Jean-René Fourtou remet l'homme au cœur de l'entreprise
Jeudi 24 janvier, sur le campus parisien d'ESCP Europe, Jean-René Fourtou s’exprimait sur les ressorts du management. Ce jour-là, l'Institut de la sociodynamique, associé à quelques cabinets de conseil, rendait hommage à Jean-Christian Fauvet, disparu en 2010. L'occasion, pour Jean-René Fourtou, président du conseil de surveillance de Vivendi, d'évoquer cet ancien du cabinet Bossard, avec qui il a coécrit un ouvrage, La Passion d'entreprendre.
Jean René Fourtou >
« J'ai fait moins d'erreurs en décidant à la volée, sur une intuition, qu'avec toutes les études préalables ».
- Pour nous qui avons cette fâcheuse tendance à multiplier les expertises et les cabinets d'études en tous genres, cette sentence du PDG de Vivendi vient à point nommé.
« Du rapport de force entre l'institution et le corps social naît un bien commun toujours précaire mais indispensable à la performance », explique l'Institut de la sociodynamique. Ce mode de gestion « qui remet l'homme au cœur de l'entreprise », Jean-René Fourtou estime l'avoir pratiqué tout au long de sa carrière.
Notre syndicat partage cette analyse du président du conseil de surveillance de Vivendi et son mentor Jean-Christian Fauvet. C’est notre credo depuis des années, particulièrement dans cette période troublée de la relation sociale et managériale à Canal+. Il est le bienvenu dans notre syndicat pour nous aider à construire une nouvelle ambition sociale, celle de l’humain au cœur des préoccupations de l’entreprise.
« En cinquante ans de carrière (dont quarante comme chef d'entreprise), le plus important, en définitive, c’est l'équipe et l'énergie », conclut Jean-René Fourtou. « J'ai traversé bien des tunnels et moments de doute… À chaque fois, l'équipe a été essentielle à la démultiplication des projets et à l'ambition collective. Quant à l'énergie, autrement dit le cœur, l'engagement, c'est un moteur autrement plus puissant que les procédures ».
Alorsqu'il détient un partie des clefs de l'avenir des 58 000 salariés du groupe Vivendi dont ceux de Canal+, nous lui suggérons de poursuivre encore et toujours dans cette voie afin que les salariés puissent vivre ces prochaines années dans le déploiement d’un modèle de relations sociales renouvelées où l’homme sera remis au cœur de nos préoccupations.
« Vouloir à toute force convaincre les opposants est une perte de temps », assure-t-il en référence à la stratégie des alliés que préconise la sociodynamique.
La sociodynamique : une grille de lecture de l'entreprise
La sociodynamique est tout d’abord une grille de lecture. Elle décode les organisations humaines comme des champs de forces où les contraires s’affrontent et se complètent.
Une philosophie à partager et intégrer aux processus de formation de nos managers…
Que dire de mieux pour que s'améliorent nos relations et nos organisations ? D’abord, rétablir cette confiance abimée ces dernières années par des procès d’intention, des actes indélicats de part et d'autre, des modèles de management « top-down » parfois trop éloignés des réalités opérationnelles et des souhaits d'hommes et de femmes qui font chaque jour l’entreprise Canal+.
L’entreprise, cet organisme vivant, a un « dedans », en interaction permanente avec son environnement, le « dehors ». Le « dedans », univers dual, est notamment constitué d’un « poumon » dont les deux lobes seraient l’institution et le corps social. Le premier représente la structure juridique, technique et financière, tandis que le second est le groupe d’hommes et de femmes rassemblés au sein de l’entreprise. L’Institution recherche l’efficacité dans tous ses domaines d’activités et s’inscrit dans une logique économique (dans le secteur privé) alors que le corps social, quant à lui, en quête de sécurité, de reconnaissance et d’épanouissement, s’inscrit dans une logique de bien-être.
Ces deux logiques ne s’opposent pas forcément, mais peuvent être à l’origine de paradoxes difficiles à gérer pour les managers, notamment ceux de proximité. D’où le recours au discours de la convergence (assuré par la ligne d’encadrement, du sommet stratégique jusqu’au centre opérationnel) qui vise à concilier les deux logiques. Avec un prérequis toutefois : la diffusion d’une culture managériale basée sur la confiance, véhiculée par des encadrants proches de leurs équipes, capables de prise de hauteur et promoteurs d’une coopération efficace avec le reste de l’organisation.
Nous partageons également cette nécessité de préserver un encadrement proche des équipes et une coopération efficace avec le reste de l’organisation. Certaines décisions récentes démontrent que bien des responsables et décideurs n’ont pas été éduqués au biberon de la sociodynamique et qu’il serait peut-être utile pour le bien de nos affaires et le développement des collaborateurs de lancer un vaste programme de sensibilisation sur cette philosophie du management.
Voilà une belle opportunité de partager avec les salariés une réflexion de fond sur nos modèles managériaux et notre organisation.
Petit précis de sociodynamique
La sociodynamique désigne le « mouvement par les hommes ». Elle apporte un regard sur les ressorts de l’entreprise.
La sociodynamique permet :
- de construire et mener des stratégies relationnelles en fonction des attitudes, des pouvoirs réciproques et des événements ;
- d'identifier dans leur globalité les leviers et les freins au changement que recèlent les structures, les processus, le management et la culture de l’entreprise pour construire des stratégies de changement efficaces ;
- d'adapter son style de management pour encourager l’initiative ;
- de s’inspirer des principes stratégiques et tactiques du jeu de go pour conduire des projets complexes…
La sociodynamique reste d'actualité
- Du rapport de force entre l’institution et le corps social naît un bien commun toujours précaire, mais indispensable à la performance.
- De la relation entre le dedans et le dehors, découle l'organisation de l'entreprise.
- De la synergie et l’antagonisme investis par les acteurs dans leurs attitudes accélèrent ou freinent l’aboutissement des projets.
La sociodynamique s’est développée au fil des préoccupations des dirigeants, proposant des éléments de réponse concrets à leurs questions de management. Dans les années 1970, la question était de trouver comment sortir des conflits sociaux qui bloquent la marche de l’entreprise et traumatisent leurs dirigeants. Dans les années 1980, il fallait savoir tirer parti de l'énergie positive investie par chacun dans un projet d'entreprise. Dix ans plus tard, la dimension humaine et culturelle du changement constituait la problématique principale. Dans les années 2000, à l’ère de la désincarnation des organisations, la question « comment recréer de l’implication dans l'entreprise ? » était dans toutes les têtes.
Aujourd’hui, audace, habileté, interactivité ou connexion et respect caractérisent l’esprit d’entreprise. L’idée de la convergence sociodynamique reste d’actualité même s’il lui faut s’adapter à de nouvelles complexités. Parler d’entreprise pérenne, c’est aujourd’hui viser une performance durable, faire preuve « d’entrepreneurship » et rechercher en permanence l’équilibre entre les paramètres clefs précédemment décrits.
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De la socio-dynamique à la socioéconomie