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05 / 02 / 2015 | 23 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Comptes des CE et moyens syndicaux : de la tolérance à la dérive

Les coups de projecteurs médiatiques sur les jugements relatifs aux incartades des gros CE, comme ceux de la SNCF ou EDF, n’éclairent qu’une partie du problème en ce sens qu’ils concernent essentiellement des détournements au profit des syndicats. Or, c’est faire l’impasse sur ces détournements de fonds au seul profit d’élus qui concernent des CE de toutes les tailles.

C’est bien le sens de l’information judiciaire ouverte par le parquet de Pontoise pour un abus de confiance commis au sein du comité d’entreprise d’Atos-Infogérance dont le budget annuel est de 1,7 millions d’euros. Rien ne contraint donc ce CE à faire certifier ses comptes par un commissaire au comptes, comme l’impose la loi du 5 mars 2014 à partir de 2015 si l’institution représentative du personnel répond à au moins deux des trois critères suivants : 50 salariés en ETP, 1,55 million d’euros de bilan et 3,1 millions d’euros de ressources. Chez Atos-Infogérance, les notes de frais de l’ex-secrétaire et du trésorier auraient fait l’objet d’une double prise en charge : par la direction, ce qui est normal, mais aussi par le CE, ce qui l’est déjà beaucoup moins... Surtout quand il s’agit des mêmes frais !

  • La double facturation a aussi été au cœur du contentieux engagé par la CFE-CFC à l’encontre de son  ex-secrétaire nationale chargée du pôle « retraites et protection sociale », accusée d'avoir émis des notes de frais en double, avec une prise en charge également assurée par la CNAV, dont elle a été présidente de 2001 à 2011. Celle-ci a été relaxée par le tribunal correctionnel le 25 septembre avec une CNAV qui ne s’est pas portée partie civile et qui remboursait, sur simple déclaration, un montant forfaitaire basé sur un aller-retour en train tarif 2ème classe.

Des directions qui cautionnent

Ce sont toujours les syndicats lésés qui saisissent la justice. Il s’agit de faire le moins de vague possible pour des directions qui se sont accommodées de petits arrangements qui se transforment parfois en véritables dérives. Au niveau du CE d'Atos Infogérance, les deux élus CFDT mis en cause ont été dé-mandatés et des ruptures conventionnelles ont ensuite permis de les accompagner vers la sortie. Il aura tout de même fallu en passer par une action en justice des syndicats pour tout déclencher.

Chez Accenture ATS, la direction se refuse à prononcer la moindre sanction à l’adresse des ex-élus CFE-CGC mis en cause par deux plaintes (au civil et au pénal) déposées par la nouvelle équipe du CE à majorité CGT. Il va falloir attendre que la justice tranche. À souligner que le CE a assigné l’ex-DRH d’ATS, devenue depuis DRH du groupe Accenture en France, dans sa plainte au civil pour présentation de comptes insincères. Comme quoi les directions ont tout intérêt à prendre leurs responsabilités en affirmant leur droit de regard sur les comptes des CE qu’elles financent... La non-ingérence a ses limites. La loi sur la transparence des comptes pourrait conduire les directions à se mouiller davantage. Ainsi, si un CE n’obtient pas sa certification, l’employeur serait dans son droit de refuser de verser la subvention...

Le temps de la justice est long, surtout dans les affaires de détournement de fonds. Cela fait un an et demi que la plainte relative au détournement de fonds du CE de Carrefour Market a été lancée. L’affaire sera jugée le 17 mars au TGI de Saint-Omer. Cela fait 5 ans que l’ex-secretaire CGT du CE d’Eurodisney est mis en examen et sous contrôle judiciaire tout en étant toujours salarié de l’entreprise. Là encore, ce sont les syndicats (FO puis la CFDT) qui ont saisi la justice en premier quand un trou de plus de 500 000 € s’est fait jour dans les comptes de ce CE. Un déficit très vite comblé par la direction via un « accord atypique » accordant une rallonge budgétaire exceptionnelle... « La direction s’est finalement portée partie civile mais de façon contrainte et forcée », affirme Germaine Cisse, la secrétaire CFDT de ce CE qui, depuis 2010, fait certifier ses comptes alors que la loi ne lui impose pas ce passage par le commissaire aux comptes avec 2,3 millions d’euros de budget et une dizaine de permanents. Des comptes certifiés sans réserve depuis maintenant 3 ans.

Le pouvoir de dire non

Comme les CE, les syndicats ont aux aussi leur loi sur la transparence financière. Sauf que les seuils fixés dans les accords sur les moyens syndicaux explosent parfois de 140 000 €, comme chez Accenture, avec une direction qui a bien tenté de mettre certains élus face à leurs responsabilités. Mais ces derniers auraient eu tord de se priver de répondre qu’Accenture était mal placé pour parler de fraude alors que les frais avaient bien été remboursés...

Au-delà de la justice, voici autant de dépassements susceptibles d’intéresser les inspecteurs de l’URSSAF qui peuvent voir dans ces remboursements un salaire déguisé qui devrait être soumis à des charges sociales. Et là, ce sera encore à l’employeur de payer.

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