La négociation salariale chez Canal+ n'a pas été un échec pour tout le monde
- C’est tout simplement l’augmentation de la rémunération globale de Bertrand Meheut pour l’année 2011 (source Satellifax du vendredi 20 avril).
22% et pendant ce temps les restrictions budgétaires et salariales succèdent aux restrictions. Citons pour exemple la remise en cause du remboursement des frais de transport pour ceux qui habitent au-delà de la zone 5 francilienne, des augmentations de salaires réduites cette année à la portion congrue, une incapacité à juguler définitivement les différences de rémunération entre les hommes et femmes, un abondement pour le PEE sauvé in extremis, une mise sous contrainte comme jamais de la masse salariale, l’arrêt total de recrutement…
- Lors des négociations salariales de fin d’année, notre syndicat avait proposé que les 10 plus hautes rémunérations du groupe renoncent à leurs augmentations.
Nous savons ce qu’il en est advenu avec des négociations qui ont finalement capotées en décembre dernier. Plutôt que d’ouvrir un dialogue respectueux, la direction a décidé, contre l’avis de tous, d’appliquer un taux très réduit de progression de la masse salariale pour 2012, refusant de discuter dans le même temps d’un ensemble de revendications collectives, revalorisation du ticket restaurant, des frais kilométriques, des primes diverses, des rémunérations d’astreintes etc.
22%. Cette progression est peut-être calée sur la progression du résultat net de l’entreprise, il est vrai très important cette année malgré les aléas, 701 millions d'euros cette année, un chiffre jamais atteint par Canal+, même dans les meilleures années…
Mais faut-il rappeler que ce résultat, c’est d’abord celui du travail des 4 000 salariés du groupe, qui s’évertuent année après année, à faire tourner l’ensemble des entreprises dans des conditions toujours plus difficiles. Malgré le manque de moyens, l’absence de budgets d’investissement, une organisation déficiente notamment côté distribution, l’entreprise a réalisé le meilleur résultat financier de toute son histoire.
Lorsque les rémunérations de certains dirigeants atteignent des sommets, les cadres, les responsables des entreprises sont étonnés de les voir progresser encore dans des proportions importantes alors qu’ils se débattent comme ils le peuvent pour justifier auprès de leurs collaborateurs des restrictions budgétaires et des augmentations de salaires au rabais, bien éloignées du simple maintien du pouvoir d’achat ! Ils ne sont pas les seuls : la réactions des actionnaires lors de l'assemblée générale de Vivendi a été de ce point de vue également révélatrice.
Sur ces sujets comme sur beaucoup d’autres, il nous semble que l’exemple devrait venir du plus haut niveau hiérarchique. Les efforts demandés aux salariés devraient être équitablement répartis.
- Pour notre président, si l’on additionne les rémunérations fixes, les actions attribuées et les accessoires de rémunération, nous atteignons pour 2011 un montant global de 2,913 millions d'euros, soit une hausse 9,4 % pour la totalité des éléments de rémunérations, avec une progression de 32 % pour le variable et de 6 % pour le fixe, sommes auxquelles il faut ajouter une retraite chapeau de 2 millions d'euros incluant l’indemnité conventionnelle (page 111 du rapport annuel 2011 Vivendi).
Il est vrai que nous sommes encore loin des 10 millions d'euros engrangés en 2011 par Lucien Grange, le patron américain d’Universal Music Group et de ses 700 000 euros d’avantages en nature…
- Plus étonnant, Franck Esser (ex patron de SFR) a vu sa rémunération stagner alors qu’il contribue pour plus de 38 % au résultat du groupe vivendi, que le chiffre d’affaire de SFR est de 12 milliards quand celui de Canal est de 4,9 milliards, que le groupe SFR emploi plus de 10 000 salariés… Benchmark, encore et toujours, mais pas pour tous et pas sur les mêmes registres. Remercié sans ménagement, il a pourtant fait de SFR le deuxième opérateur mobile de France, tout en respectant un dialogue social de qualité avec l'ensemble des partenaires sociaux. C'est donc possible...
Dans l’exposé de ces chiffres, faut-il y également voir une prochaine évolution du management du groupe et donc un pari financier pour le proche avenir ?
Ce que nous constatons, c’est un décalage grandissant dans l’application de la politique de rémunération. Les écarts deviennent colossaux et nous sommes loin, très loin, des recommandations d’Henri Ford qui considérait, au début du siècle dernier, qu’un rapport de 1 à 20 entre les plus hautes et les plus basses rémunérations devait être une règle de saine gestion. Pourtant, ce fabuleux Henri était tous sauf un vulgaire gauchiste.
Il est possible de récompenser les salariés de leur investissement, possible et indispensable, sans remettre en cause un quelconque équilibre financier. C’est toute la politique salariale qu’il nous faut revisiter. Cette politique qui doit être au service de l'engagement de milliers de salariés qui croient encore en l'avenir. Que notre direction nous prouve qu'elle croit aussi en eux en les récompensant et en les respectant.
- L’arrêt des discours lénifiants sur le niveau de rémunérations des salariés de Canal+ qui seraient bien au-dessus du marché, ce que ne démontre aucune étude sérieuse, est également un préalable. Culpabiliser ne sert à rien. Ces méthodes contribuent en revanche au désengagement de tout un chacun, CDI, intermittents, CDD, stagiaires...
Une autre politique sociale est non seulement possible mais indispensable. Vite, le changement ! Dans le cadre d'un dialogue rénové, respectueux, ouvert. Pour construire la quatrième histoire sociale de Canal+, avec ses collaborateurs et pas à côté d'eux...