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16 / 09 / 2010 | 34 vues
Eric Rocheblave / Membre
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Drogue et travail : risquez-vous d’être « suspendu » comme Jean-Luc Delarue ?

La direction de France Télévisions a décidé le mercredi 15 septembre 2010 de suspendre pour une durée indéterminée la diffusion du magazine qu’animait Jean-Luc Delarue en début d’après-midi sur France 2, « Toute une histoire », au lendemain de son interpellation dans le cadre d’une enquête sur un trafic de stupéfiants (source : Reuters).

En droit du travail, un employeur peut-il prendre des mesures disciplinaires contre un salarié qui consomme des stupéfiants ?


Pouvez-vous être sanctionné disciplinairement pour avoir consommé des stupéfiants sur votre lieu de travail ?

Constitue une faute grave le salarié qui consomme des stupéfiants pendant son temps de travail (Cour d’Appel de Lyon, 12 décembre 2008, n° JurisData : 2008-006751).


Même si vous n’en avez pas consommé, la simple détention de stupéfiants sur le lieu du travail est répréhensible.

La salariée a été licenciée pour faute grave, la lettre de licenciement lui reprochant d’avoir manipulé de l’herbe de cannabis sur son lieu de travail. Selon plusieurs attestations concordantes, la salariée a ramassé et détenu dans ses mains de l’herbe de cannabis. Si la salariée conteste le terme de « manipulation » employé par la lettre de licenciement, la détention, au sens juridique du terme, que ce soit pénal ou civil, ne requiert pas la propriété, ni la possession de la chose détenue comme le soutient à tort la salariée. Dès lors que la salariée reconnaît avoir tenu dans les mains le produit, elle s’est trouvée détenir un produit stupéfiant interdit en temps et lieu de travail. La faute était d’une gravité telle qu’elle rendait impossible le maintien du contrat de travail (Cour d’Appel de Bordeaux, 22 septembre 2009, n° JurisData : 2009-012131).


La réalité d’une consommation de substance illicite par les salariés au sein d’un l’établissement est établie. La Cour d’Appel de Paris avait considéré qu’il appartenait à l’employeur de rappeler l’interdiction de fumer un « joint » par la notification d’une sanction ; que s’agissant d’un fait isolé, la sanction immédiate de la perte de l’emploi, sans mise en garde, apparaît néanmoins disproportionnée. La Cour de Cassation a censuré cette analyse de la Cour d’Appel de Paris : la commission d’un fait fautif isolé peut justifier un licenciement, sans qu’il soit nécessaire qu’il ait donné lieu à un avertissement préalable (Cass. Soc., 1er juillet 2008, n° 07-40.053, 07-40.054).

Un salarié qui consomme de la drogue sur son lieu de travail, et plus particulièrement dans le cadre d’une activité de restauration l’amenant à recevoir du public, commet une faute grave, empêchant l’employeur de maintenir les relations contractuelles pendant le préavis et justifiant une mesure de mise à pied conservatoire (Cour d’Appel de Nîmes, 23 mai 2007, n° JurisData : 2007-348425).

A une cause réelle et sérieuse, le licenciement d’un salarié, engagé en qualité d’ouvrier boulanger, dès lors qu’il est établi à son encontre qu’il a fumé de la marijuana pendant ses heures de travail (Cour d’Appel de Riom, 24 février 2004, n° JurisData : 2004-241602).

Constitue une faute grave autorisant la rupture immédiate du contrat de travail à durée déterminée, le fait pour un salarié, engagé en qualité de palefrenier dans un centre équestre, de proposer à des élèves mineurs du centre de fumer une cigarette confectionnée avec de la résine de cannabis. (Cour d’Appel de Nîmes, 30 janvier 2004, n° JurisData : 2004-236146).

Le fait de cultiver de façon dissimulée du cannabis dans l’enceinte de l’entreprise constitue une faute grave. En l’espèce, l’employeur avait découvert au fond du dépôt, derrière un tas de bois, des plants de cannabis que le salarié avait reconnu avoir plantés. Néanmoins, la qualification de faute lourde doit être écartée (Cour d’Appel de Bordeaux, 23 septembre 2003, n° JurisData : 2003-224026).

Constitue une faute grave justifiant la rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée le fait, pour un salarié engagé en qualité de jardinier, de fumer du haschich sur le lieu du travail, pendant une pause. La prise de produits stupéfiants avant le travail dans l’entreprise peut, en effet, avoir des conséquences dramatiques et l’employeur ne peut, sans risque majeur, maintenir les relations contractuelles, même pendant la durée limitée du préavis (Cour d’Appel d’Aix en Provence, 29 octobre 2002, n° JurisData : 2002-196990).

Un salarié, engagé en qualité d’agent au centre général d’entretien de la poste, a été licencié sans cause réelle et sérieuse pour des faits, non contestés, de violation de la législation sur les stupéfiants, dès lors que le principe de présomption d’innocence empêchait l’employeur d’invoquer à son encontre une condamnation pénale non définitive à la date du licenciement, en raison du pourvoi en cassation formé par l’intéressé. Si l’employeur pouvait certes, sans invoquer la condamnation, se prévaloir des faits visés à la prévention, ceux-ci, de nature privée, ne pouvaient être retenus comme motif de licenciement que s’ils étaient de nature à provoquer un trouble grave dans l’entreprise. Tel n’était pas le cas, s’agissant d’un salarié occupant des fonctions ne le mettant pas en contact direct avec la clientèle. De plus, le fait qu’un employé de la poste se livre à des infractions relatives aux stupéfiants ne peut porter directement atteinte à la réputation de l’organisme dès lors que son activité est sans rapport avec la prévention de telles infractions ou avec la protection de la santé. Enfin et surtout, l’employeur, qui connaissait les faits reprochés au salarié, qui avaient motivé une incarcération provisoire d’une durée de plus de 6 mois, l’a réintégré dans ses fonctions et a attendu près de 3 ans pour prononcer le licenciement, renonçant donc nécessairement à se prévaloir des prétendus risques qu’il aurait fait courir à la clientèle. (Cour d’Appel de Papeete, 28 février 2002, n° JurisData : 2002-176772).

Constitue une faute grave l’usage de stupéfiants dans l’entreprise que l’employeur ne peut tolérer. En un tel cas, le Préfet peut ordonner la fermeture de l’établissement. En l’espèce, un témoin relate qu’il a senti une odeur de cannabis dans les vestiaires et a vu un collègue de travail tendre un « joint » au salarié. Toutefois, il n’y a pas faute lourde à défaut d’intention de nuire. (Cour d’Appel de Metz, 1er décembre 1999, n° JurisData : 1999-105454).

Pouvez-vous être sanctionné disciplinairement pour avoir consommé des stupéfiants en dehors de vos heures de travail ?


Seulement si cette consommation n’est pas sans rapport avec votre activité professionnelle ou si elle est de nature à provoquer un trouble grave dans l’entreprise.

A été licencié à juste titre un salarié, engagé en qualité de chauffeur livreur dans une société exerçant une activité de répartition pharmaceutique, qui, s’étant rendu en Hollande pour acheter du cannabis et satisfaire un besoin d’argent, a été arrêté et incarcéré pour trafic de stupéfiants. Si ces faits, reconnus par lui, sont survenus en dehors du lieu et du temps de travail, ils ne sont pas sans rapport avec l’activité professionnelle de l’intéressé qui nécessite la vente et le stockage de médicaments, et donc de stupéfiants. Dans ces conditions, il est normal que la société employeur se soit interrogée sur le point de savoir si le salarié, qui avait avoué avoir besoin d’argent, ne risquait pas d’utiliser la marchandise de l’entreprise à des fins personnelles. Son comportement justifiait donc qu’elle ait perdu la confiance qu’elle avait en lui et n’ait pas pris le risque de lui confier des produits rares, dangereux et négociables. Enfin, des faits de trafic de stupéfiants commis par le chauffeur livreur d’une société conservant et fournissant de tels produits peuvent semer le doute sur le sérieux de cette société et jeter le discrédit sur elle, tant à l’égard du service de la santé publique qui la contrôle qu’à l’égard des clients approvisionnés. Le licenciement avait donc une cause réelle et sérieuse (Cour d’Appel de Papeete, 16 janvier 2003, n° JurisData : 2003-217422).

Un salarié, engagé en qualité d’agent au centre général d’entretien de la Poste, a été licencié sans cause réelle et sérieuse pour des faits, non contestés, de violation de la législation sur les stupéfiants, dès lors que le principe de présomption d’innocence empêchait l’employeur d’invoquer à son encontre une condamnation pénale non définitive à la date du licenciement en raison du pourvoi en cassation formé par l’intéressé. Si l’employeur pouvait certes, sans invoquer la condamnation, se prévaloir des faits visés à la prévention, ceux-ci, de nature privée, ne pouvaient être retenus comme motif de licenciement que s’ils étaient de nature à provoquer un trouble grave dans l’entreprise. Tel n’était pas le cas, s’agissant d’un salarié occupant des fonctions ne le mettant pas en contact direct avec la clientèle. De plus, le fait qu’un employé de la Poste se livre à des infractions relatives aux stupéfiants ne peut porter directement atteinte à la réputation de l’organisme dès lors que son activité est sans rapport avec la prévention de telles infractions ou avec la protection de la santé. Enfin et surtout, l’employeur, qui connaissait les faits reprochés au salarié, qui avaient motivé une incarcération provisoire d’une durée de plus de 6 mois, l’a réintégré dans ses fonctions et a attendu près de 3 ans pour prononcer le licenciement, renonçant donc nécessairement à se prévaloir des prétendus risques qu’il aurait fait courir à la clientèle. Le licenciement ne présente en revanche aucun caractère abusif dès lors que les faits invoqués méritaient discussion, que la procédure a été respectée et que le licenciement n’était pas brutal (Cour d’Appel de Papeete, 28 février 2002, n° JurisData : 2002-176772).

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave d’un salarié ayant bu de l’alcool et fumé du haschich, puisque ces faits ont été commis en dehors des heures de service (Cour d’Appel d’Orléans, 16 novembre 1995, n° JurisData : 1995-048764).

Ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié, engagé en qualité d’agent d’exploitation, pour perte de confiance résultant de sa mise en garde à vue, suite à son implication dans un trafic de drogue, incompatible avec ses fonctions de chargement de véhicules à destination de zones sensibles comme l’Italie ou le sud de la France, dès lors que, s’il est vrai que le salarié a été entendu en qualité de témoin par la gendarmerie dans le cadre d’un commerce ou transport de stupéfiants, aucune poursuite pénale n’a été exercée à son encontre. Il en résulte que la perte de confiance alléguée ne repose sur aucun élément objectif, de sorte que le licenciement n’est pas justifié (Cour d’Appel de Rouen, 2 octobre 2001, n° JurisData : 2001-167793).

Si le salarié, engagé en qualité de chef de rang dans un restaurant, a reconnu, en présence de ses collègues de travail, qu’il lui était arrivé de fumer du cannabis dans l’hôtel, ce fait relève de sa vie privée dès lors qu’il n’a eu aucune répercussion sur l’exercice de ses fonctions et ne s’est pas traduit par une altération de son comportement. En effet, la seule circonstance que la consommation de tels produits soit susceptible d’incrimination pénale ne suffit pas, en soi, à en faire une cause de licenciement. Ni la spécificité des fonctions du salarié, ni la finalité de l’entreprise, ni les circonstances de l’usage du cannabis ne conduisent en l’espèce à considérer que le salarié a violé les obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail, l’employeur n’alléguant du reste aucun trouble créé au sein de l’entreprise (Cour d’Appel de Caen, 13 novembre 2000, n° JurisData : 2000-150563).

L’existence d’une infraction à la législation sur les stupéfiants, commise en dehors du temps et du lieu de travail par un salarié situé en bas de l’échelle hiérarchique, en l’espèce, engagé en qualité de magasinier, interdit à l’employeur de se prévaloir d’un grief aussi général que la perte de confiance, pas même appuyé par le moindre élément de preuve (Cour d’Appel d’Orléans, 28 avril 1994, n° JurisData : 1994-043068).

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