Grand angle
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21 / 01 / 2021 | 300 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Élus : comment assurer l’écoute des salariés sans vous épuiser ?

Écouter et répondre aux multiples questions posées par les salariés prend beaucoup de temps aux élus. Plus encore avec la pandémie, alors que les moyens sont à la baisse depuis l’arrivée d’un CSE qui se prive des DP et se contente d’éventuels représentants de proximité. Dans ces conditions, comment les élus s’organisent-ils pour assurer leur rôle auprès des salariés sans s’épuiser eux-mêmes ? Retour sur le direct du 2 décembre organisé avec Technologia. 
 

« Les visites des sites où il n’y a aucun élu sont riches. Les retours des salariés nous apprennent que des changements ont été apportés sur l’organisation du travail ou sur des changements de machine sans aucune information-consultation du CSE. Nous avons une longueur de retard », explique Philippe Faucard, délégué syndical central UNSA de Derichebourg Aéronautics implanté sur trois sites (Toulouse, La Rochelle et Vitrolles) , avec un seul CSE et sans représentants de proximité. À La Rochelle et à Vitrolles, les salariés ne peuvent compter sur aucun représentant localement pour faire remonter leurs questions. Plus de 200 salariés de l’entreprise (20 % de l’effectif) n’ont ainsi pas d’autre possibilité que de prendre leur téléphone ou d’adresser un message pour partager leur interrogations avec des élus. Dans les faits, ils ne le font pas. 

 

Un dialogue social de proximité à deux vitesses


Chez Décathlon, il y a des représentants de proximité (du moins dans chaque magasin) mais l’accord privilégie un traitement oral des questions. Les questions auxquelles les directions locales répondent sont ainsi censées ne pas être formalisées par écrit. « Nous concevons que certaines réponses ne méritent pas une formation écrite mais pour le reste, nous considérons qu’il y a un intérêt à formaliser les questions et les retours des directions. Tout ne se règle pas à la machine à café. Cela créé un dialogue social de proximité à deux vitesses, renforcé par le fait que les réponses écrites ne sont pas partagées entre les magasins », souligne Sebastien Chauvin, délégué syndical central CFDT de Décathlon. Et Jean-Claude Delgenes, président du groupe Technologia, de confirmer : « Sous l’effet des réformes successives du code du travail, il y a de plus en plus de zones grises dans la représentation des salariés. On est passé à un filet à grosses mailles avec la disparition des CHSCT et des DP ».


À l’École Supérieure des Pays de Loire (groupe Éduservices), la problématique du dialogue social de proximité n’est pas géographique mais est liée à la part très importante des salariés recrutés à temps partiel : 80 ETP pour 200 salariés. Pas facile de les toucher avec des moyens du CSE calés sur l’effectif à temps plein... Le gros des questions porte sur des erreurs sur les bulletins de salaire. Pour Anita Menou, secrétaire CGT du CSE d’ESPL Angers, « il est essentiel que les salariés partagent l’ambiance des échanges des CSE pour les mettre en confiance sur notre capacité à les restituer. J’accorde une grande attention au compte rendu du CSE qui ne doit pas être rébarbatif. Plus des deux tiers des salariés le lisent régulièrement ». Ces salariés n’hésitent donc plus à frapper à la porte de la CGT pour faire régulariser leur salaire. « Il s’agit de ne pas nourrir des frustrations sur notre capacité à agir. Il y a des actions que nous ne pouvons pas faire à la place des salariés. Mieux vaut être clairs dès le départ », souligne Anita Menou.
 

Un groupe Facebook en guise de régulation collective


Au moment des reprises d’activité dans les magasins sur fond de réaménagement des horaires, les questions des salariés affluent vers les organisations syndicales de Décathlon. Le flux des questions devient alors très important. Pour le canaliser, la CFDT de Décathlon profite du groupe privé sur Facebook  « TuSaisQueTuAsTravailleChezDecathlonQuand ». Un groupe dont elle assure la modération des échanges quotidiens, entre pas moins de 10 000 membres. « Le groupe amène une forme de régulation collective par rapport à la forte pression qui pèse sur les représentants du personnel soucieux de ne pas laisser passer des questions », confirme Nicolas Chauvin qui insiste sur l'avantage de pouvoir compter sur un vrai collectif d’élus CFDT. Le syndicat a triplé le nombre de voix aux élections avec cette stratégie de proximité. 

 

La charge est lourde pour les élus soucieux de répondre aux sollicitations de toutes les natures des salariés. « Je fais passer le message qu’il faut s’économiser. On a déjà arrêté un élu. Il voulait prendre tous les dossiers. Or il faut savoir trier car il y a malheureusement des cas où des salariés nous sollicitent en étant de mauvaise foi. Nous ne comptons en revanche pas notre temps quand le besoin d’assistance est réel », explique Philippe Faucard, en rappelant que la charge est d’autant plus lourde quand tous les élus ne s’engagent pas comme ils le devraient dans leur mandat.

Nouvelle forme d’interaction numérique
 

Alléger la charge des questions posées peut passer par une foire aux questions (FAQ) véritablement interactive. « Les réponses aux questions les plus répétitives des salariés doivent être contextualisées pour être vraiment utiles. Avec notre nouvelle application MaViePro, nous proposons une nouvelle forme d’interaction numérique avec les salariés sur le droit du travail, les accords de branche et d’entreprise pour notamment permettre aux élus des CSE de se concentrer sur les demandes les plus importantes », annonce Jean-Claude Delgenes. Une application sur mesure pour les CSE qui intègrent NosDroits, laquelle revisite le droit du travail. Pour Françoise Maréchal-Thieullent, présidente de Technologia Juris, « les salariés sont saturés d’informations. Il est donc essentiel de mettre des informations réellement pertinentes et en prise avec la réalité à disposition pour créer la confiance avec des élus qui doivent par ailleurs être bien conscients de leurs limites pour apporter des réponses. C’est une manière de se préserver, notamment dans des cas de harcèlement ». Parole d’avocate et de médiateure.