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CPF, une réforme de la formation "fait maison"
A quelques mois de la mise en œuvre du Compte Personnel de Formation (CPF) il est permis de se poser des questions sur l’avenir d’un dispositif aussi mal né et aussi peu maîtrisé par les pouvoirs publics.
Le Compte Personnel de Formation était peut-être une généreuse idée sur le papier, il devait permettre tout à la fois de généraliser la formation et de sécuriser les travailleurs pour développer leurs compétences et maintenir leur employabilité.Mais qu'en ser-t-il sur le terrain en 2015 (ou plus tard) ?
Entre les bonnes intentions affichées, un vote en urgence au Parlement et l’embrouillamis actuel des textes et décrets à paraître (qui contredisent parfois la Loi) la réforme est d’ores et bien mal engagée.
Le volet CPF dans l’ANI de 2013 relevait du concours de beauté
Selon le texte de l'ANI de janvier 2013 le Compte Personnel de Formation devait avantageusement remplacer le DIF :
- mis en œuvre dans les 6 mois (donc avant juillet 2013)
- universel (donc bénéficier aussi aux travailleurs non salariés ou précaires)
-ne pas être limité financièrement (« Les droits acquis demeurent comptabilisés en heures, quel que soit le coût horaire de la formation »)
Progressivement, tout au long des innombrables palabres sociales avant, pendant après la réforme le CPF, censé être "le phare" de la formation, a réduit ses ambitions, son périmètre et désormais même ses (maigres) financements pour en arriver à la peau de chagrin actuelle.
Le MEDEF (qui en avait fait une monnaie d'échange en janvier 2013) a donc récemment exigé que soit encore déduit des 40 euros d’un CPF (0,2 % de la masse salariale) la rémunération des stagiaires (ce qui le texte de loi du 5 mars 2014 excluait pourtant).
Alors qu'annuellement un DIF généralisé aurait pu coûter 12 milliards d'euros (selon les calculs de la Cour des Compte en 2008), le CPF après n’avoir été doté que de 800 millions au maximum sevoit amputer jour après jour de montants considérables sur les dépenses pédagogiques.
Désormais 25 millions de titulaires du CPF se partageront environ 300 millions d’euros car le MEDEF a obtenu du Ministère du Travail un jugement à la Salomon (qui compliquera encore un peu plus sa gestion si jamais quelques entreprises s’y risquent) qui divise le montant des dépenses pédagogiques par deux.
Mais les opérations de soustractions ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Il faudra encore sans doute retrancher :
- Les frais de gestion des OPCA (en général 10 % des sommes cotisées), soit 80 millions environ
- Les frais annexes : hébergement, restauration, déplacement des stagiaire
- Les frais de tenue des compteurs CPF par la Caisse des dépôts (à moins que cela soit gratuit, donc payé par nos impôts)
Pour la formation ne resteront au final (en admettant que toutes les cotisations soient effectivement payées) que 300 millions d’euros par an au mieux.
Considérant que le CPF sera nécessairement utilisé pour des formations longues et qualifiantes et que de telles formations ne coutent pas moins de 6 000 euros par stagiaire (en 2013 un plan spécial de formations qualifiantes pour 30 000 chômeurs avait coûté 200 millions d’euros) on peut en déduire qu’en année de croisière (dans 5 ou 6 anspeut être) le CPF permettra de former au mieux 40 à 50 000 personnes tous les ans.
Le pire est donc imaginable en fait de réforme de la formation avec le CPF il aurait fallu former 2 millions de chômeurs de longue durée, 2 millions de jeunes sans qualification, et encore 2 ou 3 millions de salariés « bénéficiant » de centaines d’heures du compte pénibilité (1 facteur de pénibilité = 100 heures de CPF par an !).
Six millions de personnes ayant un besoin pressant de professionnalisation et de formation mais en face un dispositif lourd, complexe et sous financé qui au mieux permettra de n'en formerque 1 ou 2 % par an.
On voit bien que le compte n’y est pas, il faut un siècle pour former 5 millions de personnes à raison de 50 000 individus par an.
Par ailleurs et pour corser le tout pèsera sur l’employeur une nouvelle obligation sociale : former 100 % de ses effectifs sur un laps de temps de 6 ans (et toujours sur ces fameux 0,2 % du CPF !)
Le mieux étant l’ennemi du bien, le plus raisonnable serait évidemment pour les pouvoirs publics de faire marche arrière, de se donner au moins 3 ou 4 années pour mettre en œuvre une réforme dont il ne suffit pas de prétendre qu’elle est systémique ou globale pour qu’elle soit utie au monde du travail.