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Les pratiques commerciales illégales de Ryanair
Pour des usagers réguliers de la compagnie, celle-ci est synonyme de voyages pas chers et inconfortables. Pour les lecteurs réguliers du Miroir Social (ou même de la presse française plus largement), le nom de Ryanair ne doit pas être sans rappeler quelques sombres histoires de dumping social. Les plus attentifs n'auront pas non plus oublié un bel esclandre qui n'était pas passé très loin de la crise politique il y a près d'un an, lorsque la société low-cost s'est fait épingler pour évasion fiscale à grande échelle dans sa base de Marseille.
Certains se laisseront peut-être aller à penser que c'est encore une illustration du niveau de taxation prohibitif des entreprises en France. Pourtant, la France est loin d'être le seul pays concerné par les manœuvres d'évasion fiscale de Ryanair. Pour s'éviter de payer des charges sociales trop importantes, la société s'est livrée à sa propre interprétation des directives européennes, estimant qu'il est normal que des employés domiciliés et travaillant à partir de pays étrangers soient salariés sous le régime de la fiscalité irlandaise. Régime, soit dit en passant, extrêmement arrangeant du point de vue des charges patronales et sociales.
Une certaine aisance avec la loi qui commence à géner
Au début de l'année, c'est en Espagne que la société s'est retrouvée sous le feu du fisc. Le tribunal de commerce de Barcelone a en effet jugé abusif le fait que Ryanair oblige les passagers à payer 40 € pour imprimer une carte d'embarquement à l'aéroport s'ils ont oublié de le faire chez eux.
Les pratiques des tarifs un peu « abusifs » de Ryanair ne sont pas nouvelles quand il s'agit de facturer une erreur à passager. Et bien qu'elle soit une des plus coûteuses, ce n'est pas la seule compagnie à pratiquer ce genre de tarifs prohibitifs. Toutefois, le jugement espagnol est intéressant en ce qu'il constitue une première contre la compagnie aérienne. Jusqu'ici, les virulentes critiques à l'égard de son système d'amendes ou du peu de transparence de ses tarifs étaient cantonnées aux passagers déçus et aux associations de consommateurs.
Comme si le cas espagnol n'avait fait que donner un coup de départ, quelques mois après ce sont les autorités italiennes qui ont rappelé Ryanair à l'ordre sur ses pratiques commerciales. On savait que celles-ci avaient Ryanair dans le collimateur depuis au moins un an. Mais au lieu de taper sur les charges sociales (une affaire à suivre d'ailleurs), les tribunaux italiens ont joué la simplicité en infligeant une amende de 500 000 € à la compagnie aérienne pour « pratiques commerciales incorrectes ». La condamnation tape large, fustigeant la compagnie aérienne tant pour publicité mensongère que pour opacité volontaire sur ses prix.
Outre-manche la situation est similaire. En Angleterre, l'Office of Fair Trading (bureau de régulation de la concurrence et du commerce) dénonce régulièrement la compagnie aérienne pour son comportement « puéril » vis-à-vis des taxes additionnelles. Mais l'organe gouvernemental est récemment passé à la vitesse supérieure, après des plaintes d'associations de consommateurs. Au début de ce mois-ci, il en est venu à appeler à une interdiction généralisée de l'application de taxe supplémentaire pour l'utilisation de cartes de crédit. Une annonce que Ryanair conteste vivement, et pour cause : une telle décision augmenterait automatiquement de 6 € le prix du billet Ryanair. En attendant de réelles retombées juridiques, la compagnie a discrétement déplacé ses taxes sur les cartes de crédit dans une nouvelle catégorie, les « frais administratifs », facturés 6 € par billet.
Qu'en est-il en France ? Rien, pour l'instant. C'est peut-être que la compagnie est trop mal implantée sur le territoire français ou que l'essentiel du bruit autour de celle-ci se fait dans les sphères politiques, mais les associations de consommateurs restent relativement silencieuses sur le sujet. C'est tout juste si quelques journaux se fendent de temps en temps d'un article sur « le prix caché des low-cost » et encore, quand ils n'ignorent pas intégralement le problème.