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Comment les entrepreneurs de Croissance Plus se verraient-ils gérer les effectifs sans Code du Travail ?
La protestation sociale peut prendre des formes originales. Le 25 mars au soir, une horde d'entrepreneurs réunis à l'occasion du « Spring Campus » de l'association Croissance Plus a débarqué dans un restaurant d'Avoriaz. Les musiciens jazzy qui se produisaient ont alors décidé de ne plus jouer. Rideau. Pas question d'ambiancer un raout patronal assimilé au Medef. Mais les patrons et patronnes membres de Croissance Plus ne figurent pas au tableau du CAC 40. Ce ne sont pas des patrons salariés parachutés par les lois des réseaux d'influence. Ils créent des emplois plus qu'ils n'en détruisent. La réussite est assumée et même revendiquée.
Voilà qui donne des échanges décomplexés sur le thème de cette deuxième édition : « des idées pour plus d'emplois ».
Ces entrepreneurs créateurs d'emplois se sentent parfaitement légitimes pour revendiquer le droit à bien plus de flexibilité pour licencier. Un sujet récurrent tout au long des trois jours de cette université de printemps où les idées les plus originales se sont affichées. Christian Poyau, le PDG de Micropole-Univers (SSII de 1 100 salariés) trouve ainsi aberrant de ne pas pouvoir rompre une période d'essai pour motif économique et de se retrouver « contraint de dire à la personne qu'elle ne fait professionnellement pas l'affaire alors que ce n'est pas le sujet. » Ce même dirigeant estime que le timing d'un PSE n'est pas adapté à des entreprises où il s'agit d'aller vite pour réduire les effectifs. L'occasion pour Marcel Grignard (CFDT) de souligner une forme d'industrialisation des ruptures conventionnelles pour contourner les PSE.
Mais ce n'est pas uniquement pour des raisons strictement économiques que les entrepreneurs de Croissance Plus aspirent à plus de flexibilité pour réduire les effectifs... « Il est toujours difficile de se séparer de compagnons de route qui se sont essoufflés », lance Denis Payre, le président de Kiala. « Je voudrais changer 5 % de mes salariés qui ne sont plus compétitifs mais je ne peux pas », rebondit un PDG membre du conseil d'administration de Croissance Plus. Les conditions du licenciement pour insuffisance professionnelle sont considérées comme trop rigides et c'est bien la question du licenciement pour manque de compétitivité qui est posée en toile de fond.
Si les entrepreneurs présents lors de ce « spring campus » s'accordent à dire que la rupture conventionnelle va dans le bon sens, ils pointent aussi ses limites avec « des salariés qui se basent sur ce qu'ils pourraient toucher aux Prud'hommes pour négocier ». Une idée fuse : pourquoi ne pas contractualiser dés le recrutement le montant de l'indemnisation du départ en fonction de l'ancienneté ? Une chose est certaine, la réduction des effectifs n'est pas un sujet tabou. Et le patron d'un important cabinet de conseil d'affirmer que, « la rupture est nécessaire dans les entreprises ».
Pour gagner en flexibilité sur la gestion des effectifs, les entrepreneurs revendiquent un droit du travail adapté en fonction de la taille des entreprises. « Il faut repenser le droit du travail », admet Carole Couvert, la n° 2 de la CFE-CGC. Mais la légitimité des partenaires sociaux est en question. « Il y a collusion entre les syndicats de salariés et la représentation syndicale des grandes entreprises », lance ainsi le patron d'April Group. Laurence Parisot, la patronne du Medef qui intervenait en clôture n'a pas manqué de réaffirmer « la priorité de la négociation au sein des entreprises par rapport à un État qui devrait se limiter aux grands principes ». Et Laurence Parisot d'annoncer que l'Ifop, l'institut de sondage qu'elle dirige, rejoindrait Croissance Plus dont la majorité des membres serait prêt à renoncer aux aides accordées par l'État en contrepartie d'une réduction de l'impôt sur les sociétés...