A propos du milliard prélevé sur les complémentaires-santé
Le PLFSS âprement négocié prévoit donc une nouvelle taxe sur les complémentaires-santé à hauteur d’un milliard. Cette taxe est d’autant plus perverse que bien des dernières décisions gouvernementales en matière de protection sociale ont visé, ou conduit, à augmenter la part des complémentaires dans la couverture des dépenses de santé.
Ainsi le « 100% santé » est pour l’essentiel assumé par ces dernières mais d’autres mesures viennent en alourdir les charges.
Le gouvernement fait ainsi coup triple.
Il fait assumer par des tiers, une politique dont, par la communication, il entend tirer l’avantage : c’est le bon gouvernement de monsieur Macron qui vous offre lunettes et appareils auditifs dits « gratuits ».
Il continue, par l’augmentation induite des cotisations, de saper l’image des mutuelles dans son dessein plusieurs fois exprimé (propositions Tabuteau-Hirsch de 2017, Grande Sécu de 2021) de les voir disparaître (ainsi que les Institutions de prévoyance pour leur part santé) au profit d’une Sécu socle ouvrant un champ nouveau aux compagnies financières d’assurance privée demeurées seules.
Enfin, il tire par la taxation de nouveaux profits de l’augmentation des cotisations.
Ainsi plus de 16% des cotisations versées par les adhérentes et adhérents des mutuelles ou des IP —qui sont faut-il le rappeler des structures strictement non-lucratives et remplissent des missions d’intérêt général— vont à l’État.
Ce n’est pas là la seule perversion fiscale dans le champ de la protection sociale et de la santé.
L’application de la taxe sur les salaires (TS) aux Hôpitaux publics, comme l’impossibilité pour ceux-ci de récupérer l’essentiel de la TVA (ce que peuvent faire les établissements privés) grèvent lourdement leurs finances (on estime à 4,5% de leur budget l’incidence de la seule TS).
Il y a là un paradoxe de taxer des financements publics à des institutions publiques non lucratives. L’État prélève ainsi sur les cotisations qui financent encore pour l’essentiel la Sécu, mais aussi sur la part de financement issue de la CSG (double taxation).Et dans le même temps les hôpitaux sont contraints de financer leurs déficits et leur équipements par des emprunts sur le marché financier et ceci au profit des banques.
À l’heure où la commission sénatoriale conduite par Olivier Rietmann et Fabien Gay a révélé l’importance des exonérations de cotisations et des allègements fiscaux aux entreprises privées financiarisées, la surtaxation des mutuelles et IP comme la taxation des Hôpitaux publics est aberrante.
Il serait temps que les missions de solidarité et d’intérêt général assurées par des institutions non-lucratives soient exonérées de toute fiscalité L’Union des employeurs de l’économie sociale (UDES) réclame depuis longtemps une suppression de la TS appliquée aux associations. Le ministre du Travail, Jean-Pierre Farandou, lui-même aurait déclaré que « la taxe sur les salaires, au regard de son ancienneté, mériterait certainement d’être retravaillée et modernisée ». Ce n’est pas là la suppression demandée, mais ce serait l’occasion de remettre l’ouvrage sur le métier. Mais le ministère du Travail n’est pas Bercy !
Les institutions européennes, comme une bonne part du gouvernement et des forces qui le soutiennent, veulent selon la doxa libérale et le dogme de « la concurrence libre et non-faussée » un modèle unique d’entreprendre qui imposerait des règles uniformes pour toute activité humaine y compris la solidarité et les missions d’intérêt général.
Les nouveaux libertariens quant à eux dénient toute légitimité à agir à l’État comme aux collectifs.
Il est temps de résister de manière globale à cette vision concurrentielle qui relève du fantasme ou plutôt de l’imposture, à l’heure où les grandes firmes capitalistes financiarisées ont pour modèle le cartel, voire le monopole, avec une captation jamais égalée des richesses par un petit nombre.
Les institutions, quels soient leurs statuts (public ou collectif), plaçant l’humain et non le profit (solidarité et non-lucrativité) au cœur de leurs interventions doivent faire l’objet de la reconnaissance totale de leur singularité et de traitements différenciés.
- Protection sociale parrainé par MNH