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Digital labour : ni lutte finale, ni résilience
Il y a quelques semaines, l’UGICT-CGT organisait une soirée-débat avec Antonio Casilli (sociologue et geek) sur le thème tendance mais pas totalement neuf de « l’uberisation » et plus largement du « digital labour : le syndicalisme qui vient ».
R&D s’était cependant déplacé et cela a été instructif.
Sous la plate-forme, un gisement de data
Ubérisation, « plate-formisation » et industrie 4.0. : tenons-nous à la notion de plates-formes remplissant un rôle de coordination entre acteurs hétérogènes ?
Ainsi, Amazon est un « market place », réunissant consommateurs, organismes de paiement et marques, dont le mode de fonctionnement demeure très taylorien du XIXème siècle (surveillance et cadence, répétition et atomisation) alors que sa finalité dépassant l’acte ultra-standardisé de l’achat-vente est de capter de la valeur à partir des contenus produits sur sa plate-forme.
Cette dernière, en pratiquant l’appariement algorithmique des données des utilisateurs-acheteurs potentiels, produit de la « data » sans doute beaucoup plus précieuse, au final, que les biens vendus. En parallèle, Uber, au-delà de la plate-fome de transport, ne peut pas se désintéresser des miliers de données générées par « ses » chauffeurs et les clients.
Des micro-tâcherons qui font tache
À nouveau, Amazon se distingue (avec son Mechanical Turk) en proposant un marché de micro-tâches consistant notamment à cliquer. Ces « click-workers » sont indépendants dans leurs activités répétitives mais parfois très dépendants pour gagner quelques dollars de survie.
Au niveau mondial, avec Foule Factory en France et d’autres concurrents, cela représente environ 15 millions de micro-tâcherons et le phénomène est en expansion car étroitement lié à l’essor de l’intelligence artificielle. En effet, il s'agit du domaine où ces « click-workers » font des merveilles : cet inlassable et minutieux travail d’annotation, de qualification et de tri des données sert d’entraînement aux algorithmes. De l'intelligence artificielle « human-powered ».
Ni lutte finale, ni résilience
Une inspiration : remettre au milieu du terrain la conflictualité tendant à (r-)établir un équilibre des forces. Les chauffeurs se sont regroupés et attaquent. L’URSSAF est montée sur le ring. Les tâcherons du clic se sont mis à labelliser, noter et parfois exclure les recruteurs d’un jour.
Une action en justice déjà menée il y a quelques années par plus de 20 000 utilisateurs de FaceBook réclame au géant américain une contrepartie de 500 euros pour les données produites par ceux-ci via FaceBook, en se basant notamment sur la violation des lois européennes de protection des données personnelles. La note finale monte à plusieurs millions d’euros, loin de mettre Facebook à genoux. Mais si les 2,3 milliards d'« amis » venaient à demander des comptes…
D’autres initiatives plus pérennes sont guidées par le triptyque « coopération, bien commun et fair digital labour ».
Ni « évangéliste » des technos (le vocabulaire religieux introduit dans « l’efficacité » économique), ni pasionaria anti-tout, ces mouvements sont le signe d’un monde du travail en tension et en torsion pour certains.
À suivre donc sous tous les angles : économiques, sociologiques et bien sûr juridiques.
Pour aller plus loin sur cette « gig economy » célébrée et dénigrée :