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06 / 06 / 2012 | 9 vues
Rémi Aufrere-Privel / Membre
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Changement de têtes à la SNCF : quelles significations ?

Au conseil d'administration d'avril dernier, David Azema, directeur général délégué du groupe SNCF, l'un des plus proches collaborateurs de Guillaume Pépy, avait été nommé président de Keolis, filiale dynamique du groupe ferroviaire (contrôlée maintenant à 70 % par la SNCF). Une nomination plutôt étonnante car David Azema avait été nommé à la responsabilité nouvelle de DG du groupe en octobre 2011, le positionnant comme numéro 2.

Nouveaux mouvements de plus grande ampleur le 31 mai dernier, concernant 40 % de l'activité de la SNCF puisqu'il s'agit des transports régionaux.

Tout d'abord, Rachel Picard devient directrice générale des gares et connexions. Celle-ci avait déjà passé 14 ans au sein du groupe SNCF (à la direction de Voyages SNCF.com). Il s'agit d'un retour.
 
Mais ce qui est plus étonnant est le nouveau découpage de la branche « proximités » (les 40 % du transport régional avec Keolis, TER, Transilien et Intercités). Tout d'abord, la direction proximités sera prochainement déménagée à Lyon. La partie Transilien (transports régionaux d'Île-de-France) sera bien entendu consolidée à Paris avec une large autonomie.

  • Ensuite, c'est bien l'ensemble de cette activité « proximité » qui connaît une vraie révolution hiérarchique et managériale, voire stratégique. Ce sont des questions qui méritent d'être posées.


L'actuelle direction proximités est éclatée puisque tout en confiant « l'animation de la branche proximités » à Joël Lebreton, actuel conseiller de Guillaume Pépy, il est précisé  que « les dirigeants de TER, Intercités, Transilien et KEOLIS rendront compte au président de la SNCF ».

Il s'agit sans doute d'un moyen pour ne pas froisser la susceptibilité du nouveau président de Keolis qui était auparavant de facto n° 2 de la SNCF.

  • Mais c'est aussi et surtout, un contrôle direct de la présidence de la SNCF sur une partie essentielle du chiffre d'affaires du groupe.
  • Fonctionnellement, cela conforte et amplifie une « gestion par activités » qui a montré de nombreux dysfonctionnements sur le terrain et largement contestée par l'ensemble des organisations syndicales.

 
Il demeure très difficile pour la direction de la SNCF d'opérer en pleine complémentarité entre activités et branches du groupe. Il est vrai que la SNCF est confrontée à la difficulté de mieux cerner ses coûts et de les justifier auprès des autorités organisatrices des transports (les conseils régionaux en province et le STIF en région francilienne).

Ces différents bouleversements s'illustrent aussi par le départ de Jean-Pierre Farandou, directeur de proximités, qui se voit propulser à la responsabilité nouvelle de directeur général délégué de l'EPIC SNCF (établissement public, donc excluant notamment Keolis).

La nouvelle mission de Jean-Pierre Farandou est notamment de « de piloter les adaptations du fonctionnement de l’établissement public SNCF, au moment où devrait se discuter une réforme du système ferroviaire français », selon la communication officielle de la SNCF, et « de dynamiser la réduction des frais de structure dans toute l’entreprise, de conduire les évolutions managériales, de régionaliser SNCF en Île-de-France et aura la responsabilité de porter des projets de développements majeurs pour le groupe SNCF, tels le projet du grand Paris ».

Le profil de Jean-Pierre Farandou présente des avantages. D'abord, il a un bon bilan dans sa tâche précédente malgré des difficultés croissantes dans le contexte de réduction des finances locales.

Ingénieur de formation, il n'est pas « financier » tout en étant très préoccupé par les questions de financement puisqu'ayant été en poste de direction à Thalys et Keolis (à Lyon avec les TCL) et en contact avec les élus par les négociations dans le cadre des conventions SNCF-Régions et STIF. Il a donc développé un important réseau auprès des élus qui reconnaissent ses capacités techniques dans les transports publics, tant urbains que ferroviaires, et ses qualités de négociateurs.
 
Côté dialogue social interne, il apparaît comme un interlocuteur dynamique par des responsables syndicaux SNCF qui ont bien perçu la nécessité d'une conduite du changement négociée face au formidable développement de la virtualisation des ventes et l'adaptation des services SNCF auprès des régions (la SNCF agissant ainsi comme « fournisseur » des collectivités régionales devant répondre à leurs besoins).

  • Le défi pour Jean-Pierre Farandou sera aussi, sur la forme,  d'éviter de passer pour le « cost-killer n° 1 » de l'entreprise publique. La SNCF risque fort de connaître les suites de la refonte du premier paquet ferroviaire européen et le projet de 4ème paquet qui devrait accentuer la libéralisation du secteur en Europe.

 
Sur le fond, les sujets importants qui seront mis sur la table des négociations avec les syndicats sont déjà connus. Il s'agit des conditions de transfert des contrats de travail en cas de changement d'opérateurs, le maintien des éléments de base du statut des cheminots actuels, le lancement d'une négociation pour une convention collective du transport régional ferroviaire de voyageurs, les parcours professionnels au sein de l'EPIC et avec les sociétés du groupe. Autant de sujets peu ou pas encore traités par la direction.

En cela, le défi professionnel du nouveau directeur général délégué de l'EPIC SNCF est une tâche qui nécessitera plus que la forme du langage cheminot sincère de Jean-Pierre Farandou. Il devra être accompagné de contreparties validées par l'autorité de tutelle : le Ministre des Transports.


Keolis, c’est 4,4 milliards d’euros de CA en 2011, avec des effectifs salariés en progression (33 250 en 2005 à + de 50 000 en 2011). C’est 30 % des voyages britanniques, deuxième transporteur en Suède, première entreprise de bus en Belgique, des contrats à Melbourne et Brisbane…

SNCF Proximités (incluant Keolis), c’est 12 milliards d’euros de CA en 2011. C’est un leader mondial dans le transport de voyageurs devant DB-Arriva, VEOLIA-Transdev et RATP.

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