Organisations
DPC et CPF même combat ?
On devrait toujours lire les rapports que l’État consacre à ses institutions ou à la mise en œuvre de nouvelles règlementations.
Il y a quelques jours, fin avril 2014, l’IGAS a publié un rapport sur l’OGDPC, l’organisme chargé par l’État depuis 2012 de mettre en œuvre une nouvelle obligation de formation pour les professionnels de la santé, le développement professionnel continu (DPC).
Ce rapport est intéressant car il pourrait préfigurer ce que nous lirons dans quelques mois, après que le CNEFOP (Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles) ou que la Cour des Comptes aient examiné la mise en œuvre du « compte personnel de formation », ce compteur d’heures de formation censé remplacer DIF (le droit individuel à la formation).
Le DPC est un dispositif lancé en 2009 et présente beaucoup de similitudes avec le CPF (compte personnel de formation).
Si l’on a bien compris l’IGAS, pour le DPC les objectifs assignés étaient les suivants :
- développer la formation continue des professionnels de santé, indifféremment du statut (salarié, libéral) ;
- développer une formation continue alliant apport de connaissances, évaluation scientifique et pédagogiques des pratiques ;
- instaurer un contrôle préalable des organismes de formation (ce qui n’existe pas dans les autres champs professionnels de la formation) ;
- mettre en place un financement pluri-professionnel et inter-sectoriel ;
- respecter le droit de la concurrence.
Comme toujours en matière de formation, les intentions sont bonnes et le diagnostic lucide sur les carences et difficultés des systèmes mais soit les solutions adoptées sont technocratiques (comme pour le CPF), soit encore idéalisées et déconnectées du réel et des capacités d'appropriation par les acteurs de la formation.
Qu’apprend-on donc sur cette nouvelle obligation annuelle de se former pour chaque professionnel de santé depuis 2012 ?
L’IGAS nous apprend que le système mis en place est loin de remplir son rôle et surtout que la conduite du projet a été « désastreuse » (page 27, chapitre 2.2 Une conduite de projet désastreuse):
« Dans un cadre juridique contraint par des textes qui empiètent sur la marge de gestion nécessaire, les remises en cause de règles édictées après « arbitrages » politiques, les délais trop serrés, le choix technique hasardeux d’un recours exclusif à l’informatique ont mis sous pression excessives l’OGDPC » (organisme de gestion du DPC).
Pour pallier les multiples dysfonctionnements apparaissant dans le système, l'IGAS propose 4 scénarios dont le dernier consiste tout simplement en l’abandon du DPC : « le quatrième scénario consiste en l’application du droit commun de la formation continue. L’obligation légale redevient déontologique. L’OGDPC est supprimé ».
Que nous dit aussi l’IGAS? Le financement du DPC n’est pas assuré.
« Il n’a pas échappé aux différents acteurs que les crédits inscrits au budget de l’OGDPC ne sont pas à la hauteur du coût d’une formation continue dispensée à l’ensemble des professionnels de santé du pays (…) un calcul détaillé du coût du DPC pour les seules professions à la charge de l’OGDPC établit à 565 millions d’euros le coût d’une formation généralisée aux conditions actuelles de pris en charge ; à comparer aux ressources actuelles de l’organisme gestionnaire, soit 155 millions… Compte tenu du nombre de personnes concernées, soit environ 1,5 million de personnes, il est permis d’estimer que le coût intégral d’un PC, toutes professions et tous statuts confondus, dépasse le milliard d’euros ».
Concernant la conduite de projet, on mesure à la lumière de ce qui s'est produit avec le DPF, ce qui nous attend avec la réforme de mars 2014.
« Mal conçue, la réforme a été mise en œuvre dans de mauvaises conditions : méconnaissance des comportements des acteurs, dirigisme, centralisation, ignorance des contraintes de la gestion ».
Plus loin encore
« Un cadre juridique trop rigide mais aussi chaotique, un pilotage confus, un choc de cultures, une absence d’adhésion, le choix du tout informatique dans des délais serrés… »
Enfin, on ne résistera pas à cette conclusion de l’IGAS : se caler justement sur le droit individuel à la formation (DIF que l’État s’apprête très imprudemment à enterrer pour les salariés du privé).
Proposition 291 (page 54 sur 123) : une proposition médiane, assimilant le DPC au DIF doit « trouver une voie médiane entre un plan imposé et une initiative individuelle, qui est la voie proposée par la mission et qui s’inspire des dispositions du Code du travail relatives au droit individuel à la formation ».
En conclusion, que lit-on dans le rapport ?
« L’État a généré un dispositif qu’il ne maîtrise plus ni dans sa finalité, ni dans ses objectifs, ni dans son pilotage » - syndicat des médecins généralistes.
L’IGAS nous explique que « l’application de ce scénario (le scénario IV) prend acte de l’échec d’un dispositif trop ambitieux, trop complexe et qui expose l’État à une critique incessante ».
Dit autrement, le système actuel du DPC est vu comme irréformable, les points de blocages étant trop nombreux (…) pour mériter d’être repris un à un.
La conclusion pour l’adoption de ce scénario d’abandon du DPC est simple à comprendre.
« Il s’inscrit dans une conception de l’État qui limite son intervention comme opérateur et responsabiliser les acteurs sociaux » - rapport de l’IGAS sur l’OGDPC, avril 2014.
Quel rapport entre le DPC et le CPF ?
L’État devrait se méfier des sigles constitués de 3 lettres : si le DIF n’a pas fonctionné durant dix ans en France, il était facile de mettre cet insuccès (mais les heures de DIF demeurent jusqu’en 2021) sur le compte de la mauvaise volonté des employeurs, de leur manque d’anticipation sociale et éducative.
En matière de compte personnel de formation, c’est l’État (comme dans le domaine de la santé avec le DPC) qui s’est placé en première ligne, probablement sans avoir les moyens de ses ambitions.
Malheureusement, les similitudes entre ce malheureux DPC et le futur CPF sont nombreuses :
- un pilotage hasardeux par l’État (qui en plus le compliquee en faisant intervenir moult partenaires sociaux) ;
- les délais serrés (8 mois désormais pour bâtir un système d’information d’une complexité inouïe, un cahier des charges toujours pas finalisé, un budget et des conditions d’attribution du marché tenus secrets) ;
- le recours au tout informatique (quand on connaît mal l’informatique, on lui prête des pouvoirs immenses) ;
- un fonctionnement centralisé et bureaucratique ;
- des textes de lois et des décrets nombreux (près de 75 décrets pour la loi de mars 2014) qui rigidifient et compliquent l’ensemble ;
- une minoration très importante des coûts (15 % des coûts réels d’un DPC généralisé selon l’IGAS) ;
- des obligations de former incontrôlables.
Le DPC et le CPF, même combat (d’arrière-garde) ?
Les pouvoirs publics ont beaucoup communiqué sur les bienfaits (supposés) du CPF à partir de 2015. Que se passera-t-il si cette communication débouche sur le vide d’un dispositif impossible à mettre en œuvre ?
Quelle crédibilité gardera l’État en cas de fiasco ? Il aura fait disparaître le droit à la formation des travailleurs (certes imparfait) pour le remplacer par un compte virtuel d’introuvables heures de formation.
Quel gain dans ce cas-là pour notre pays ? La communication sociale du gouvernement aura utilisé la formation professionnelle mais l’aura-t-elle servie ?
Le CPF est très ambitieux par les promesses. Ce n’est qu'un dispositif de formation : il a la redoutable mission de sécuriser les millions de travailleurs disqualifiés par la société de la connaissance et de l’information, de remettre à niveau le million de jeunes sans qualification ni éducation, les 2 millions de chômeurs de longue durée, tout cela reposant sur un petit compteur doté de 3 % des fonds transitant par la formation.
Qui peut affirmer aujourd'hui que le compte personnel de formation ne ressemblera pas (en pire) au DPC ?
De grandes ambitions proclamées dans le texte de loi et dans les médias mais un indescriptible chaos dans la mise en œuvre.
Il y a quelques jours, fin avril 2014, l’IGAS a publié un rapport sur l’OGDPC, l’organisme chargé par l’État depuis 2012 de mettre en œuvre une nouvelle obligation de formation pour les professionnels de la santé, le développement professionnel continu (DPC).
Ce rapport est intéressant car il pourrait préfigurer ce que nous lirons dans quelques mois, après que le CNEFOP (Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles) ou que la Cour des Comptes aient examiné la mise en œuvre du « compte personnel de formation », ce compteur d’heures de formation censé remplacer DIF (le droit individuel à la formation).
Le DPC est un dispositif lancé en 2009 et présente beaucoup de similitudes avec le CPF (compte personnel de formation).
Si l’on a bien compris l’IGAS, pour le DPC les objectifs assignés étaient les suivants :
- développer la formation continue des professionnels de santé, indifféremment du statut (salarié, libéral) ;
- développer une formation continue alliant apport de connaissances, évaluation scientifique et pédagogiques des pratiques ;
- instaurer un contrôle préalable des organismes de formation (ce qui n’existe pas dans les autres champs professionnels de la formation) ;
- mettre en place un financement pluri-professionnel et inter-sectoriel ;
- respecter le droit de la concurrence.
Comme toujours en matière de formation, les intentions sont bonnes et le diagnostic lucide sur les carences et difficultés des systèmes mais soit les solutions adoptées sont technocratiques (comme pour le CPF), soit encore idéalisées et déconnectées du réel et des capacités d'appropriation par les acteurs de la formation.
Qu’apprend-on donc sur cette nouvelle obligation annuelle de se former pour chaque professionnel de santé depuis 2012 ?
L’IGAS nous apprend que le système mis en place est loin de remplir son rôle et surtout que la conduite du projet a été « désastreuse » (page 27, chapitre 2.2 Une conduite de projet désastreuse):
« Dans un cadre juridique contraint par des textes qui empiètent sur la marge de gestion nécessaire, les remises en cause de règles édictées après « arbitrages » politiques, les délais trop serrés, le choix technique hasardeux d’un recours exclusif à l’informatique ont mis sous pression excessives l’OGDPC » (organisme de gestion du DPC).
Pour pallier les multiples dysfonctionnements apparaissant dans le système, l'IGAS propose 4 scénarios dont le dernier consiste tout simplement en l’abandon du DPC : « le quatrième scénario consiste en l’application du droit commun de la formation continue. L’obligation légale redevient déontologique. L’OGDPC est supprimé ».
Que nous dit aussi l’IGAS? Le financement du DPC n’est pas assuré.
« Il n’a pas échappé aux différents acteurs que les crédits inscrits au budget de l’OGDPC ne sont pas à la hauteur du coût d’une formation continue dispensée à l’ensemble des professionnels de santé du pays (…) un calcul détaillé du coût du DPC pour les seules professions à la charge de l’OGDPC établit à 565 millions d’euros le coût d’une formation généralisée aux conditions actuelles de pris en charge ; à comparer aux ressources actuelles de l’organisme gestionnaire, soit 155 millions… Compte tenu du nombre de personnes concernées, soit environ 1,5 million de personnes, il est permis d’estimer que le coût intégral d’un PC, toutes professions et tous statuts confondus, dépasse le milliard d’euros ».
Concernant la conduite de projet, on mesure à la lumière de ce qui s'est produit avec le DPF, ce qui nous attend avec la réforme de mars 2014.
« Mal conçue, la réforme a été mise en œuvre dans de mauvaises conditions : méconnaissance des comportements des acteurs, dirigisme, centralisation, ignorance des contraintes de la gestion ».
Plus loin encore
« Un cadre juridique trop rigide mais aussi chaotique, un pilotage confus, un choc de cultures, une absence d’adhésion, le choix du tout informatique dans des délais serrés… »
Enfin, on ne résistera pas à cette conclusion de l’IGAS : se caler justement sur le droit individuel à la formation (DIF que l’État s’apprête très imprudemment à enterrer pour les salariés du privé).
Proposition 291 (page 54 sur 123) : une proposition médiane, assimilant le DPC au DIF doit « trouver une voie médiane entre un plan imposé et une initiative individuelle, qui est la voie proposée par la mission et qui s’inspire des dispositions du Code du travail relatives au droit individuel à la formation ».
En conclusion, que lit-on dans le rapport ?
« L’État a généré un dispositif qu’il ne maîtrise plus ni dans sa finalité, ni dans ses objectifs, ni dans son pilotage » - syndicat des médecins généralistes.
L’IGAS nous explique que « l’application de ce scénario (le scénario IV) prend acte de l’échec d’un dispositif trop ambitieux, trop complexe et qui expose l’État à une critique incessante ».
Dit autrement, le système actuel du DPC est vu comme irréformable, les points de blocages étant trop nombreux (…) pour mériter d’être repris un à un.
La conclusion pour l’adoption de ce scénario d’abandon du DPC est simple à comprendre.
« Il s’inscrit dans une conception de l’État qui limite son intervention comme opérateur et responsabiliser les acteurs sociaux » - rapport de l’IGAS sur l’OGDPC, avril 2014.
Quel rapport entre le DPC et le CPF ?
L’État devrait se méfier des sigles constitués de 3 lettres : si le DIF n’a pas fonctionné durant dix ans en France, il était facile de mettre cet insuccès (mais les heures de DIF demeurent jusqu’en 2021) sur le compte de la mauvaise volonté des employeurs, de leur manque d’anticipation sociale et éducative.
En matière de compte personnel de formation, c’est l’État (comme dans le domaine de la santé avec le DPC) qui s’est placé en première ligne, probablement sans avoir les moyens de ses ambitions.
Malheureusement, les similitudes entre ce malheureux DPC et le futur CPF sont nombreuses :
- un pilotage hasardeux par l’État (qui en plus le compliquee en faisant intervenir moult partenaires sociaux) ;
- les délais serrés (8 mois désormais pour bâtir un système d’information d’une complexité inouïe, un cahier des charges toujours pas finalisé, un budget et des conditions d’attribution du marché tenus secrets) ;
- le recours au tout informatique (quand on connaît mal l’informatique, on lui prête des pouvoirs immenses) ;
- un fonctionnement centralisé et bureaucratique ;
- des textes de lois et des décrets nombreux (près de 75 décrets pour la loi de mars 2014) qui rigidifient et compliquent l’ensemble ;
- une minoration très importante des coûts (15 % des coûts réels d’un DPC généralisé selon l’IGAS) ;
- des obligations de former incontrôlables.
Le DPC et le CPF, même combat (d’arrière-garde) ?
Les pouvoirs publics ont beaucoup communiqué sur les bienfaits (supposés) du CPF à partir de 2015. Que se passera-t-il si cette communication débouche sur le vide d’un dispositif impossible à mettre en œuvre ?
Quelle crédibilité gardera l’État en cas de fiasco ? Il aura fait disparaître le droit à la formation des travailleurs (certes imparfait) pour le remplacer par un compte virtuel d’introuvables heures de formation.
Quel gain dans ce cas-là pour notre pays ? La communication sociale du gouvernement aura utilisé la formation professionnelle mais l’aura-t-elle servie ?
Le CPF est très ambitieux par les promesses. Ce n’est qu'un dispositif de formation : il a la redoutable mission de sécuriser les millions de travailleurs disqualifiés par la société de la connaissance et de l’information, de remettre à niveau le million de jeunes sans qualification ni éducation, les 2 millions de chômeurs de longue durée, tout cela reposant sur un petit compteur doté de 3 % des fonds transitant par la formation.
Qui peut affirmer aujourd'hui que le compte personnel de formation ne ressemblera pas (en pire) au DPC ?
De grandes ambitions proclamées dans le texte de loi et dans les médias mais un indescriptible chaos dans la mise en œuvre.
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