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17 / 12 / 2012 | 46 vues
Eric Verhaeghe / Membre
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La branche, avenir de la prévoyance ?

La probable généralisation (dans le cadre de l'accord sur la sécurisation de l'emploi) de la complémentaire de santé, remet sur le devant de la scène la question des clauses de désignation dans le domaine de la prévoyance. Au coeur de cette question, c'est le rôle de la branche lui-même qui est interrogé.

Le Code de la Sécurité sociale prévoit en effet, dans son livre 9, les dispositions applicables aux contrats collectifs de protection sociale complémentaire.

  • L'article L912-1 indique que ces accords « comportent une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité les modalités d'organisation de la mutualisation des risques peuvent être réexaminées. La périodicité du réexamen ne peut excéder cinq ans ».


Cette disposition bien connue des assureurs et des négociateurs fait l'objet de nombreux débats depuis plusieurs années, dans la mesure où le flou relatif de sa rédaction laisse, à l'usage, une très grande liberté aux partenaires sociaux pour souscrire auprès de l'assureur de leur choix les garanties qu'ils souhaitent offir aux salariés. Dans la pratique, elle s'est traduite par un développement colossal des accords de branche et par un recul certain des accords d'entreprise.

La généralisation de la complémentaire se traduira-t-il par un accroissement de ce phénomène, ce qui ne manquerait pas d'être paradoxal dans un univers où la négociation d'entreprise est mise en exergue ? Au-delà de ce bouleversement propre au secteur de l'assurance collective, la généralisation de la complémentaire santé conduira-t-elle à une diminution de la souscription individuelle ?

Quelques rappels sur le développement de la prévoyance de branche...


Depuis quelques années, les accords de branche dans le domaine de la prévoyance collective n'ont cessé de progresser.

La Commission des accords de retraites et de prévoyance (COMAREP), chargée de rendre un avis motivé sur l'extension des accords de prévoyance de branche, a, dans son rapport d'activité de 2011, rappelé le nombre d'accords qu'elle a examinés depuis 5 ans : d'une centaine en 2006, la commission est passée à plus de 160 en 2010. En 2011, la commission a encore examiné 154 accords de branche, dont 18 nouveaux accords stricto sensu, concernant près d'un million de salariés.

Si l'on se souvient que le paysage professionnel français compte environ 700 branches, on mesure immédiatement la portée de ces chiffres : la prévoyance collective s'impose comme un élément essentiel de la négociation dans les branches.

  • Comme le rappelle la COMAREP dans son rapport pour 2011, les deux tiers des 270 principales branches (regroupant près de 14 millions de salariés) en France sont couvertes par un accord de branche.

Assez souvent, les accords sont flanqués de clauses dites de migration obligatoire, qui obligent les entreprises déjà signataires d'un accord de prévoyance à dénoncer celui-ci pour souscrire au contrat de la branche. Toute la puissance de l'arrêté d'extension intervient ici.

L'objet de cet article n'est pas de revenir sur les querelles juridiques qui entourent ces opérations et qui donnent lieu maintenant à une jurisprudence importante où le juge français aime considérer que ce domaine relève de la solidarité et que les principes de concurrence ne trouvent pas à s'y appliquer. On notera juste que le développement de la prévoyance de branche, joint à des mécanismes d'exclusion pour les entreprises qui se sont voulues pionnières dans le domaine de la prévoyance, ne manque pas de susciter de fortes résistances de la part des acteurs du secteur, notamment de la part des intermédiaires d'assurance.

Au total, il est devenu évident que la prévoyance s'est taillée la part du lion dans le dialogue social collectif (au bénéfice des branches) et au détriment des entreprises.

En apparence, la généralisation des complémentaires de santé devrait accroître ce phénomène.

Les dispositions probables de l'accord entre partenaires sociaux

Dans un précédent article, j'ai relevé la façon dont le texte proposé par le MEDEF ménage, à ce stade, la chèvre et le chou en matière de prévoyance. 

D'un côté, le texte rappelle que les salariés dans leur ensemble devraient être couverts par des accords de protection sociale complémentaire et qu'il appartient aux branches d'en négocier les conditions.

  • Mais en l'état, les accords qui devraient en résulter ne pourraient pas comporter de clauses de migration obligatoire. 


Cette sorte de jugement de Salomon revient donc à décréter une sorte de statu quo sur la répartition actuelle des tâches : les entreprises déjà souscriptrices d'un contrat pourraient le conserver et des contrats-types de branche pourraient voir le jour.

Toutes ces affirmations sont au conditionnel, dans la mesure où le texte ménage aussi la possibilité d'accords de branche applicables par des souscriptions d'entreprise, pourvu que le contrat souscrit offre bien les garanties décidées par la branche. L'avenir (et en particulier le groupe de travail qui doit se réunir) dira quelles dispositions exactes sont applicables aux salariés.

Il existe donc une incertitude sur la portée exacte de l'accord en termes économiques. Il est toutefois évident qu'il n'entravera pas l'affectio societatis solidement ancrée entre les négociateurs de branche et les institutions de prévoyance qui sont généralement bénéficiaires des désignations.

Dans la pratique, les organismes à gouvernance paritaire sont les grands bénéficiaires de la prévoyance de branche et cette domination du marché ne devrait pas s'estomper au bénéfice de la généralisation de la complémentaire santé.

Un marché de dupes ?


Si la généralisation de la complémentaire de santé ne manque pas d'inquiéter les acteurs du marché qui vivent des contrats d'entreprise et des contrats individuels, un examen un peu large du marché actuel de la prévoyance permet toutefois de recaler quelques craintes.

En 2009, la prévoyance collective était un marché de 14 milliards d'euros de primes et la prévoyance individuelle un marché de 11 milliards d'euros. Beaucoup d'assureurs, positionnés sur le secteur de la complémentaire de santé individuelle craignent aujourd'hui de voir leur activité affectée par la généralisation de la complémentaire de santé. 

S'il est probable que cette mesure ait des conséquences, une analyse du marché conduit en effet à tempérer ce jugement et à nuancer fortement l'appréciation qui est portée.

Dans un excellent article publié dans le n° 450 d'Économie et Statistique (Lardellier, Legal, Raynaud et Vidal), l'INSEE rappelle en effet que le déficit en couverture de santé collective est surtout concentré (ce qui est peu surprenant) sur les premiers déciles de revenus. À partir du 5ème décile, 35 % au moins des Français (avec un maximum de 42 % pour le dernier décile) bénéficie d'une protection complémentaire collective.

L'intérêt de l'étude est de montrer la très forte stabilité, dans ces mêmes déciles, de la proportion de ménages couverts par un contrat individuel : environ 55 %. Seuls les 3ème et 4ème déciles font mieux : 61 % de couverture par un contrat individuel, avec au maximum 27 % de couverture par des contrats collectifs.

  • Autrement dit, il est plausible que la généralisation de la complémentaire produise un effet modeste de substitution d'une couverture individuelle vers une couverture collective pour quelques points dans ces déciles de population. L'équilibre général entre complémentaire collective et complémentaire individuelle ne devrait pas s'en trouver bouleverser.


Plus profondément encore, l'étude de l'INSEE montre qu'une grande partie des souscripteurs de contrats individuels est à la recherche de garanties « confortables », donc coûteuses, que n'offrent pas les contrats collectifs. Selon toute vraisemblance, la généralisation de la complémentaire n'aura pas d'effet sur ce phénomnèe, dans la mesure où les bénéficiaires d'une complémentaire collective ne correspondent pas à la clientèle qui constitue l'activité des assureurs individuels.

Un effet à suivre dans la durée


Dans la pratique, la généralisation de la complémentaire de santé ne devrait donc pas modifier en profondeur l'ordonnancement du secteur. Il faudra bien entendu en suivre les effets dans la durée. Mais, à ce stade, rien ne permet de préjuger d'une rupture.

En revanche, il est très probable que cette mesure accroisse les bénéfices de rente actuels en consolidant la position déjà acquise par les leaders du marché.

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