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01 / 02 / 2021 | 484 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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RPS : comment faire le pont entre l’accompagnement individuel et la prévention collective ?

Retour sur l’atelier en ligne, organisé le 11 décembre en partenariat avec le cabinet IAPR, sur les ponts à mettre en place entre les traitements individuels et les actions collectives, sans oublier les rôles respectifs des DRH et des représentants du personnel.

 


 

« Nous avons été très sollicités lors du premier confinement, moins sur le deuxième mais celui-ci n'a pas manqué de réveiller des cas très traumatisants. Nous notons par ailleurs une forte progression des demandes d’aide des managers », explique Sophie Flament, directrice générale adjointe d’IAPR, cabinet spécialisé dans l’accompagnement psychologique des salariés et le conseil en matière de prévention des RPS, où la trentaine de psychologues cliniciens se ménagent régulièrement des temps de partage entre collègues sur des dossiers individuels dont ils sont chargés du suivi pour avoir la bonne prise de recul. « Le collectif est une ressource », souligne Sophie Flament. 
 

Déjà traiter les cas individuels avant de collectiviser
 

« C’est souvent quand la pression est trop forte que les managers demandent à ce qu’on organise un groupe de parole mais il ne faut pas que ce temps collectif soit seulement le lieu de plaintes. Les effets peuvent être alors délétères. Dans ce cas, on lui propose, dans un premier temps, d’organiser des entretiens individuels pour que les gens concernés puissent ensuite échanger et partager dans un groupe », explique Jean-Michel Foret, psychologue clinicien à l’IAPR. 
 

Pour Romain Thévenon, DRH de l’ACOSS, la structure de tête des URSSAF, qui emploie 1 800 salariés (dont 300 encadrants), « il faut prendre soin de bien traiter les situations individuelles avant de chercher à collectiviser des plans de prévention qui seront hors sujet dans ces conditions ». Avec ce préalable, un processus commun à l'ensemble de la ligne managériale a été mis en place pour accompagner la reprise des salariés en retour d’arrêt de longue durée. Une démarche concoctée dans le cadre d’un comité de pilotage RPS où les représentants du personnel se trouvent impliqués. « Il s’agit de hiérarchiser et de catégoriser les remontées individuelles du terrain pour voir celles qui pourraient alimenter des actions de prévention. C’est ce que nous faisons aussi avec les trois psychologues du travail rattachées à la DRH, qui accompagnent individuellement les salariés qui en ont besoin », précise Romain Thévenon.
 

Enquête interne : à quelles conditions ?


Chez HPE, plusieurs salariés ont individuellement partagé les difficultés rencontrées dans le cadre d'une récente réorganisation qui ne veut pas dire son nom avec des élus. « La nature des informations qui sont remontées convergeaient. Nous avons décidé de demander une enquête paritaire qui a été refusée par la direction. La liste nominative des personnes concernées par cette réorganisation ne nous a pas été adressée », rapporte Jean-Paul Vouiller, secrétaire CFTC du CSE d’HPEF, dont le règlement intérieur définit clairement les capacités d’action de la CSSCT qui peut ainsi « mener et réaliser les enquêtes après un accident du travail grave ou des incidents répétés ayant révélé un risque grave ou une maladie professionnelle ou à caractère professionnel grave » ou encore « exercer un droit d’alerte en situation de danger grave et imminent ainsi qu’étudier les éventuelles mesures à prendre ou suites données sur délégation du CSE ». Ces attributions clairement définies permettent à la commission d’agir sans avoir à dépendre des votes dans un CSE généralement surchargé. Et Jean-Paul Vouiller d’affirmer : « face à son refus de jouer le jeu d’une enquête pour comprendre les causes des difficultés partagées par les salariés, la direction française s’expose à ce que la ligne éthique mise en place par la direction au niveau mondial soit activée avec des moyens importants pour une enquête indépendante ». Depuis le refus de prendre en compte les situations remontées n’est plus aussi catégorique et l’écoute un peu meilleure.
 

La démarche de l’enquête paritaire entre représentants du personnel et de la direction sur une présomption de risques graves, une agression ou une tentative de suicide doit être claire pour ceux qui y participent. « Une enquête paritaire s’inscrit dans une volonté de transparence et interroge souvent des enjeux de pouvoir avec la crainte de se faire dépasser mais il faut garder en tête que l’objectif vise à identifier les facteurs de risque. Pas plus. Il importe d’éviter un effet de loupe en stigmatisant des gens », considère Sophie Flament.
 

L’écueil des perceptions
 

La prévention des RPS s’échoue trop souvent sur l’écueil des perceptions. « C’est justement pour les dépasser que j’ai demandé à l’ensemble des conseillers du centre d’appel dans lequel je travaillais à l’époque de noter toutes les agressions verbales dans un cahier spécial pour les faire remonter au CHSCT. Cela a notamment permis de faire évoluer les scripts qui nous étaient imposés », se souvient Valérie Baggiani, conseillère fédérale CGT des bureaux d’étude qui a travaillé dans les centres d’appels pendant treize ans. « La démarche n’avait pas été appréciée par ma responsable d’équipe alors qu’elle-même était dépassée. Le besoin de prendre un temps collectif pour mettre les décalages entre le travail prescrit, celui des scripts et le travail réel à plat est bien réel », considère Valérie Baggiani qui, en 2017, a participé à la collectivisation des remontées individuelles des salariés du notariat exposées à des RPS au niveau de la branche professionnelle. Au final, le modèle d’un document unique sur les RPS déclinable par toutes les études notariales a été négocié.