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Comment jouer collectivement dans le CSE tout en renforçant son action syndicale ?
Lors du direct du 19 janvier parrainé par l’union régionale d’Île-de-France et le groupe Up, trois représentants de la CFE-CGC chez Dassault Data Services, Koné et Orange ont publiquement partagé leur capacité à jouer collectivement avec les autres syndicats dans le cadre du CSE.
Alors que les moyens humains des CSE sont à la baisse, savoir jouer au maximum collectivement entre des élus aux couleurs syndicales différentes peut permettre de continuer à agir en se coordonnant mieux. D’autant que jouer collectivement n’est pas incompatible avec les individualités. À chaque syndicat de développer son argumentation et son positionnement à partir de la production commune des élus. L’un n’empêche pas l’autre. Voilà pour la théorie. « Beaucoup de CSE ne sont pas encore véritablement opérationnels et il y a une tendance à voir les directions privilégier des négociations synonymes de nivellement par le bas qui n’intègrent pas l’instance. Il y a une dégradation globale du dialogue social avec des tensions plus fortes entre élus et directions », rapporte Jean-Marc Germain, secrétaire général de l’URIF CFE-CGC en replaçant l’enjeu dans sa réalité.
Des tensions que l’on retrouve sans surprise entre les élus. « Au niveau de la commission d’ASC, nous arrivons à travailler ensemble avec trois syndicats sur quatre mais la démarche collective se révèle en revanche autrement plus difficile à mettre en œuvre sur les volets économiques pour donner des avis communs », explique Julie Touron, secrétaire adjointe CFE-CGC du CSE de l’ascensoriste Kone dans le Nord où FO arrive en première place. Reste que quand les syndicats ne s’entendent pas sur la politique ASC à mener, cela n’est pas sans conséquence sur la capacité à mutualiser les actions au niveau des informations-consultations économiques. « Nous avons une ligne d’action très claire sur les ASC, basée sur la dématérialisation et la simplification pour un taux de redistribution maximale et des frais de gestion les plus bas. Il nous faut la majorité pour l’appliquer. Là où nous sommes premiers mais sans être majoritaires, nous préférons complétement laisser la main sur ce volet tout en prenant toutes nos responsabilités sur la commission économique du CSE central avec une volonté de travail en commun sur les expertises et les avis. Être passés premier syndicat du groupe nous mène à également prendre nos responsabilités pour fédérer les actions. La donne était différente quand nous étions à la deuxième place », témoigne Laurence Dalboussière, secrétaire générale de la CFE-CGC Orange qui a la majorité dans deux CSE. De quoi alimenter quelques tensions avec les autres syndicats que de voir appliquer une politique ASC telle que celle-ci.
Au CSE Nord de Koné par exemple, les élus privilégient les sorties collectives locales avec les ASC pour créer du lien. Une illustration de la diversité des approches. Chez Dassault Systèmes, la CFE-CGC est à la première place. Pas chez Dassault Data. L’activité services qui emploie 320 salariés où la CFE-CGC s’est interrogée quand le syndicat majoritaire a présenté cinq candidats pour les quatre postes de la CSSCT. Selon Éric Gerschel, délégué syndical de Dassault Data services et élu au CSEC de Dassault systèmes, « la stratégie politique hégémonique d’un syndicat peut parfois s’imposer à ses représentants dans une entreprise alors que ces derniers auraient été naturellement plutôt enclins à jouer collectivement. Dans ce contexte, nous avons fait en sorte que le règlement intérieur du CSE donne le contrôle des questions individuelles aux représentants syndicaux. Cela ne nous a tout de même pas empêchés de produire un avis commun du CSE sur les conditions de la reprise, en septembre 2020. On peut ne pas être d’accord mais il reste essentiel de partager un maximum d’informations en amont ». Si le CSE de Dassault Data services est passé de dix à six élus titulaires, son budget ASC, lui, est passé de 0,8 à 1,3 % de la masse salariale et des représentants de proximité sont en place.
Les nouveaux formats de la communication du CSE
« Il y a chez nous une très forte asymétrie de l’information. Dans une entreprise de hautes technologies comme la nôtre, il est paradoxal de souligner que les syndicats n’ont aucun droit sur la messagerie, pas plus que sur Swing, le réseau social interne. Sur le seul sujet des ASC, nous n’avons le droit qu’à un envoi par mois à tous les salariés », ajoute Éric Gerschel. Face à cette asymétrie, autant là encore essayer de créer les conditions pour des actions collectives sous la bannière du CSE. D’autant que les salariés commencent à saturer des flux d’information unidirectionnels de certaines directions. Pour Laurence Dalboussière, « le CSE présente l’occasion de produire une communication plus didactique par rapport à la communication politique des syndicats. Cela permettrait de contrebalancer la très importante capacité de la direction à décliner les informations sur les réorganisations en cours ». Dans ce contexte, pour faciliter les échanges entre les élus et les salariés, les CSE doivent repenser leur façon d’aller au contact. Avec 25 agences de 5 à 100 salariés, le plus souvent itinérants, les élus de Kone font face à un sérieux problème en période d’urgence sanitaire. « Chaque mois, nous avions l’habitude d’organiser la réunion du CSE dans une agence différente. C’était l’occasion de déjeuner avec les salariés. Nous nous interrogeons sur la possibilité de proposer un canal de tchat quasi permanent aux salariés en tant que CSE. Mais il faut d’abord que nous nous entendions entre nous, à la CFE-CGC, sur le sens de cette action car il y a la crainte de perdre la dimension essentielle du contact en vrai face à face », partage Julie Touron.
La plate-forme mobile « Ma vie pro » développée conjointement par les groupes Technologia et Up fait partie des solutions possibles. Celle-ci propose aux salariés un accès simplifié aux questions qu’ils sont susceptibles de se poser sur l’ensemble du socle conventionnel de leur entreprise (accords, convention collective et droit du travail) avec une recherche en langage naturel, un canal de diffusion multi-formats et la possibilité d’échanger par tchat avec les élus de leur choix, en fonction des sujets et des affinités syndicales. « Notre plate-forme permet de mettre l’ensemble des syndicats représentés au CSE sur un pied d’égalité. C’est justement l’occasion de donner l’exemple d’une approche commune pour ne viser qu’un seul objectif : proposer une porte d’entrée unique aux salariés pour répondre à leurs questions au mieux », explique Arnaud Breuil, directeur des partenariats et de la coopération du groupe Up. Et Jean-Marc Germain de conclure : « Il y a un véritable besoin de travailler ensemble dans le cadre du CSE sur l’accompagnement des parcours de formation des salariés, à la condition qu’il y ait la même volonté de l’employeur ».