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31 / 12 / 2014 | 131 vues
Sylvie Larose Martins / Membre
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La convention collective du notariat allonge la liste des forfaits-jours invalides

Après les industries chimiques (Cass. soc., 31 janvier 2012 n° 10-19.807), le secteur de l'aide à domicile en milieu rural (Cass. soc., 13 juin 2012 n° 11-10.854), les industries de l'habillement (Cass. soc., 19 sept. 2012 n° 11-19.016), les commerces de gros (Cass. soc., 26 septembre 2012, n° 11-14.540), les bureaux d'études techniques (Cass. soc., 24 avril 2013 n° 11-28.398), les cabinets d'expertise comptable (Cass. soc., 14 mai 2014, n° 13-10.637), l'hospitalisation privée à caractère commercial (Cass. soc., 18 mai 2014, n° 13-13.947) et le BTP (Cass soc., 11 juin 2014, n° 11-20.985), la Cour de cassation vient d’invalider les dispositions relatives au forfait-jours des études notariales (Cass. soc., 13 novembre 2014, n° 13-14.206).

Au visa de sa décision, la Cour de cassation avance un argument désormais consacré : les dispositions de la convention collective du notariat relatives aux forfaits-jours « ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ».

Les conditions de validité du forfait-jours


Pour mémoire, le forfait jours est une modalité d’organisation du temps de travail qui permet de décompter le temps de travail en jours travaillés sur l’année et non en heures sur la semaine.

Ce système de décompte du temps de travail s’adresse ainsi à des catégories de salariés autonomes dont la durée de temps de travail ne peut être prédéterminée et permet de déroger à la durée légale hebdomadaire de 35 heures par un décompte du temps de travail sans référence horaire.

Dès lors, la loi et la jurisprudence ont prévu des « garde-fous » et exigent notamment que la mise en œuvre du forfait-jours soit prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail et des repos journaliers (11h) et hebdomadaires (35h).

Dans les premières affaires qu’elle avait eu à juger, la Cour de cassation en référait notamment aux normes de droit supranationales : l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, affirmant le droit du salarié à la santé et au repos, et l'article 151 du traité sur le fonctionnement de l'Union, aux termes duquel l'Union et les États membres ont pour objectif l'amélioration des conditions de vie et de travail des salariés.

Or, pour la Cour de cassation, les dispositions conventionnelles se bornant à affirmer que les cadres soumis au forfait jours sont tenus de respecter la durée minimale de repos quotidien et hebdomadaire ne respectent pas les principes des normes supranationales ainsi visées.

De fait, les juges considèrent que de telles dispositions ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude journalière et la charge de travail restent raisonnables et permettent une bonne répartition, dans le temps du travail, du salarié et donc à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé.

Le forfait-jours dans la branche notariale


Pourtant, les partenaires sociaux de la branche notariale avaient notamment prévu, dans le cadre des dispositions de l’article 8.4.2 de la convention collective et alors que le forfait-jours n’est pas soumis au respect de la durée maximale de travail journalière de 10 heures, que l'amplitude de la journée d'activité ne devrait pas dépasser 10 heures, sauf surcharge exceptionnelle de travail et imposé l’élaboration, chaque trimestre, d’un bilan de son temps de travail par le salarié lui-même destiné à vérifier que le nombre de jours devant être travaillés est respecté mais également à apprécier l’amplitude habituelle des journées de travail afin qu’il puisse être remédié aux éventuels excès.

Pour la Cour de cassation, ces dispositions ne sont pas plus suffisantes et ne permettent pas d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

En outre, elles n’obligent pas l’employeur à s’assurer du respect des clauses de l’accord collectif, des garanties prévues par la loi et que le repos quotidien et hebdomadaire soit effectif, grâce à un entretien annuel individuel obligatoire.

La Cour considère en effet que de telles dispositions s'en remettent au premier chef au salarié en matière de suivi de l'exécution du forfait, et laissent l'employeur complètement libre de prendre, ou non, les mesures requises.

Les conséquences d’une telle décision pour les employeurs


Pour les employeurs relevant des conventions collectives invalidées par la Cour de cassation, il est important et urgent qu’ils vérifient qu’ils sont couverts par un accord d’entreprise qui prévoit des dispositions assurant la protection de la sécurité et de la santé de leurs salariés et, si tel n’est pas le cas, qu’ils se mettent en conformité avec les conditions de validité exigées par la Cour de cassation.

Cette mise en conformité devra nécessairement s’effectuer par l’ouverture de négociation avec les délégués syndicaux présents dans l’entreprise, ces derniers ayant le monopole de la négociation des accords collectifs.

Il est rappelé à cet égard que la validité d'un accord d'entreprise est subordonnée :

  • à sa signature par un ou plusieurs syndicats de salariés représentatifs ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel,

et

  • à l'absence d'opposition d'un ou de plusieurs syndicats de salariés représentatifs ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections.

En l'absence de délégués syndicaux, cette négociation pourra également s’ouvrir avec le comité d’entreprise ou la délégation unique du personnel ou, à défaut, les délégués du personnel dans les entreprises de moins de 200 salariés ne relevant pas d’une convention collective de branche ayant fixé des modalités de négociation avec les représentants du personnel.

Dans une telle hypothèse, les organisations syndicales représentatives au niveau de la branche devront être informées de la décision d’engager des négociations et la commission paritaire de branche devra se prononcer sur la validité de l’accord. À défaut, l’accord sera réputé non écrit.

Enfin, dans les entreprises et établissements de moins de 50 salariés et en l'absence de représentants élus du personnel, un accord d'entreprise ou d'établissement pourra être négocié et conclu par un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche.

L'accord signé par un salarié mandaté devra être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. À défaut, l’accord sera réputé non écrit.

À défaut d’être couverts par un tel accord, les collaborateurs actuellement soumis à un forfait-jours en application des seules dispositions d’une convention collective invalidée pourront solliciter le paiement d’heures supplémentaires sur les trois dernières années, des dommages et intérêts pour non-respect des éventuels droits à repos, voire une indemnité complémentaire de six mois de salaire pour travail dissimulé en cas de rupture de leur contrat de travail.                                             

Pour autant, une mise en conformité avec la jurisprudence dégagée par la Cour de cassation depuis 2012 peut s’avérer complexe, pour ne pas dire dangereuse.

De fait, une mise en conformité des dispositions conventionnelles et la mise en place de moyens de contrôle toujours plus importants de la durée du travail des salariés risquent de mettre en exergue différents points d’achoppement et donc d'entraîner l'émergence de contentieux.

De surcroît, les employeurs s’astreignent ainsi à un strict contrôle du temps de travail des salariés soumis au forfait-jours alors que l’essence même de ce dispositif est de décompter le temps de travail des collaborateurs en jours sans référence horaire.

  • Toutefois, à l’heure où l'insécurité juridique semble grandir pour les employeurs mettant en œuvre ce mode d'organisation du temps de travail, la Cour de cassation vient de considérer que répondent aux exigences relatives au droit à la santé et au repos des salariés, les dispositions conventionnelles relatives au forfait-jours dans le secteur des banques, ces dernières imposant notamment à l'employeur de veiller à la surcharge de travail et d'y remédier, de sorte qu'est assuré le contrôle de la durée maximale raisonnable de travail (Cass. soc., 17 décembre 2014, n° 13-22890).

Alors que la Cour d’appel avait considéré que la convention de forfait-jours devait être considérée comme illicite car elle reposait sur un système auto-déclaratif qui tendait « à faire peser sur le salarié la garantie de son droit à la santé et au repos », pour la Cour de cassation, il n’en n’est rien.

Cette dernière considère en effet que, même en présence d’un système auto-déclaratif, les dispositions conventionnelles du secteur bancaire respectent pour autant le droit à la santé et au repos des salariés dès lors qu’elles imposent « à l’employeur de veiller à la surcharge de travail et d’y remédier ».


Par cette récente décision, la Cour de cassation renoue ainsi avec sa première décision rendue en 2011 et par laquelle elle avait validé le forfait-jours dans la métallurgie (Cass. soc., 29 juin 2011, n°09-71.107).


Un espoir pour les employeurs des secteurs dont les dispositions conventionnelles afférentes au forfait-jours n’ont pas encore été soumises aux juges de la Cour de cassation.
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