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14 / 06 / 2012 | 8 vues
Secafi (Groupe Alpha) / Abonné
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Dans les services aussi, la crise est de mise

L’après-campagne présidentielle pourrait bien replacer tous les acteurs au centre de l’échiquier, autour d’un constat cruel : tous les secteurs de l’économie, toutes les catégories de salariés, publics comme privés, sont touchés par la crise. En atteste tout particulièrement la situation actuelle du secteur des services, longtemps présenté comme le relais d’une industrie exsangue, montrée un peu trop facilement comme la seule grande victime de la crise de 2008. Or, « quand l’industrie tousse, les services aussi », commente Christophe Gauthier, responsable de développement pour les secteurs papier/carton/médias chez Secafi, « de manière beaucoup plus intégrée que l’on a bien voulu le croire, avec des conséquences irrémédiables en termes d’emploi, de rémunération et de conditions de travail ». Mais, « le constat est sans doute plus sévère quant à l’avenir, car on assiste, dans ce secteur, au développement de phénomènes différents de ceux de l’industrie et tout autant dévastateurs », complète Jacques Denoyelle, responsable de développement dans les secteurs télécom/audiovisuel chez Secafi.

Le off-shoring

Tout d’abord, le plus cité ces dix dernières années, le off-shoring, à savoir la délocalisation complète de pans entiers d’activités de services, comme les centres d’appel. Aujourd’hui, on considère que si 70 % des centres d’appel sont basés en France, avec 3 500 structures employant 250 000 personnes, jusqu’à 60 000 emplois sont délocalisés. « À force de délocaliser, on est parvenu à la situation où le territoire n’offre plus de réelle protection pour l’emploi dans certains services à valeur ajoutée », constate Jacques Denoyelle. Celui qui reste sur le territoire, le moins délocalisable, est l’emploi à plus faible valeur ajoutée, comme la sécurité, le nettoyage, la maintenance ou encore l’hôtellerie-restauration. « C’est souvent dans les services que l’on peut observer des métiers tirés vers le bas par les enjeux de concurrence, que l’on contourne les accords collectifs, quand ils existent, que l’on étende à l’extrême les temps de travail, sans contrepartie, que l’on recoure aux emplois. Dans les services aussi, non-salariés ou aux emplois de complément, au premier rang desquels les bénéficiaires du RSA, les retraités, les étudiants, les auto-entrepreneurs etc. de façon, in fine, à créer des CDI à très faible volume d’heures », constate Christophe Gauthier.

Le modèle social en pointillé

« C’est la deuxième tendance forte, l’émergence d’un nouveau modèle social, construit en pointillé », complète Jacques Denoyelle. Ce modèle met à mal tout ce pourquoi les salariés de l’industrie se sont battus pendant des décennies : des conventions collectives peu prodigues, des conditions de travail rudes, une organisation du travail peu structurée, une visibilité professionnelle faible, des salaires parmi les plus bas du secteur etc. Dans l’industrie, au contraire, l’existence de relations sociales fortes ont permis d’aboutir à de vrais résultats, parmi lesquels une réelle représentation des salariés ou une attention forte à des organisations de travail structurées (salaires minimum, CE et CHSCT organisés, horaires en 3/8 ou 5/8…). « Dans le commerce, on ne trouve ce type de relations que dans les très grands groupes. Dans les enseignes de plus petite taille ou pour les salariés en boutique, comment faire pour créer des collectifs de travail, pour informer les salariés répartis sur de multiples petits sites, pour les identifier, pour se constituer en instances représentatives du personnel etc. ? C’est un décrochage des conditions d’emploi et de santé au travail qui fragilise le salarié », confie Christophe Gauthier.

Le basculement vers l’emploi non salarié

De là, la 3ème tendance, le basculement vers l’emploi non salarié, comme l’illustre le développement du statut d’auto-entrepreneur. « L’emploi salarié est maintenant en passe d’être assimilé à celui d’un prestataire, avec des honoraires reçus pour les heures que le donneur d’ordres a facturées, pas une de plus ». En effet, les non-salariés montent en puissance dans de très nombreux secteurs des services. « Et ce qui change ces derniers mois, c’est que ce phénomène touche désormais les emplois à forte valeur ajoutée, de la presse à la publicité, des services financiers au conseil ou encore aux services aux collectivités territoriales. On saucissonne les heures de travail. On achète là où c’est le moins cher jusqu’aux notes d’analystes des plus grandes banques d’investissement, censées pourtant refléter leur marque de fabrique », commente Jacques Denoyelle. « Havas adopte un modèle d’agence sans créatifs », titrait un grand média début avril, mettant en avant « le crowd sourcing », un principe utilisant les savoirs d’un grand nombre de sous-traitants et « offrant à ses clients un excellent rapport coût-efficacité ». Peut-on encore parler d’agence publicitaire ? Pour quel type de relations de travail et de représentation du personnel ? Et c’est dans l’industrie que l’on commence à s’interroger sur ces modèles d’organisations, soi-disant optimaux, qui dégradent profondément la capacité propre de l’entreprise à rebondir et à innover. Car aucune entreprise n’a encore réussi à percer sans structures et dynamiques internes…»
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