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27 / 05 / 2025 | 58 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Direct IAPR

Comment assurer la santé mentale des représentants du personnel ?

Les représentants du personnel sont des salariés particulièrement exposés à une dégradation de la santé mentale tant les sources de pressions sont multidimensionnelles. Retour sur le direct organisé le 24 avril par Miroir Social en partenariat avec l'IAPR. L'occasion de souligner l'importance du collectif syndical.


La pression est susceptible de venir de tous les côtés quand on est un représentant du personnel. D'en haut avec la direction qui détermine l'agenda du dialogue social, des salariés en quête de réponses, de son propre syndicat et du CSE où il faut se faire sa place en prenant en compte les relations avec les autres syndicats qui peuvent vite dériver. Le tout en assurant son travail, celui pour lequel on a été recruté. La priorité étant d'être à l'aise dans son travail ce qui sous entend que le temps de représentation soit pris dans l'organisation du travail. Le niveau de risque est pas loin d'être à son maximum alors que les PSE se multiplient et que les moyens du dialogue social sont à la baisse depuis le passage en CSE.


Retour sur le direct organisé le 24 avril par Miroir Social en partenariat avec l'Institut d’Accompagnement Psychologique et de Ressources (IAPR), la filiale du groupe Oasys & Cie qui propose des lignes d'écoute pour les salariés, des permanences sur site avec des dispositifs renforcés dans le cadre des PSE.

Pas de concurrence entre les écoutes

"La phase d'information-consultation sur le PSE est une période particulièrement délicate pour les élus  car les salariés sont en quête de réponses face à des représentants soumis à une obligation de confidentialité sur certaines données. C'est une source de tension qui s'ajoute à la charge du temps passé à écouter les salariés. C'est notre rôle que de décharger les représentants des salariés d'une partie de l'écoute. Du moins de celle qui relève de la vie personnelle. Il n'y a pas concurrence des écoutes. La priorité des représentants doit être de recueillir la parole des salariés sur leur situation de travail. Nous pouvons ainsi être à l'écoute des représentants, en supervision des échanges qu'ils ont avec les salariés. C'est l'occasion de rassurer ou au contraire de prendre le relais si la situation rapportée apparaît comme à risque", explique Aude d'Argenlieu, directrice générale de l'IAPR.

Baptême du feu

Le choc du PSE a été violent au CCF où 68 % des 1 836 salariés risquent de perdre leur emploi dans le cadre de la restructuration engagée. La vague de questionnement des salariés à l'adresse des représentants syndicaux a été massive. "C'est la force de notre collectif qui nous a fait tenir pour écouter tous les salariés, entre ceux qui veulent partir, ceux qui y sont contraints et ceux qui vont rester. Et ce n'est pas parce qu'on ne les entends pas le plus qu'il ne faut aussi aller au contact de ces derniers", témoigne Carole Cebe, déléguée syndicale FO CCF, le premier syndicat de l'entreprise, dont l'équipe a été largement renouvelé lors des élections professionnelles qui ont précédé l'annonce du PSE. Un baptême du feu en règle pour les nouveaux élus du syndicat où une supervision interne s'applique naturellement sur les accompagnements individuels des salariés afin d'éviter les dérapages. "Nous objectivons les expressions des salariés pour peser dans les négociations en ne manquant pas de les informer de l'intérêt de la ligne d'assistance psychologique qui est ouverte", précise Carole Cebe.


Le post PSE est aussi une période de vigilance à l'égard des salariés qui restent. "C'est un moment où l'écoute doit d'autant plus être maintenue que le collectif est plus fragilisé, plus fragmenté", souligne Aude D'Argenlieu qui fait le constat que les représentants des salariés ne sont pas les plus à l'aise pour demander de l'aide pour eux-mêmes.

Casser le tabou

69 % des 84 répondants au sondage proposé pendant le direct n'ont jamais consulté pour un accompagnement psychologique mais vous êtes 50 % à avoir déjà orienté un collègue élu vers une assistance externe.

"L'exposition des représentants des salariés aux RPS est encore tabou. Il est temps qu'elle soit prise en compte par les employeurs et les organisations syndicales", considère Pascal Cazin, délégué syndical groupe CFDT au Crédit Mutuel Alliance Fédérale. Son mémoire de certification en Relations Sociales obtenue à l'université Paris-Dauphine en 2022, portait sur les RPS des représentants du personnel. "La prévention et l'identification sont essentielles. un accord d 'entreprise QVCT et le DUERP peuvent tenir compte de ces RPS. Les syndicats doivent également former les militants à la détection et assurer une prise en charge psychologique quand c'est nécessaire. Pour prendre soin des autres, il faut aussi prendre soin de soi", ajoute Pascal Cazin.
 

Nécessaire introspection

"Les militants qui veulent s'engager sur des mandats de délégués syndicaux doivent le faire en connaissance de cause. C'est le message que je leur fais désormais passer tant ils subissent une forte pression des directions. Il nous appartient de les accompagner au mieux et cela sous-entend d'être en capacité d'interroger notre mode d'organisation au niveau du syndicat", explique Christine Fourage, Secrétaire général du syndicat CGT de l'enseignement et de la formation privés où les 20 membres de la commission exécutive nationale (CEN) ont voté à l'unanimité d'accepter de faire l'objet d'une recherche originale sur la qualité d'une vie syndicale afin d’assurer un renouvellement de l'instances. Une démarche initiée par un collectif de 4 militants du syndicat dédiée au bien être syndical. La première phase de cette recherche-action a consisté à observer plusieurs réunions de la commission. Jusque-là tout va bien. Ça bloque en revanche pour le moment sur des entretiens qualitatifs ou les membres de la CEN sont censés décrire ce qu'ils l’on font au quotidien et comment. "Le fonctionnement sacrificiel ne fait plus envie. Surtout pour les plus jeunes qui recherchent un équilibre entre travail et vie privée. Or il faut leur donner envie de s'engager dans les instances de pilotage du syndicat", considère Christine Fourage, seule femme représentée à la CEN du syndicat et seule membre du collectif pour le bien être syndical qui compte trois femmes...

Créer la confiance

Pour 38 % des répondants au sondage proposé pendant le direct, c'est leur vie personnelle qui constitue la meilleure protection contre la dégradation de leur santé mentale. Le soutien du syndicat arrive en 3ème position à 19 %, derrière le soutien du collectif de travail (26%). Il a clairement matière à renforcer le rôle des syndicats comme soutien des représentants. De même que celui des acteurs de la santé (médecin du travail, psychologue, assistante sociale) qui arrive en dernière position à 17 %. "Les représentants du personnel doivent se sentir en confiance pour demander un soutien psychologique. Pourvoir être capable de comprendre la réalité de ce qu'ils vivent est en plus qui me permet de dépasser une posture d'écoutante pour partager avec eux sur la pratique opérationnelle du mandat", rapporte Anastasia Bouchon, psychologue clinicienne chez IAPR mais par ailleurs élue du personnel Sud santé Sociaux. De quoi partager son expérience d'élue dans une PME de moins de 50 salariés. Le besoin de pouvoir parler des conditions de la pratique du mandat est fort. Et Carole Cebe de se souvenir d'une formation suivie par l'équipe syndicale sur la détection des RPS chez les salariés : "elle a complètement déviée sur l'exposition des syndicalistes aux pressions".