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01 / 12 / 2010 | 1624 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Conséquences d'une absence de convocation à une visite médicale de reprise

La chambre sociale de la Cour de Cassation a, par un arrêt en date du 6 octobre 2010 (Cass. soc. 6-10-10, n° C 09-66.140/1771, Marie A. c/Laurence K., F-P+B), réaffirmé avec force, l’obligation incombant à l’employeur de provoquer une visite médicale de reprise au retour du salarié dont l’absence pour maladie ou accident non professionnels a été d’au moins vingt-et-un jours.

Rappelons d’abord que, le Code du Travail prévoit que le salarié bénéficie d’un examen de reprise de travail par le médecin du travail, après un congé de maternité, après une absence pour cause de maladie professionnelle, après une absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail, après une absence d’au moins vingt-et-un jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnels et, en cas d’absences répétées, pour raisons de santé (R. 4624-21 du Code du Travail).

Cet examen de reprise a pour objet d’apprécier l’aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation du salarié ou, éventuellement, de l’une et de l’autre de ces mesures. Cet examen doit avoir lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours (R. 4624-22 du Code du Travail).

En l’espèce, une salariée, engagée en qualité de pharmacienne dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, avait été placée en arrêt de travail pour maladie du 22 septembre au 24 octobre 2004, soit plus de vingt-et-un jours. Elle avait repris son travail le 25 octobre avant d’être à nouveau placée en arrêt de travail à compter du 2 novembre 2004.

  • Le 18 novembre suivant, elle avait pris acte de la rupture de son contrat de travail, reprochant à son employeur l’absence de visite médicale de reprise. Le 5 mars 2009, la Cour d’Appel de Versailles a condamné l’employeur à payer diverses indemnités au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ce dernier a formé un pourvoi en cassation, reprochant aux juges du fond de ne pas avoir pris en considération le fait que la salariée, bien qu’ayant repris le travail le 25 octobre, avait de nouveau été placée en arrêt de travail avant l’expiration du délai de huit jours dans le respect duquel la visite médicale de reprise aurait dû avoir lieu.

  • La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi, relevant que la Cour d’Appel a constaté que « la salariée avait repris son travail sans bénéficier d’une visite de reprise auprès du médecin du travail dans les huit jours et sans que l’employeur ait allégué avoir pris l’initiative de faire passer une visite médicale dans le même délai ».

La Cour de Cassation considère donc que la Cour d’Appel a « souverainement décidé que l’employeur avait commis un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d’acte par la salariée de la rupture de son contrat de travail ». Pour les hauts magistrats, la faute de l’employeur n’est pas tant de ne pas avoir fait passer, à la salariée, la visite médicale de reprise, mais plutôt de ne pas avoir pris l’initiative de la lui faire passer.

Cette solution est en conformité avec la jurisprudence antérieure et ce, sur de nombreux aspects. D’abord, la jurisprudence avait consacré qu’il incombait normalement à l’employeur de provoquer la visite médicale de reprise. En effet, l’employeur qui avait omis de faire passer cette visite au salarié réintégrant l’entreprise, alors que cela était rendu nécessaire par son état de santé, commettait une faute justifiant la rupture du contrat à ses torts (Cass. soc. 18-1-00, n° 96-45.545).

Ensuite, la jurisprudence avait consacré le caractère obligatoire de cette visite de reprise. Ainsi, l’employeur, tenu au respect d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ; il ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail après une période d’absence pour accident du travail d’au moins huit jours, sans le faire bénéficier d’une visite médicale par le médecin du travail (Cass. soc. 28-2-06, D. 2006. IR 746 ; Cass. soc. 13-12-2006, Bull. civ. V n° 373 ; Cass. soc. 16-6-09, RJS 2009.632, n° 706).

Enfin, l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 6 octobre 2010 est dans la lignée des arrêts rendus en matière de prise d’acte de la rupture et, plus particulièrement, quant à l’appréciation de la gravité des manquements pouvant justifier celle-ci. En effet, le non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat vis-à-vis des salariés en ce qui concerne leur protection contre le tabagisme justifie la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié (Cass. soc.29-6-05, n° 03-44.412 ; Cass. soc. 6-10-10, n° 09-65.103).

En revanche, un simple retard dans l’organisation de la visite de reprise ne justifie pas une prise d’acte de la rupture (Cass. soc. 16-5-07, n° 06-41.468). En conséquence, il convient de différencier, selon que l’absence de visite médicale de reprise s’explique par l’encombrement des services de santé au travail ou selon qu’elle résulte de l’absence d’initiative, l’absence de provocation de celle-ci par l’employeur.
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