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2025 : la fiction d'un monde sans syndicat dans les PME/TPE du Pays Basque
Aussi incroyable que cela puisse paraître, comme lorsque l'on sort d'un soi-disant film de science-fiction et que l'on s'aperçoit que ce n'était pas de la science-fiction mais la réalité, les dispositions des « ordonnances Macron » vont permettre à plus de 50 % des salariés et à leurs employeurs de « faire » sans syndicat. C'était déjà le cas auparavant puisque (faut-il le rappeler ?) les élections de 2016 dans les TPE ont été marquées par une abstention record de plus de 92 %. En matière de dialogue social, ce n'est pas la réalité qui rejoint la fiction mais bien la fiction d'un monde avec représentation syndicale qui est rattrapée par la réalité d'un cadre législatif qui prend acte que ce monde était dans les faits, sans représentation syndicale !
Au-delà de l'effet de sidération qui est encore mal mesuré, tant le discours sur le dialogue social, est essentiellement tourné autour des grandes entreprises syndicalisées et des leaderships des confédérations, il s'agit d'une véritable révolution dans le paysage économique et social français et la fin d'une représentativité instaurée en 1945 que les accords de 2008 avaient déjà égratignées.
Que peut-il se passer demain ? Le scénario d'une catastrophique descente aux enfers pour des salariés des entreprises à l'effectif inférieur à 50 et désormais livrés à « l'ogre patronal » est-il le plus probable ? Essayons à notre tour d'imaginer un film de science-fiction qui pourrait devenir réalité et localisons-le sur l'un de nos territoires emblématiques : le Pays Basque.
Bayonne 2025
Nous sommes en 2025 à Bayonne. L'association « Dialogue social Pays Basque » lancée en 2017 par le Conseil de développement avec des syndicalistes patronaux et salariaux, réunit désormais plus de 300 PME de moins de 50 salariés, dont près de 200 de moins de 20. Les dispositions des ordonnances Macron adoptées à l'automne 2017 s'appliquent ici à plein régime, de nombreux employeurs et de nombreux salariés, représentants du personnel ou non, font appel à ses services pour un appui lors des négociations avec des représentants du personnel (les moins de 50) ou avec des salariés directement (les moins de 20).
Ces représentants du personnel font eux-mêmes parfois appel aux syndicats locaux, soit en y adhérant et ainsi avoir accès à quelques conseils, soit en se faisant mandater comme délégués syndicaux. En réalité, seulement 25 % des salariés représentants du personnel élus ou qui veulent négocier avec leur employeur font appel aux syndicats et principalement (sinon essentiellement) à deux d'entre eux qui ont compris tout l'intérêt de l'action menée par « Dialogue social Pays Basque ».
Tous les acteurs sont réunis sur une plate-forme en ligne « Elkarrizketa soziala » (« Dialogue social » en langue basque), en quelque sorte un LinkedIn ou un Facebook du dialogue social, sur laquelle, dans l'espace ouvert à tous, les experts de cette question (responsables syndicaux, consultants, élus du personnel...) répondent aux interrogations (et se font connaître ainsi) et échangent les uns avec les autres, qu'ils soient employeurs ou salariés. Pour avoir accès à du conseil personnalisé via l'espace adhérent ou en présentiel, l'entreprise doit payer une cotisation, ce qui permet aux salariés négociateurs et à leurs employeurs d'être épaulés.
Toutes les questions de rémunération, de temps de travail et d'organisation du travail sont négociées dans les entreprises, le tout sous le regard attentif des branches paritaires qui se sont professionnalisées et qui offrent en permanence une visibilité sur les accords de branche et leurs conséquences par secteur et sur la législation d'ordre public (égalité hommes-femmes, santé au travail, minima salariaux...) à laquelle il ne peut être touché.
Des syndicats en difficulté mais qui redressent la tête
L'automne 2017 avait été un véritable coup de massue pour les organisation syndicales des salariés. Ainsi, au Pays Basque, comme ailleurs dans l'Hexagone, on allait pouvoir faire sans elles puisque l'immense majorité des salariés est dans les entreprises de moins de 50 et/ou de moins de 20.
Côté patronal, un certain nombre d'employeurs s'étaient au départ frottés les mains en se disant : « Ouf, nous sommes enfin tranquilles et nous allons pouvoir faire ce que nous voulons chez nous » avant de se calmer après une grève de deux semaines de l'ensemble des salariés de la cinquantaine de TPE et PME basques de la métallurgie, menée par une coordination de salariés et d'élus du personnel non syndiqués. C'est la médiation de « Dialogue social Pays Basque » qui a permis de mettre fin au conflit ayant débouché sur des accords-types dans toutes les entreprises avec généralisation de la représentation du personnel et leur adhésion à la plate-forme Elkarrizketa soziala.
Côté syndicats de salariés, après le refus par les grévistes de tout appui durant la grève, il a bien fallu se rendre à l'évidence que la promotion de la lutte des classes ou les petits arrangements en catimini sont finis et qu'il va falloir assurer un véritable service aux salariés négociateurs.
La CFDT et la CGT sont parvenues à modifier leurs méthodes de travail, non sans mal, alors que les plus petits comme FO, la CFTC et le syndicat indépendantiste ont été plus agiles.
Résultat des courses : le taux d'abstention des salariés aux élections de représentativité dans les PME/TPE est passé de 70 % en 2020 à 40 % et les adhésions aux organisations syndicales sont à la hausse, tant du côté des patrons que des salariés.
La crainte de l'automne 2017 ou l'espoir, c'est selon, d'un monde sans syndicat dans les PME/TPE de l'automne 2017 n'était donc pas fondée. Un peu partout en France, le Pays Basque, jaloux de ses particularités, a servi de « benchmark » (« erreferentzia » en basque, selon Google Traduction).