Non, délocaliser n'est pas synonyme de réussite !
STIF, Engie, GoVoyages, Deliveroo... : la mode chez les entreprises capitalistes est plus que jamais à la délocalisation. Heureusement, certaines sociétés (comme la SFAM ou Teletech) choisissent au contraire de recruter en France. Et bien leur en a pris.
Délocaliser, une « nécessité » ? Depuis des décennies, le patronat répète à qui veut l'entendre que les délocalisations sont un mal nécessaire et qu'au nom de la sacro-sainte concurrence, les destructions d'emplois sont justifiées. Une logique purement capitaliste qui détruit des emplois, certes, mais aussi des vies et même notre société toute entière.
Le scandale Engie
À ce titre, l'affaire Engie est une véritable honte. L'ex-GDF Suez a décidé de confier à des sous-traitants à l'étranger une partie de ses activités de centres d'appels, alors que l'essentiel de ces activités étaient jusqu'alors réalisées en France. Une vague de délocalisation qui ne passe pas auprès des syndicats maison : « ce qui était jusque-là présenté par la direction comme une expérimentation de la délocalisation vers des pays à moindre coût qu'en France était en fait pérennisé et appelé à s'intensifier », dénoncent la CFE-CGC et FO.
« En 2007, Engie comptait en son sein 32 centres de relation client et externalisait 20 % des activités sur le territoire national. Aujourd'hui, 19 sites ont été fermés et 85 % de l'activité est désormais externalisée, dont 30 % à l'étranger, notamment à l'Île Maurice, au Maroc et au Portugal », déplorent les syndicats. En août 2017, « la direction nous a dit vouloir atteindre les 50 % à l'étranger et se tourner vers des pays à coût encore plus bas, tels que le Cameroun et le Sénégal ». Bilan : 1 200 emplois de téléconseillers internes ou externes ont été délocalisés et 3 000 autres seraient encore menacés.
La direction d'Engie se justifie par une baisse des appels et par le fait que ses « concurrents ont massivement délocalisé hors de France. (…) Nous devons rester compétitifs ». L'argument ne convainc pas quand on sait qu'EDF conserve 100 % de ses centres d'appel sur le territoire hexagonal. Les syndicats d'Engie sont d'autant plus furieux que, selon eux, ces délocalisations ont un effet « ridicule » pour l'entreprise, qui n'économiserait que 7 millions d'euros par an.
Des délocalisations à la chaîne
Les délocalisations dans le téléconseil, la comptabilité ou le télémarketing sont, hélas, une pratique courante pour réduire les coûts et maximiser les profits. La Pologne est en tête des pays destinataires mais la Chine et l'Inde attirent aussi les activités plus technologiques, comme la maintenance informatique. On estime ainsi que quelque 20 000 emplois directs auraient été supprimés en France entre les seules années 2009 et 2011. Une véritable hémorragie...
... Qui ne semble pas près de s'interrompre. En 2012 déjà, le Syndicat des transport d'Île-de-France (STÎF) avait supprimé 80 emplois français en délocalisant sa plate-forme téléphonique au Maroc. En juillet dernier, c'est l'entreprise de livraison à domicile Deliverro qui annonçait qu'elle transférait une partie de son service clients à Madagascar. En août de la même année, c'était au tour de GoVoyages d'annoncer que 95 des 115 postes de téléconseillers ouverts à Paris allaient être délocalisés, ce en dépit des bons résultats de l'entreprise.
Mais revenons à Engie. Non seulement l'entreprise délocalise-t-elle ses téléconseillers au Maroc ou à l'Île Maurice, mais (comble du cynisme), ce sont ses propres salariés qui devront former leurs remplaçants. Les employés des centres d'appels sont, en effet, incités à se rendre auprès de leurs « collègues » marocains, tous frais payés, pour les former aux tâches qu'eux-mêmes n'auront bientôt plus à accomplir. « C'est un vrai problème éthique qui, personnellement, me rend malade », confie l'un de ces salariés, condamné à scier la branche sur laquelle il est assis.
Vers un retour des centres d'appels en France ?
À contre-courant des idées reçues, les entreprises et les consommateurs se montrent pourtant de plus en plus sensibles au « made in France ». Selon une étude d'AgileBuyer, une entreprise privée sur trois s'intéresse désormais à la part d'achats provenant de l'Hexagone. Les consommateurs sont aussi de plus en plus sensibles à ce label national. « Par exemple, il y a de moins en moins de centres d'appels à l'étranger. Les consommateurs n'aiment pas », explique l'un de ses auteurs.
La société SFAM, spécialiste des offres d'assurances mobiles, a bien intégré cette évolution des mentalités. Employant 850 salariés, la SFAM a annoncé, en août 2017, vouloir créer de 450 à 500 emplois en six mois et 200 de plus au début de l'année 2018. Pour cette entreprise figurant dans le dernier classement « happy at work », hors de question de délocaliser ses plates-formes téléphoniques dans des pays à bas coûts.
Même son de cloche du côté de Teletech qui a, pour sa part, décidé de se tourner vers une « offre panachée ». « Pour faire simple : à l’off-shore de répondre aux services de base par souci de compétitivité, aux centres d’appel implantés en France de traiter les demandes les plus complexes », analyse Le Nouvel Économiste. La société Teletech exploite ainsi des centres d'appels en Espagne et en Italie, tout en continuant d'investir en France.
Pour le journaliste Jean-Pierre Leca, une partie croissante des clients « est prête à payer plus cher mais en échange d'une valeur ajoutée mesurable ». « Les principaux opérateurs français du secteur ont donc pris conscience de l'exigence croissante de qualité que manifestent leurs clients », préférant les « centres d'appels implantés en France (pour) traiter les demandes les plus complexes ». Le début d'une salutaire prise de conscience ?