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24 / 02 / 2017 | 6 vues
Aurélie Moreau / Abonné
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Comment déconnecter un salarié qui n’aurait pas fini son travail ?

Le droit à la déconnexion est un sujet obligatoire de la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail en 2017. Négocier ne signifie pas aboutir à la signature d’un accord. En ce qu’il implique des conséquences sur la charge et l’organisation du travail, il est indispensable de s’en emparer afin que votre employeur ne remplisse son obligation en élaborant une simple charte sur la déconnexion soumise à la seule consultation du CE.

Questionner la charge de travail

Il est flagrant que les notions rassurantes de temps de travail et de lieu de travail se dissolvent. Cette évolution n’est pas seulement liée aux situations spécifiques de télétravail ou de forfait en jours des cadres autonomes. Ce phénomène touche de nombreux salariés : le temps de travail et le temps consacré à la vie personnelle tendent parfois à se superposer ; le lieu de travail se prolonge parfois au domicile. Selon les salariés, ces évolutions sont perçues comme des marges de manœuvre libérant de certaines contraintes ou comme une intrusion du travail dans la vie privée.

Les représentants du personnel ont pour mission d’aller au-delà de ce ressenti. L'un des points d’entrée de ces problématiques est d’apprécier si la charge de travail correspond au temps de travail car comment déconnecter un salarié qui n’aurait pas fini son travail ?

Les représentants du personnel (le CHSCT notamment) ont aussi pour mission de participer à la prévention des risques psycho-sociaux. Même si l’absence de négociation ou de charte sur le droit à la déconnexion en 2017 n’est assortie d’aucune sanction spécifique, il y a fort à parier que les juges s’en serviront en cas d’action dans le cadre de troubles professionnels à la santé, pouvant aller jusqu’à l'épuisement professionnel ou au suicide. En effet, nous vous rappelons que les employeurs ont une obligation de résultat en matière de santé au travail. Les employeurs vont donc vouloir se protéger en appliquant ce droit à la déconnexion. La prévention est donc clairement un levier de négociation.

Entrée en négociation : quelques pistes opérationnelles

Être avisé : la problématique ne se résoudra pas totalement et parfaitement en 2017. Il est donc nécessaire de mettre en place quelques premières mesures à évaluer périodiquement afin d’en apprécier les effets.

Pour savoir de quoi on parle et pouvoir ensuite contrôler l’application de l’accord, il est nécessaire de partir d’un diagnostic préalable : un audit des flux informatiques et de définir des indicateurs de suivi spécifiques à l’entreprise.

Les représentants du personnel peuvent aussi se saisir de l’évaluation de la charge de travail à la fois en CE et en CHSCT. En commençant par des pratiques simples : intégrer cette question aux entretiens annuels d’évaluation avec des indicateurs les plus objectifs et quantifiables possibles et demander une remontée statistique d’informations.

Un sondage plus qualitatif peut s’avérer utile pour apprécier le ressenti des salariés quant à leur utilisation de tous les moyens de communication numérique dans leur activité professionnelle.

Des actions de sensibilisation doivent permettre de commencer à progresser : former les managers à organiser le travail de leurs équipes sur des horaires classiques, apprendre les règles d’usages et de courtoisie numérique, insérer des messages automatiques de prise de connaissance reportée, intégrer des délais dans les demandes… Des moyens plus contraignants devront parfois être mis en place : bloquer les messages en émission à partir d’une certaine heure et le week-end afin que le récepteur ne les reçoivent qu’en différé, couper les serveurs… Il est certain qu’un accompagnement de tous les salariés est nécessaire car personne n’a été éduqué sur la façon de se comporter professionnellement (et personnellement non plus d’ailleurs) dans l’usage des outils numériques.

La mise en œuvre opérationnelle du droit à la déconnexion questionne le cœur même de nos organisations de travail : à mettre à l’ordre du jour cette année et les suivantes.

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