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13 / 11 / 2024 | 434 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Direct Syndex

Pourquoi et comment les élus ont-ils intérêt à éclairer les rapports RSE des directions ?

La position du CSE d’une entreprise sur la teneur des engagements durables affichés par la direction dans un rapport RSE public mérite d'être partagée avec toutes les parties prenantes que sont les investisseurs, les administrateurs, les ONG et bien entendu les salariés. Retour sur le direct du 15 octobre organisé avec le cabinet Syndex.
 

En Europe, la production d'un rapport annuel de RSE ou de durabilité s'impose aux directions des grandes entreprises qui y commentent et illustrent des indicateurs extra financiers (sociaux et environnementaux) comme autant de signes extérieurs de responsabilité. Cette obligation de reporting se normalise avec la dernière Directive relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) qui s’impose désormais aussi à des entreprises de taille moyenne. Le double objectif étant d'améliorer l'harmonisation et donc la comparabilité tout en élargissant la base.
 

Aujourd'hui, ces rapports souvent très volumineux orchestrent un mélange de données brutes, façon bilan social, de commentaires d'indicateurs sélectionnés, de mises en lumière des actions engagées et de l'alignement avec la stratégie économique. La démarche est souvent unilatérale. 


Raison de plus pour que les élus se saisissent de ce rapport, pour en faire à leur tour un objet de communication en donnant à entendre un autre message que celui de la direction.

Ramener l'information des rapports au périmètre du CSE

"La volumétrie de certains rapport RSE peut rebuter car il peut être difficile de savoir par quel bout prendre les sujets, avec leurs nombreuses dimensions. Cela sous-entend d'abord de s'organiser collectivement pour décrypter le rapport et pour questionner la direction. Nous aidons les représentants des salariés dans cette analyse. L'un des enjeux est de ramener l'information des rapports au périmètre du CSE.  Elle devient alors très intéressante. D'une année sur l'autre, le niveau des réponses de la plupart des directions s’améliore, ce qui est rassurant et conforte l'intérêt de l'exercice", souligne Aurore Duffau, consultante RSE chez Syndex qui précise : "rien n'oblige la direction à présenter son rapport RSE, en amont de sa publication, dans le cadre de l'instance pour avis mais rien n'empêche non plus les élus de rendre un avis motivé". C'est d'ailleurs l'objectif du CSE du groupe Crédit Agricole, qui n'intègre pas les caisses régionales.

Adéquation entre le discours et la réalité

"Nous nous sommes organisés en 4 binômes pour que la commission économique puisse traiter du sujet de la durabilité des engagements pour rendre un avis sur le rapport RSE. C'est d'autant plus important que les conseillers des caisses régionales doivent être en capacité de répondre à des clients qui les interrogent sur l'empreinte carbone des placements financiers. Mieux vaut qu'il y ait adéquation entre le discours et la réalité de l'empreinte des placements", explique Valérie Delacourt, la coordinatrice CFDT du groupe Crédit Agricole où la direction de l'engagement sociétal nouvellement créée emploie déjà 30 personnes.
 

A noter que le groupe a accepté que les représentants des salariés soient associés à la réalisation du prochain plan de vigilance qui vise à identifier les risques sociaux, environnementaux sur toute la chaîne de valeur de l'entreprise, et les moyens d'y répondre. Une obligation légale introduite en 2017 qui s'applique aux grandes entreprises. La direction du groupe a préféré jouer l'anticipation parce que les syndicats devront être davantage mis dans la boucle des plans de vigilance à partir de 2027. La première réunion s'est déroulée le 8 octobre dernier. Elle sera mensuelle et débouchera là encore, sur un avis du CSE. Voilà qui n’est pas étranger aux actions engagées par les élus en matière de durabilité. 

L'indicateur Zéro carbone ne suffit pas

Si les CSE des banques et des assureurs se montrent particulièrement enclins à vouloir tirer vers les hauts les engagements durables de leur direction, c'est aussi le cas dans l'industrie. L'usine Merlin Gerin implantée près d'Alès dans le Gard emploie 300 salariés qui y fabriquent des disjoncteurs. Le groupe Schneider Electric, qui a racheté Merlin Gerin en 1992, se fait fort de mettre à l'affiche de ses engagements écologiques l'empreinte Zéro carbone de cette usine ultra moderne. Voilà pour la partie émergée. Pour Joël Breaud, représentant CGT de Merlin Gérin, "l'indicateur zéro carbone ne suffit pas, nous tenons à avoir une vue globale du coût environnemental réel de la fabrication d'un disjoncteur qui est composé d'une multitude de pièces détachées fabriqués dans d'autres pays avec de l'acier, beaucoup de cuivre et de nickel. Cette logistique est très complexe et a un coût que l'on veut connaître". 
 

Là encore l'objectif visé est d’amener le CSE central à bien mettre en discussion l'alignement entre les messages environnementaux globaux du rapport de durabilité du groupe et la traduction concrète dans une usine.

Interroger la pertinence des périmètres du reporting


Chez TotalEnergies, la direction met en avant un indicateur "d'intensité carbone du cycle de vie des produits énergétiques vendus" qui est pris en compte dans la rémunération variable des cadres dirigeants du groupe. "Cela va dans le bon sens mais il faut avoir conscience que les matières plastiques, les lubrifiants et toute la chaîne logistique en sont exclus", nuance Bruno Henri, représentant UNSA Sictame chez TotalEnergies qui insiste sur l'importance d'interroger la pertinence des périmètres du reporting et la transparence sur les hypothèses qui sous-tendent les indicateurs extra-financiers que l'on retrouve dans les rapports de durabilité. Et celui de rappeler "que les indicateurs extra-financiers, tout comme les indicateurs strictement financiers, sont des constructions qu'il faut savoir démonter pour les comprendre".

Agir en amont des assemblée générales des actionnaires


Les avis que les CSE sont susceptibles de rendre sur les rapports RSE de leurs directions intéressent les investisseurs en amont des assemblées générales des actionnaires mais aussi les ONG et bien entendu les salariés.  "Depuis 5 ans, nous interrogeons toutes les sociétés du CAC 40 sur leur engagement ESG au moment des assemblées générales. Les syndicats qui font partie de notre gouvernance nous aident à dépouiller les réponses que nous rendons publiques. Il suffit d'avoir une action pour poser des questions écrites. C'est une possibilité dont les CSE peuvent profiter", explique Grégoire Cousté, délégué général du Forum pour l'Investissement Responsable (FIR), une association multi parties prenantes de l’investissement responsable qui organise des "briefs investisseurs" avec les porteurs de controverses que peuvent être les ONG mais aussi les syndicats des entreprises cotées.
 

Dans ce cadre, les administrateurs salariés ont un rôle à jouer pour mieux poser les enjeux de durabilité dans les conseils d'administration des sociétés cotées. Et les avis des CSE en la matière ne peuvent que les y aider. "La CSRD qui va conditionner la production des prochains rapports de durabilité en Europe est une norme plus contraignante que la précédente. Elle va percuter l'analyse des risques faite par le management et doit se décliner en plans d’action. C'est donc une opportunité pour les élus , avance Aurore Duffau. Du côté des directions, c'est avant tout la contrainte de l'exercice qui est perçue...

 

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