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ESS : Benoît Hamon répond aux questions de la MFP
Après plusieurs mois de consultation des acteurs du secteur, le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS) a été présenté cet été en Conseil des ministres et vient d'être validé par la commision des lois au Sénat. Il devrait venir en séance plénière du Sénat la première semaine de novembre.
Le ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire et à la Consommation a bien voulu répondre aux questions de la Mutualité Fonction Publique.
Une loi cadre sur l'ESS était attendue depuis plusieurs années par les principaux acteurs du secteur. Celle que vous avez présentée au Conseil des ministres le 24 juillet définit un périmètre plus large, quitte à inquiéter les familles coopératives, mutualistes, associatives. Quelles sont les raisons de ce choix ?
Ma volonté est de donner à l’ESS les moyens de se développer pour créer de l’activité et de l’emploi. C’est un secteur dynamique, qui a même mieux résisté à la crise que l’économie traditionnelle. Ce qui fait sa force, ce sont bien sûr ses valeurs, but social autre que le seul partage des bénéfices, lucrativité encadrée, gouvernance démocratique. C’est aussi la diversité de ses acteurs, grâce à laquelle elle répond à un grand nombre de besoins sociaux.
Avec mon projet de loi, je propose que les acteurs historiques de l’ESS, à savoir les associations, les mutuelles, les coopératives et les fondations, fassent partie de droit du secteur. À leurs côtés, je souhaite que les entreprises sous forme de SA ou de SARL qui respecteront les valeurs du secteur puissent également faire partie de ce périmètre, à condition d’apporter la preuve qu’ils respectent les principes fondamentaux de l’ESS. L’élargissement du périmètre aux sociétés commerciales est donc réalisé sous condition.
Je rencontre de nombreux entrepreneurs, souvent des jeunes, qui créent leur structure sous la forme d’une entreprise classique mais qui souhaitent le faire à la « mode ESS ». Je pense que nous devons nous en féliciter et les soutenir dans leur démarche. C’est ce que cette loi moderne va permettre de faire.
Comment ce projet de loi s'articule-t-il avec le cadre de l'Union européenne qui a mis l'accent sur l'entrepreneuriat social depuis 3 ans, notamment dans la stratégie 2020, et vient d'adopter un règlement relatif aux fonds d'entrepreneuriat social ?
Le projet de loi que j’ai élaboré n’ignore rien des débats qui traversent l’Union européenne sur l’entrepreneuriat social. La France participe activement aux travaux initiés par la Commission, en y faisant entendre la spécificité de son modèle.
La loi que je présente propose une définition de l’économie sociale et solidaire qui tient compte à la fois de l’originalité française avec ses quatre grandes familles statutaires que sont les mutuelles, coopératives, associations et fondations, mais aussi de la dynamique que représentent les entrepreneurs sociaux.
Je veux aussi souligner qu’aucune loi relative à l’ESS en Europe n’est aussi ambitieuse que la nôtre. Je veux faire en sorte qu’elle oriente fortement et durablement les orientations du Parlement européen et de la Commission européenne en la matière.
Le volet mutualité du texte n'est pas très étendu. Pourquoi ?
Le projet de loi comporte plusieurs mesures stratégiques pour le mouvement mutualiste, qui ont été travaillées directement avec lui. Que ce soit avec l’extension du domaine des opérations en coassurance, avec la création des UMG pour les activités sanitaires et sociales ou avec l’instauration de certificats mutualistes, les mutuelles disposeront de nouveaux outils pour affronter la concurrence à armes égales, tout en respectant et en consolidant leur modèle. Ces dispositions sont fondamentales pour les mutuelles.
Quelques mesures relatives à la gouvernance ont également été inscrites dans le projet de loi, qui visent notamment à clarifier la gouvernance des contrats collectifs ainsi que la notion de membres honoraires. Je sais que le mouvement mutualiste réfléchit activement aux évolutions nécessaires de la gouvernance des mutuelles, y compris sur la question de la parité dans les instances. J’attends donc des propositions venant du mouvement lui-même car je suis respectueux de ses rythmes et de son souhait de préserver son originalité.
Je rappelle d’ailleurs que j’avais ardemment soutenu la revendication des mutuelles de préserver la richesse du mécanisme électif lorsque les débats sur la loi de régulation bancaire ont failli intégrer la gouvernance des mutuelles au droit commun des sociétés de capitaux. Continuons à travailler ainsi.
Votre projet de loi sera présenté au Sénat prochainement. Quels sont les principaux aspects qui peuvent donner lieu à débat ?
Une mesure a déjà commencé à susciter le débat. Il s’agit de la création d’un droit pour les salariés des entreprises de moins de 250 salariés d’être informés de tout projet de cession en amont de la réalisation de celle-ci. Les salariés pourront ainsi, le cas échéant, déposer une offre de reprise pour éviter que, faute de repreneur, leur entreprise ferme et que leurs emplois soient détruits.
Plusieurs organisations patronales s’opposent à cette mesure, sous prétexte qu’elle nuirait aux projets de cession des chefs d’entreprise. Je suis surpris. Ce droit d’information des salariés est, bien au contraire, une chance. Il va donner aux chefs d’entreprise une occasion supplémentaire de trouver un repreneur. Les patrons demeureront par ailleurs libres de choisir à qui ils transmettront leur entreprise.
Aujourd’hui, il est de notre responsabilité de tout mettre en œuvre pour lutter contre le chômage et contre la destruction d’emplois dans nos territoires. La transmission d’entreprises est un enjeu dont nous devons nous saisir.