Dette: La grande imposture sociale
Instrumentalisée depuis des décennies, la dette publique sert d’argument pour culpabiliser les citoyens et justifier la destruction des acquis sociaux. Derrière les discours moralisateurs, une mécanique politique et économique vise toujours la même cible : les travailleurs et la protection sociale.
Ce sont toujours les vieilles et mêmes recettes qui refont surface quand il devient nécessaire de culpabiliser la « multitude » pour lui faire accepter l’inacceptable. A elle de prendre en charge tous les malheurs du monde, c’est-à-dire le chômage, la maladie, la délinquance, la fainéantise, la pauvreté, les incivilités, les privilèges de certains, et pourquoi pas aussi le changement climatique, dont elle serait soi-disant coupable par son comportement anti-éco-responsable.
Un discours moralisateur pour préparer le terrain
C’est là l’aspect moralisateur « préparatoire » des attaques dirigées insidieusement contre la grande majorité de la population, qui va permettre la destruction totale de tous les systèmes permettant une plus grande égalité de droits entre les citoyens.
Les cibles : la fonction publique (les privilégiés), l’Éducation nationale (la délinquance, les incivilités) et le système de protection sociale (la fainéantise, le chômage, la maladie).
Depuis quarante ans, ces institutions issues de la République et des luttes ouvrières sont méthodiquement démantelées, au profit d’une minorité de véritables privilégiés.
La mécanique de la dette
Après la préparation « psychologique » qui reste aléatoire, il faut s’attaquer à des éléments plus prosaïques comme les financements de ces institutions qui gênent la « concurrence libre et non faussée ». Il faut créer une dette pour pouvoir faire la démonstration que non seulement ces institutions ne sont pas viables, mais qu’en plus, elles coûtent cher à la « communauté » et qu’elles vont hypothéquer le pouvoir d’achat des futures générations.
Le cas emblématique de la Sécurité sociale
Pour la protection sociale, en premier lieu la Sécurité sociale avec toutes ses composantes, mais aussi le régime d’Assurance chômage, le financement principal qu’étaient les cotisations sociales a été drastiquement réduit, voire supprimé, au profit de taxes et impôts affectés (ITAF). C’est ainsi qu’a été généré le fameux trou de la Sécurité sociale.
Ainsi, c’est l’État, donc nos impôts, qui compense le tarissement des recettes par la cotisation. En bref, c’est la multitude qui paie en partie la part patronale de la protection sociale. Cela a représenté 80 milliards d’euros pour 2024. Et le budget 2026 exige une économie de 44 milliards…
Aides publiques en hausse, services publics en recul
Le soutien de l’État à l’économie marchande n’a cessé de progresser à mesure que le secteur public implosait ; il équivalait à 2 points de PIB (produit intérieur brut) à la fin des années soixante-dix ; 3 points en 2000 et plus de 6 aujourd’hui.
Ce niveau est supérieur à la moyenne européenne, avec une croissance trois à quatre fois plus rapide que celle des aides sociales.
L’assistanat, c’est pour les riches
Toutes ces aides de l’État ne sont que la concrétisation d’un régime économique et d’une pensée politique totalement décomplexée qui les portent désormais en sautoir comme autant de médailles obtenues dans la guerre commerciale et non comme une forme honteuse d’assistanat.
La honte, la morale, ce sont les pauvres qui doivent la supporter.
Les profits détournés de l’investissement
Les entreprises, les investisseurs en général ne financent plus l’économie en vue de créer du travail. Ils la pillent. Frédéric Lordon, un économiste français, indiquait il y a 15 ans que « les capitaux levés par les entreprises sont devenus inférieurs aux volumes de cash pompés par les actionnaires, et la contribution nette des marchés d’action au financement de l’économie est devenue négative (quasi nulle en France). »
En 2024, les sociétés cotées sur le marché parisien levaient 11 milliards d’euros… tandis que les seules entreprises du CAC 40 versaient 98 milliards à leurs actionnaires (les trois quarts en dividendes, le reste en rachats d’actions).
Autant de profits détournés de l’investissement productif, qui s’évaporent en partie dans les paradis fiscaux.
Des choix politiques au service du capital
Tous les choix politiques depuis des années penchent en faveur des actionnaires : après le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) avec François Hollande, la Flat Tax sur les revenus financiers d’ Emmanuel Macron, tout est fait pour maximiser les gains. Les sommes redistribuées aux actionnaires ont augmenté de 8 % par an entre 2003 et 2017 ; elles atteignent désormais 14 % par an.
C’est dans ce cadre qu’il faut apprécier la fabuleuse somme de 211 milliards d’aides publiques aux entreprises, d’aides au profit. C’est le fruit d’un système qui, délivré des entraves que constituaient un cadre juridique stable, une fonction publique et une protection sociale performantes, arrive au bout de sa logique capitaliste.
La dette comme arme contre les droits sociaux
La dette n’est qu’un instrument pour justifier la casse des droits acquis par les salariés et la classe ouvrière tout entière.
Il n’est pas acceptable que le patronat revienne sur les conventions collectives, le temps de travail, les arrêts maladie, les retraites, les droits des chômeurs, et nos salaires.
- Protection sociale parrainé par MNH
- Vie économique, RSE & solidarité
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Dette de la Sécu : l’arnaque de Macron
Le Billet d'humeur de la semaine du Dr Christophe Prudhomme
Lors du dernier conseil de la Caisse nationale d’assurance maladie, un point concernant la dette nous a été présenté. Cette dette est gérée par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Cette structure aurait dû normalement avoir totalement remboursé les emprunts faits auprès des banques en 2024. Mais il reste dans ses comptes 137,9 milliards, soit le transfert de la dette COVID de 136 milliards que Macron a décidé de totalement affecter à la Sécu, ce qui repousse l’échéance à 2033.
De ce fait, la Sécu versera à cette caisse encore cette année plus de 17 milliards qui proviennent des cotisations sociales par le biais de ce que vous voyez sur votre fiche de paie sous le nom de CRDS (Cotisation de remboursement de la dette sociale) et d’une partie de la CCG. Cette somme manque donc pour la prise en charge des dépenses d’assurance maladie et comme par hasard elle correspond au « déficit » annoncé pour 2025. Il y a donc une véritable entourloupe car, si la dette COVID avait été reprise par l’Etat et non affectée à la Sécu, les comptes pourraient être à l’équilibre cette année et les ressources à chercher pour assurer un bon fonctionnement de notre système de santé dans les années à venir seraient bien moindres. Et cette ponction va se poursuivre chaque année jusqu’en 2033.
Il faut également intégrer les intérêts et les frais financiers qui se montent à plus de 3,5 milliards et qui engraissent les banques. Ce mécanisme de la dette est éminemment pervers et a été sciemment créé en diminuant les ressources de la Sécu pour le plus grand bénéfice des marchés financiers.
Mais l’arnaque ne s’arrête pas là car le gouvernement a décidé à partir de 2025 de confier les nouvelles dettes de l’assurance maladie à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) qui est l’organisme qui collecte et gère les ressources de la Sécu. Or les services de la Sécu s’alarment car je cite : « L’ACOSS n’a pas vocation ni les outils permettant le portage d’une dette sociale de manière pérenne, ce qui est le rôle institutionnel de la CADES. La cour des comptes considère qu’une reprise de la dette sociale, associée à un plan de maîtrise des comptes, doit être envisagée ».
Tout cela peut paraître bien complexe et c’est effectivement le but recherché pour nous enfumer. Car l’ACOSS n’a pas vocation à emprunter et il arrivera un moment où les banques diront stop. Cela signifie des caisses vides et l’impossibilité de rembourser les dépenses des assurés sociaux.
Ne croyez pas que je sois volontairement alarmiste. Je ne fais que traduire les analyses des cadres de la Sécu pour dénoncer la catastrophe que prépare sciemment E. Macron et son gouvernement. Leur objectif est de réduire de manière drastique les frais de santé pris en charge par la Sécu afin de pousser ceux qui pourront se les payer vers des assurances privées. Ils remplissent ainsi le mandat que leur a assigné le monde financier d’étendre le marché de la santé pour son plus grand bénéfice.
Dr Christophe Prudhomme6y