Focus
ACCÈS PUBLIC
03 / 07 / 2024 | 47 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
Articles : 4216
Inscrit(e) le 16 / 11 / 2007

Image par <a href="https://pixabay.com/fr/users/clker-free-vector-images-3736/?utm_source=link-attribution&utm_medium=referral&utm_campaign=image&utm_content=44378">Clker-Free-Vector-Images</a> de <a href="https://pixabay.com/fr//?utm_source=link-attribution&utm_medium=referral&utm_campaign=image&utm_content=44378">Pixabay</a>

"Malaises voyageurs" : la RATP "bouge le curseur" vers l'évacuation, une source de RPS pour les agents

La présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse annonçait fin février que la procédure d'intervention des agents de la RATP serait revue pour favoriser l'évacuation des passagers victimes d'un malaise et fluidifier ainsi le transport. L'expertise conduite par le cabinet Legrand pour le CSEC illustre différentes sources de RPS pour les agents exposés, dont un sentiment d'incapacité à agir, alors que la nouvelle procédure est censée s’appliquer depuis début juillet.
 

Le CSEC RATP du 29 novembre 2023 a été informé en vue de sa consultation sur le projet de "nouvelles dispositions malaise voyageur". Celui-ci vise à faire de l'évacuation une priorité pour faciliter l'intervention des secours sur les quais et permettre ainsi aux rames de repartir. Un gage de fluidification au regard des 844 malaises voyageurs recensés en 2023, essentiellement sur la ligne A du RER. 
 

Une nouvelle procédure qui heurte "une culture des secours largement répandue, qui veut que l'on ne déplace pas une victime de malaise sauf pour la soustraire à un danger plus important", souligne le rapport d'expertise du cabinet Legrand missionné par le CSEC dans le cadre d'un projet important et de ses conséquences sur les conditions de travail. Alors que la procédure initiale  mentionnait "l'agent doit" évacuer, c'est désormais : "selon les circonstances, l'agent peut...".  La différence entre "doit" et "peut" a bien été au cœur de la séance du CSEC RATP du 1er février 2024, un mois avant que Valérie Pécresse, la présidente de la région Île-de-France, annonce que les rames "ne s'arrêteront plus en cas de malaise voyageur". Les passagers victimes étant évacués sur le quai pour laisser la rame repartir. 
 

Clarifier la non­ obligation d'évacuation
 

Une séance du CSEC au cours de laquelle le rapport d'expertise a été restitué et l'avis des élus rendu. L'occasion pour la direction de déminer en affirmant qu'il s'agissait avant tout de "bouger le curseur " sur la possibilité, ou non, pour un agent de décider d'évacuer. C'est l'analyse de la situation conduisant un agent a décider qui doit être systématisée, pas l'évacuation.
 

"Si, pour différentes raisons que l'on ne peut pas lister, des questions matérielles, d'ambiance ou de différentes natures, un agent estime qu'il ne doit pas intervenir, il ne le fera pas. Il est important de revenir sur la question du non-systématisme", affirme Rozenn Boëdec, une représentante de la DRH lors de la séance. "Le fait de ne pas intervenir est aussi important que le fait de mal intervenir. Il faut intervenir, cela présente très peu de risques. Le principal risque est de ne pas intervenir", affirme la médecin coordonnateur du service de Prévention et de Santé au Travail de la RATP.
 

"ll ressort de l'expertise qu'il faut clarifier et inscrire la non­ obligation d'évacuation. Sinon, on va rapidement se retrouver avec des soucis pour les Jeux Olympiques", prévient alors Marc Brilllaud, le représentant FO au CSEC. L'absence de sanction si l'évaluation de la situation conduit l'agent à ne pas procéder à une évacuation doit notamment être assurée. 


Formation à renforcer
 

C'est depuis début juillet que le nouveau protocole est censé s'appliquer, après formation des premiers agents concernés, conducteurs et agents de stations et de gares. L'expertise soulignait "la nécessité d'une formation plus complète" avec notamment une formation à l'évaluation de l'état des victimes de malaise au regard notamment d'un "sentiment d'incapacité à agir". Comment évaluer un malaise léger, vagal,  par exemple ? 


"On ne connaît pas le nombre des malaises qui ont interrompu la circulation pendant 10 minutes, c'est-à-dire des petits malaises qui ont permis de sortir la personne, ni celui des malaises plus importants qui mobilisent 30 minutes. On a connaissance d'un chiffre global des effets sur la circulation et un sur les malaises, mais sans pouvoir caractériser ces malaises. C'est pourquoi on dit qu'il manque de la finesse dans les données pour permettre de comprendre dans quelle mesure cette procédure doit changer pour améliorer la prise en charge des malaises", note la rapporteuse du cabinet d'expertise dont le rapport préconise d'évaluer le risque de perte d'attention d'un conducteur exposé au stress généré par une évacuation de voyageur dont le malaise serait grave.



Le rapport soulève également les risques liés au rapport au corps de la victime qui peut vivre l'évacuation comme une agression physique et/ou sexuelle. "Un homme peut réanimer une femme, il ne faut pas que ce soit un sujet", déclare à ce sujet la médecin coordonateur. Et celle-ci de préciser : "C'est un sujet qui monte dans les entreprises, cela me préoccupe. On a abordé cette question entre médecins coordonnateurs de grandes entreprises".


Sur la base du rapport d'expertise et de ses préconisations, le CSEC a adopté une résolution demandant de prévoir une commission de suivi du projet avec la CSSCT centrale en définissant des indicateurs de suivi et en prévoyant un processus d'amélioration continue. Un avis adopté par FO, la CGT et la CFE-CGC.