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19 / 09 / 2008 | 6 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Ces banques qui « moralisent » leurs relations avec les clients

Forcée, abusive, inadaptée, tels sont certains des qualificatifs encore susceptibles de coller à la commercialisation de produits d’épargnes ou de crédits à des clients qui n’en ont tout simplement pas les moyens. Sous la pression d’objectifs plus quantitatifs que qualitatifs, les conseillers des réseaux bancaires traditionnels ont aussi contribué à nourrir cette défiance sans précédent quant à la valeur de l’argent qui déstabilise aujourd’hui les marchés financiers. La chaîne des responsabilités balaye large.

Les dérives du commissionnement

Dès 2005, le rapport Delmas Marsalet proposait un code de bonne conduite pour commercialiser des produits d’épargne dans les réseaux bancaires en indiquant que les années 1999-2000 avaient fait la part belle aux dérives. « Tendance à vendre des produits sur la base de leurs performances passées les plus récentes, publicité occultant ou minorant les risques de perte, accent excessif mis sur la liquidité de produits qui n’ont tout leur intérêt que s’ils sont détenus de manière durable », voilà pour les principales dérives constatées par un rapport qui souligne que le commissionnement est peu propice « à un bon exercice de la fonction de conseil. » « Placer » des produits d’épargne réellement adaptés aux profils des clients est d’autant plus nécessaire que les systèmes d’épargne retraite individuelle ou collective à cotisations définies prennent en partie le relais des systèmes publics ou d’entreprise à prestations définies, indique également le rapport.

La directive européenne MIF (Marchés d’Instruments Financiers), entrée en vigueur le 1er novembre 2007, met en musique les recommandations du rapport Delmas Marsalet. Ainsi, un questionnaire doit désormais être obligatoirement rempli par le client afin de déterminer les produits d’épargne qui lui correspondent. Accessoirement, cela permet à un conseiller de se couvrir. Sans surprise, le commissionnement des commerciaux sur chaque produit vendu se trouve aussi dans la ligne de mire.

La fin d'un mode de rémunération

« C’était une façon d’anticiper l’application de la directive MIF » -  Pierre-Yves Demoures, DRH de la banque de détails Société Générale.

En juin 2007, la Société Générale annonçait la fin du versement des commissions à ses commerciaux, sur les produits d’épargne de plus de deux ans au moins. « C’était une façon d’anticiper l’application de la directive MIF », souligne Pierre-Yves Demoures, le DRH de la banque de détails en France. Fini les commissions, priorité à une rémunération variable. Le commercial ne touche plus sa « com » sur chaque produit mais voit ses objectifs lissés sur le trimestre ou sur l’année avec de savantes pondérations entre le résultat individuel et celui de l’équipe, entre le quantitatif et le qualitatif. Une décision qui induit un profond changement managérial et une nécessaire période de transition. Suivant le pas de la Société Générale, BNP Paribas ou encore la nouvelle « Banque privée » de LCL ont commencé à revoir leur système de commissionnement afin de rentrer dans les clous de la directive MIF.

Une rémunération variable plus qualitative

Beaucoup de réseaux bancaires avaient déjà abandonné le système du commisionnement, lui préférant du variable et du bonus discrétionnaire. Chez HSBC France, la rémunération variable correspond ainsi en moyenne à 10 % de la rémunération des commerciaux. Outre la prise en compte d’indicateurs relatifs à la qualité de l’accueil - évaluation par des « visiteurs mystère », taux et délais de réclamation – ainsi qu’à la qualité des risques, elle est calculée en fonction d’objectifs individuels déterminés par famille de produits. « Afin de favoriser le conseil et l’adéquation du produit vendu avec les besoins réels du client, nous avons toujours privilégié cette approche par « blocs », explique Corinne Orémus, directrice du réseau bancaire HSBC France qui souligne : « contrairement à des pays comme le Royaume-Uni, les banques françaises sont depuis longtemps soumises à des impératifs comme celui du devoir de conseil. La directive MIF leur apporte un niveau de structuration supplémentaire, mais ne révolutionne pas leurs pratiques. »

Des prestataires proposent des solutions informatiques clés en main permettant de gérer les variables de façon transparente. « Nos tableaux de bord servent de support à une animation commerciale qualitative qui ne se focalise pas uniquement sur un produit, ni sur des performances exclusivement individuelles et chiffrées », déclare David Lerman, le PDG d’Excentive, un éditeur informatique dont les clients se nomment Caisse d’Épargne, Barclays... Des solutions susceptibles d’intégrer les compétences des conseillers-vendeurs et en consequence, la nature des produits qu’ils sont habilités à vendre. Le rapport Delmas Marsalet recommandait d’ailleurs la mise en place d’un « carnet de formation sur lequel serait consignée la formation reçue et l’expérience acquise dans la vente de ces produits. »

La pression sur les objectifs reste bien là

« La pression peut être énorme sur certains produits. Le conseiller se retrouve coincé entre son client et son manager qui peut l’appeler toutes les deux heures pour savoir où il en est » - Jean-Yves Henry, délégué syndical FO de LCL.

 À l’exception de la « banque privée », LCL a ainsi abandonné le commissionnement depuis quatre ans. Le variable se compose à 70 % d’objectifs individuels et 30 % d’objectif collectif. « La pression peut être énorme sur certains produits. Le conseiller se retrouve coincé entre son client et son manager qui peut l’appeler toutes les deux heures pour savoir où il en est. Les objectifs sont unilatéralement fixés par la direction », regrette Jean-Yves Henry, délégué syndical FO de LCL. Même écho au Crédit du Nord où le commissionnement a aussi disparu. « En raison des objectifs de plus en plus difficiles à atteindre, certains conseillers nous alertent régulièrement sur un risque de sortie de leur devoir de conseil », assure Cédric Pérennes, délégué CFDT de cette filiame de la Société Générale. Comme quoi le variable n’est pas la solution miracle pour limiter la « vente forcée ».

Le variable peut en revanche permettre à une direction de mieux maîtriser sa masse salariale. La subjectivité des indicateurs du variable alimente régulièrement les revendications des organisations syndicales qui restent dubitatives sur la capacité à mesurer l’accueil, par exemple. Et puis, encore faut-il généralement atteindre au moins 50 % des objectifs pour que le versement du variable se déclenche.

Si les commissions sont en voie ce disparition, il n’en va pas de même pour les bonus discrétionnaires. « Nous nous opposons à l’attribution de ces bonus qui représentent parfois plus que le variable et dont nous ne pouvons vérifier les conditions d’attribution puisqu'ils sont discrétionnaires », explique un délégué syndical d'HSBC. Et de dernier de lancer, « la banque ne rémunère que la superformance. »

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