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Canal+ recrute beaucoup de polytechniciens
Le « sourcing » monolithique favorise-t-il la réussite de nos entreprises ?
« Sourcing » est un terme anglo-saxon utilisé en gestion des ressources humaines pour décrire un processus d’identification de candidats correspondants aux profils recherchés par une entreprise. L’entreprise travaille alors par élimination et sélectionne des écoles ou des profils de postulants.
Cette sélection alimente une base de données, « un vivier », dans lequel la DRH est censée puiser la perle rare et répondre dans les meilleurs délais aux besoins des opérationnels.
À Canal+, cette méthode est utilisée depuis des lustres. Mais elle devient aujourd’hui pratiquement monolithique. L’effet conjugué de recrutements au compte-gouttes (économie oblige) et d’une volonté de recruter à minima des Bac+5 de grandes écoles expliquent en partie cette évolution, somme toute assez récente.
Puisque l’on recrute peu, recrutons du top partout (on a moins de chance de se tromper). Rien n'est moins sûr. À Canal+, depuis quelques années et avec une accélération ces derniers mois, les polytechniciens tiennent la corde. Ils sont parmi les plus recrutés dans tous les secteurs de la maison et à tous les niveaux.
L’École Polytechnique est l’une des plus grandes et prestigieuse écoles de la République. Napoléon Ier lui a donné son statut militaire en 1805. Les femmes n’y ont eu accès qu’en 1972.
Cette école forme avant tout des scientifiques qui irriguent tous les grands corps de l’État depuis l'origine. Mais les grandes entreprises françaises ne sont plus en reste pour recruter des polytechniciens.
En cause, un tarissement de l’offre d’emplois publics et une disponibilité accrue de compétences de haut niveau sur le marché de l'emploi. Mieux payés, positionnés souvent rapidement à des postes importants, même très jeunes, les propositions des entreprises sont souvent alléchantes.
- Finance, marketing, commercial, services clients, technique : aucun secteur de Canal+ n’échappe aujourd’hui aux polytechniciens, certainement favorisés par un effet de cooptation.
Si le recrutement de têtes bien faites et bien pleines est indispensable pour l’avenir de notre belle entreprise, il n’est pas sûr que cela suffise à répondre à l’ensemble des besoins opérationnels présents et futurs. Pour recruter de tels profils à tous les niveaux, l’entreprise est obligée d’offrir une perspective de carrière alléchante associée à une rémunération conséquente. C’est là que le bât blesse.
Cette politique de recrutement engendre parfois la frustration, l’incompréhension et parfois quelques tensions. En effet, une entreprise de 4 000 salariés comme Canal+, ne peut offrir de rapides débouchés aux trop nombreux recrutés de grandes écoles.
La proximité dans certains services et pour des postes similaires, de profils de haut (voire de très haut) niveau avec des salariés titulaires de formations plus classiques ou plus hétérogènes favorise l’émergence de tensions internes.
Plus jeunes, salaires plus élevés, responsabilités plus grandes, on peut comprendre dans certaines conditions la frustration de certaines catégories du personnel, surtout lorsque ce type de recrutement ferme toute possibilité d’évolution à court terme…
Canal+ a évidemment besoin de ces profils
La réussite de quelques uns de ces salariés recrutés dernièrement pour occuper des postes clefs a largement contribué à l’amélioration du fonctionnement de certains services.
Mais privilégier ce modèle pour tous les secteurs de l’entreprise (et à tous les niveaux) peut s'avérer contre-productif et destructeur de valeurs humaines et financières.
Sauf à mettre en œuvre le fameux principe du 3/5, 3 ans dans un poste, 5 ans dans l’entreprise... Une sottise que même leur promoteur n'arrive pas à s'appliquer pour eux mêmes.
Dans certains secteurs, la greffe prend très bien ; dans d’autres c’est parfois l’échec, la rupture, l’incompréhension, et au final un gâchis important pour tous.
Ces derniers mois, quelques-uns de ces échecs retentissants ont démontré la fragilité d’un modèle unique ou privilégié de « sourcing ».
L'échec génère également de la désorganisation et de l’incompréhension. Ces erreurs de casting coûtent cher, très cher. Ces profils sont en effet généralement « chassés » par de grands cabinets de recrutements, dont la philanthropie n’est pas la caractéristique première.
Un modèle de recrutement ne doit-il pas épouser au mieux la sociologie des clients de l’entreprise ?
Recruter des jeunes issus exclusivement de grandes écoles à tous les étages ne fait que générer une frustration qu’il sera difficile de maîtriser dans le proche avenir.
La diversité du recrutement redevient un enjeu majeur à l’heure d’une réorganisation profonde de notre groupe, à l’heure également où nous allons devoir affronter de grandes mutations technologiques, à l'heure enfin ou de nouvelles concurrences émergent...
La diversité comme gage de créativité et donc de renouveau devrait être favorisé.
L’avenir est à la diversité, la formation de très haut niveau peut être gage sans conteste d’une efficacité à la réflexion et à l’action. Mais la créativité ne se décrète pas, même dans les meilleures écoles.
Bienvenue aux polytechniciens et autres recrutés de grandes écoles. Mais bienvenue également aux universitaires, aux BTS techniques, aux créateurs de tous poils et de tous horizons. C’est avec eux, ensemble, que l'on va construire le Canal+ de demain et d'après-demain.
À l’image de Canal+, diversifions nos recrutements.