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09 / 03 / 2016 | 151 vues
Didier Schneider / Membre
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Loi sur le travail El Khomri : question de plafonds ou de plancher ?

Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt.

Tribune libre de Patrick Le Rolland, publiée sur http://lelicenciement.fr, à propos du plafond d'indemnité atribuée lors d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

C’est ainsi que, par analogie, on pourrait résumer le débat complètement faussé et erroné sur le plancher et les plafonds de l’indemnisation devant les conseils de prud’hommes des licenciements abusifs ou sans cause réelle et sérieuse.

Là où les organisations syndicales les plus radicales veulent le retrait pur et simple du projet El Khomri et donc un maintien de la situation antérieure, les organisations les plus « réformistes » crient à l’envi qu’elle ne veulent pas que la loi fixe un barème. En alternative, que ce barème soit sérieusement relevé.

De son côté, la ministre souligne pourtant avec raison que ce barème est largement au niveau de ce que les conseils de prud’hommes accordent habituellement. À se demander alors pourquoi légiférer ?

Pourquoi ? Pour supprimer le minimum d’indemnisation, pardi !

Explications « pour les nuls » en prud’homie

Jusqu’à présent, le licenciement qui survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse est sanctionné, selon l’article L.1235-3 du Code du travail, par une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

C’est un plancher. Mais il n’a jamais concerné tous les salariés.

L’article L.1235-5 du Code du travail prévoit en effet que ce plancher de 6 mois ne s’applique pas :

  • aux salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté,
  • aux licenciements opérés dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés.

Ces deux exclusions se lisent et se combinent : et/ou.

Pour s’y retrouver, les praticiens aux prud’hommes ont d’ailleurs pris l’habitude de différencier les deux régimes légaux en parlant :

  • « de dommages et intérêts pour rupture abusive », quand il n’y a pas de minimum (autrement dit, de plancher) ;
  • « d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse », quand les conditions d’application de l’article L.1235-3 avec le minimum de 6 mois ne font pas l’objet de l’une ou l’autre exclusion de l’article L.1235-5.

On a donc, de longue date, une « inégalité devant la loi » selon l’ancienneté du salarié et selon la taille de son entreprise. On se souvient, autour de la censure partielle et toute récente de la loi Macron, qu’autant le Conseil Constitutionnel n’a rien trouvé à redire à une différenciation de l’indemnisation selon l’ancienneté, autant il a retoqué toute différenciation reposant sur la taille de l’entreprise.

Loi Macron décriée (avec raison) et censurée (les voies du Conseil Constitutionnel sont parfois impénétrables mais mieux vaut tard que jamais) qui contenait toutefois et paradoxalement (?) des dispositions somme toute plus favorables aux salariés que la version El Khomri.

Macron prévoyait en effet des plafonds plus hauts, variables selon à la fois l’ancienneté du salarié et la taille de l’entreprise et, surtout, dès deux ans d’ancienneté du salarié, un plancher était maintenu. Certes, parfois pingre et inférieur aux 6 mois de l’article L.1235-3, avec un seuil d’effectif relevé de moins de 11 à moins de 20 (2 mois) et de 20 à 299 (4 mois), avant d’arriver aux 6 mois antérieurs qui ne devaient plus concerner que les entreprises de 300 salariés et plus.

L’objectif était déjà clairement de ménager un plus grand nombre d’entreprises, pas toujours si petites et moyennes que ça, en réduisant le risque financier d’un licenciement litigieux. Mais avec ces planchers, c’était toujours ça de potentiellement « gagné » pour les salariés concernés, quoique déjà bien moins nombreux que ceux relevant du régime antérieur de 6 mois minimum.

Du passé faisons table rase, dans la loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » (c’est son nom), plus aucun minimum (plancher) pour personne !

Et le gouvernement se dit ouvert à discuter plafonds !

Comptes d’apothicaire

Dans la vie, aucun conseil de prud’hommes n’a l’intention d’accorder des indemnités pour licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse à hauteur des montants discutés. Jusqu’à 15 mois dans la version actuelle de la loi. Macron allait jusqu’à 27 mois.

La belle affaire ! Car peu importe. Les salariés qui s’y sont frottés savent bien que les indemnités fixées par les juges sont plus proches de 6 mois (dans la fourchette de 6 à 8 ou 9 mois parfois quand les conditions de licenciement sont jugées particulièrement sordides) et encore à condition que les conditions de l’application du L.1235-3 soient remplies.

On comprend ainsi que le patronat ne soit  pas hostile à une réévaluation des plafonds dont il sait qu’ils n’ont pas pour vocation de s’appliquer. Sa victoire, son intérêt, ce sera la renonciation à tout plancher.

Pour les autres salariés, relevant du L.1235-5, la logique des conseillers prud’hommes du collège employeur lors des délibérés est imparable : si ces salariés ne bénéficient pas de par la loi (actuelle) de la garantie d’une indemnisation minimale de 6 mois, c’est qu’ils n’ont par définition droit qu’à moins, beaucoup moins le cas échéant.

Il n’était donc pas rare que des salariés se retrouvent avec 2 ou 3 mois de dommages et intérêts seulement ; 6 mois tout au plus si la loi ne permettait pas aux juges de faire autrement mais ces derniers, avec leur extrême parcimonie, accordaient rarement davantage. Ceci, quoi qu’on dise, même avec une ancienneté très importante parfois !

Demain, avec la loi El Khomri, tous les salariés ne pourront compter que sur une indemnisation « au doigt mouillé ». À tel point que, souvent, ils renonceront à engager une procédure prud’homale si c’est pour avoir des frais d’avocat supérieurs à la réparation en espèces sonnantes et trébuchantes qu’ils peuvent espérer, en l’absence de tout plancher.

Dans une prochaine version de la loi, les plafonds peuvent doubler. Ils peuvent même être supprimés. Si un minimum (plancher) n’est pas remis en selle, le recul considérable pour le salarié lambda sera consommé.

On comprend ainsi que le patronat ne soit  pas hostile à une réévaluation des plafonds dont il sait qu’ils n’ont pas pour vocation de s’appliquer. Sa victoire, son intérêt, ce sera la renonciation à tout plancher. Des années qu’il en rêve !

Sur le fond, il s’agit quand même de prendre le risque ou la quasi-certitude de ne plus sanctionner réellement des licenciements abusifs, sans cause réelle et sérieuse. Imaginons, l’automobiliste devant un feu rouge, devant un stop : tant pis, il passe sans s’arrêter, sans même regarder ! Pourquoi pas complètement ivre ? S’il y a des dégâts sociaux, il ne s’expose qu’à les réparer par des clopinettes (un euro symbolique ?) et, en tout état de cause, sous un plafond.

D’éminents juristes pour justifier ça ? Malgré les articles 1382 et 1383 du Code civil ? C’est pourtant ce qui est en train de se tramer ici.

Qu’au Conseil Constitutionnel ne plaise de nouveau.

Mais cessons de regarder les plafonds. C’est au plancher que ça se passe.

Patrick Le Rolland

Patrick Le Rolland, ancien conseiller prud'homme

Militant syndical, ancien conseiller prud’homal, contributeur au site www.lelicenciement.fr , Patrick Le Rolland est l'auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation pour le grand public sur la procédure prud’homale pour plusieurs éditeurs. Le plus récent, à jour de la loi Macron, un Droit en poche, chez Lextenso/Gualino :
http://www.lextenso-editions.fr/ouvrages/document/233815675

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Le droit du travail et l'emploi : Une Illustration pratique Cet entrepreneur individuel risque aujourd'hui la ruine parce qu'il part à la retraite ! Cet artisan possède une entreprise individuelle (il est donc responsable sur ses propres biens des dettes de l'entreprise) et il emploie depuis des années 6 salariés. Il tente (en vain) de vendre depuis des mois son entreprise (pour partir à la retraite et il a bien plus des 65 ans d'âge légal) Ses salariés ayant beaucoup d'ancienneté, en cas de liquidation de l'entreprise il leur doit plus de 100 000 euros d'indemnités de licenciement. S'il ne trouve donc pas de repreneur les organismes sociaux et le tribunal pourront saisir sa maison (et organiser une vente judiciaire) alors que son seul tort est d'arrêter de travailler après une vie de labeur. Seule possibilité lui restant : brader son entreprise (ou même subventionner un repreneur ..mais en société) pour reprendre l'entreprise. On comprend mieux dès lors pourquoi les PME/TPE n'embaucheront pas ou très peu dans les prochaines années (et c'est dans les TPE/PME que l'emploi se trouve en France et pourquoi il faut remettre à plat tout notre social (même si c'est douloureux pour certains).