la semaine de quatre jours sont censés être nombreux (diminution des temps de transport, liberté accrue dans la gestion de son emploi du temps, davantage de temps pour soi), la fonction publique se doit de l’expérimenter. Elle est d’ailleurs déjà testée, notamment dans certains hôpitaux ou certaines collectivités locales. Il s’avère, à travers ces expérimentations, qu’en libérant une journée sans diminuer le temps de travail hebdomadaire, l’amplitude horaire de la journée de travail est augmentée de quasiment deux heures.
Or, allonger la durée quotidienne de travail de certains métiers peut être plus délicat qu’on ne le suppose. L’intensification quotidienne de la charge de travail peut avoir des effets sur la fatigue et le nombre d’accidents.
En outre, la hausse du volume horaire quotidien peut engendrer des difficultés à concilier les contraintes de la vie privée (garde d’enfants) avec la vie professionnelle
Harmonie des collectifs
Pour les services publics qui doivent garantir la continuité de leur fonctionnement, les jours « o » communs à tous les salariés, c’est-à-dire des jours de fermeture des services, sont impossibles. Dès lors, la semaine de quatre jours peut avoir de lourdes conséquences pour la cohésion des équipes qui, mathématiquement, se côtoient moins, surtout lorsqu’elle se cumule avec le télétravail. Nous n’avons pas encore de recul suffisant sur ces expériences pour apprécier les effets de la diminution des interactions entre collègues.
Toutefois, on note que concentrer la charge de travail sur un nombre de jours plus réduit nécessite de revoir les façons de travailler (durée raccourcie des réunions, processus de décision simplifiés…) et d’allonger la durée quotidienne de travail, mais aussi de réviser et d’enrichir les missions des agents.
Par ailleurs, la pertinence même de la semaine de quatre jours est sujette à caution pour certains secteurs publics.
Dans des domaines comme ceux de l’éducation et de la petite enfance, augmenter la durée quotidienne pour compenser une journée de travail en moins peut être inadapté. Cela ne répond pas nécessairement aux besoins des usagers.
Et, dans les domaines d’activité nécessitant un contact constant avec les usagers au travers de guichets, par exemple, l’extension du temps de travail quotidien avec moins de fonctionnaires présents peut être inappropriée, sauf à dégrader la qualité du service, dans un contexte d’insatisfaction grandissante vis-à-vis des services publics.
C’est pourquoi l’application universelle de la semaine de quatre jours dans la fonction publique semble peu probable, voire peu souhaitable.
Le vrai défi consiste à tester prioritairement la semaine de quatre jours auprès des métiers de terrain ou de ceux exercés en face-à-face avec le public, métiers pour lesquels son déploiement s’avère plus complexe.
Ces postes sont d’ailleurs déjà ceux pour lesquels le télétravail reste le moins répandu. Rappelons que six agents de la fonction publique sur dix n’ont pas actuellement la possibilité de télétravailler, notamment parce que les missions liées à leur poste l’empêchent. La vigilance des employeurs publics consiste donc à éviter le cumul du télétravail et de la semaine de quatre jours, car les conséquences sur l’harmonie des collectifs de travail seraient dommageables et les risques de ressentiment importants.
En raison des effets bénéfiques à titre individuel de la semaine de quatre jours, les obstacles organisationnels, tout en étant nombreux, méritent d’être levés, d’abord pour les métiers non télétravaillables. Mener ces expérimentations au plus près du terrain en étroite collaboration avec les agents publics et les organisations syndicales les rendrait acceptables, sans en faire le pseudo-remède à la crise d’attractivité de la fonction publique.
La semaine de quatre jours ne doit pas devenir le trompe-l’œil qui détourne des enjeux primordiaux, comme le déroulement de carrière, la rémunération ou l’accès au logement.