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12 / 10 / 2011 | 15 vues
Sylvain Thibon / Membre
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Forfait jours à Canal+ : ne pas galvauder le concept d'autonomie pour l'encadrement

Un total de 87% des salariés de Canal+ ayant la possibilité d'être au forfait jours le sont.

Réservée essentiellement aux cadres, cette technique de décompte du temps de travail répondait à une nécessaire adaptation de l'organisation et de la prise en compte de la charge du travail.

Le Comité européen des droits sociaux a été saisi par notre syndicat et par la CGT sur les dérives constatées dans l'application du forfait jours. Il a rendu un avis le 23 juin 2010. Celui-ci énonce que le système français n'est pas conforme aux articles 2 et 4 de la charte européenne des droits sociaux. Elle relève une déficience des protections légales et une insuffisance des garanties conventionnelles.

La Cour de Cassation a elle aussi été saisie pour juger de l’application du forfait jours à la suite de la plainte d'un salarié qui s’estimait lésé.

Que disent la charte européenne et la Cour de Cassation ?

  • La charte veut empêcher une durée de travail déraisonnable.
  • La Cour de Cassation a considéré, dans ce cas précis, que le système de forfaits jours n'a pas été jugé défectueux, mais que « l'employeur avait été défaillant dans son application... »

À Canal+

Depuis le 13 juin 2006, à la suite d'un accord signé par 2 syndicats, l'organisation du temps de travail des cadres a évolué. Trois catégories de cadres ont alors été définies, les cadres dirigeants exerçant des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur temps de travail, les cadres intégrés, cette catégorie de cadres dont la fonction implique qu'ils soient planifiés au sein d'une équipe ou d'un service et enfin les cadres autonomes qui bénéficient d'une large autonomie de l'organisation de leur emploi du temps.

C'est pour cette dernière catégorie que des problèmes spécifiques sont apparus ces dernières années, y compris à Canal+.

Rappelons que l'accord signé en 2006 répondait à une volonté de nombreux cadres d'obtenir plus de liberté dans l'organisation de leur temps de travail, la possibilité d'utiliser leur jours de repos avec plus de souplesse que ne le permet un décompte en heures.

En page 5 de cet accord, il est d’ailleurs rappelé que le décompte en forfaits jours ne devra pas avoir pour effet d'augmenter les amplitudes de travail quotidiennes et hebdomadaires ni de diminuer les amplitudes de repos quotidiennes et hebdomadaires. En clair, plus de souplesse, mais un temps de travail raisonnable...

Constatons quelques dérives sur ces sujets à Canal+. Le non-remplacement de nombreux cadres, la réorganisation permanente de certains services, notamment à la distribution, la conception quelque peu simpliste qu'on ne bosse pas assez à Canal+, « Regardez-moi cette queue à la cafétéria chaque matin à 10h00 », bref qu'avant 2007, on glandait et qu'on allait remettre tout ce petit monde au boulot, ont participé d'actions contre-productives contre le principe même du forfait jours et généré des dérives qu'il nous faut corriger.


Ce constat, nous le faisons depuis longtemps du côté des journalistes d'i>Tele, des cadres de la distribution, de la DTSI, et plus particulièrement de la DSI. Partout, le temps de travail a dérivé vers l'excès, au détriment de la qualité et de la santé de nombreux salariés.

Comment sortir par le haut de cette affaire ?

La pire des solutions serait de condamner dans son principe le forfait jours. Cela conduirait de fait à une impossibilité d'appliquer une durée légale du travail et l'impossibilité du décompte du temps de travail dans certaines activités.

  • Cet accord sur le forfait jours n'est pas le seul régissant l'organisation du travail à Canal+. Il fait partie d'une galaxie d'accords, citons l'accord sur les 35 heures signé en 1999, l'accord sur le télétravail signé en 2010, ou bien un futur accord que nous attendons sur la gestion des astreintes. C'est sur l'ensemble de ces dispositifs qu’il faut agir pour améliorer la situation et mieux en contrôler les dérives.


Il nous faut raisonner à partir de garanties conventionnelles.

Ce que nous proposons : favoriser le qualitatif plutôt que le quantitatif

Nous sommes pour fixer une durée maximale de travail journalière, hebdomadaire et annuelle.

Nous voulons aussi négocier les modalités de suivi des durées quotidiennes, hebdomadaires et annuelles de la durée de travail.

Il nous faut inventer un droit d'alerte individuel et collectif lorsque des dérives sont constatées.

Il faut négocier et mettre en œuvre des outils et des indicateurs d'évaluation de la charge de travail car c'est elle qui va déterminer le bien-être du salarié et de sa capacité à atteindre ses objectifs dans des conditions raisonnables et acceptables, bref de juger de la qualité de vie au travail.

  • Il faut développer les entretiens annuels personnalisés autour de la charge de travail et de l'équilibre vie professionnelles et vie personnelle.

Il faut prendre en considération et sur-rémunérer les éventuels dépassements de temps de travail.

Il faut une majoration des jours travaillés en cas de rachat de jours de repos.

  • Il faut encadrer le travail hors des murs de l'entreprise, car il ne saurait être question de considérer le temps de travail seulement sur le lieu de travail... Combien de cadres travaillent chez eux le soir, le WE, pendant leurs vacances ? Ce n'est pas acceptable ou alors il y faut une compensation.


Il faut s'assurer d'une maîtrise collective de l'amplitude de travail, avec un suivi accru des responsables de chaque service envers leurs collaborateurs.

Il faut mettre en place un suivi approprié et un contrôle de la santé des salariés concernés.

Et puis simplement éviter les réunions à 19h00, penser à l'organisation du temps de travail des femmes, veiller à l'adéquation de la charge de travail et des moyens dont dispose le salarié pour accomplir sa mission…

  • Enfin, ne pas galvauder le concept d'autonomie pour l'encadrement. Il est vrai qu'un certain nombre de cadres dits autonomes ne le sont pas et de la même façon que les cadres entrants ne devraient y plonger systématiquement.

Nous souhaitons pour cela l’ouverture d’une négociation et la signature d’un avenant à l’accord de 2006.

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