Organisations
Agir sur un projet de déménagement et d’aménagement de locaux tertiaires
Dans le cadre de sa collection de guides destinés à mieux appréhender les questions de santé et de qualité de vie au travail, Secafi publie un 10ème opus à l’attention des représentants du personnel au CHSCT, sur les actions en vue de cerner, derrière tout projet de déménagement ou d’aménagement tertiaire, les conséquences pour les salariés, en termes de conditions de travail, de prévention des risques professionnels et de relations de travail.
L’éclairage de Ludovic Ponge, ergonome européen (eur.erg.), responsable de mission chez Secafi.
Les projets de déménagements ou aménagements semblent faire partie du courant des entreprises. Pourquoi un guide sur ce sujet apparemment anodin ?
Ludovic Ponge : C’est sans doute la raison pour laquelle les acteurs de l’entreprise doivent redoubler de vigilance. C’est un vrai sujet d’actualité. Effectivement, les entreprises ont fréquemment ce type de projets mais sans prendre forcément en considération tous les enjeux qu’ils impliquent en termes de conditions de travail. Des études sont actuellement publiées sur les risques professionnels liés au travail en open-spaces. On semble seulement en mesurer les effets sur la santé alors que, depuis des années, ce type d’aménagement a été considéré comme l’alpha et l’oméga des projets de déménagement.
En publiant ce guide AGIR, réalisé grâce au travail groupé de ses experts, Secafi veut pointer que, au-delà de la problématique des locaux, se posent de réelles questions autour de la prise en compte du travail dès lors que se développent de nouvelles organisations ou de nouveaux us & coutumes liés au déménagement ou à l’aménagement des locaux, tels que cela peut l’être aujourd’hui avec les espaces dynamiques de travail ou le co-working et le desk-sharing.
Nous comprenons naturellement très bien que les entreprises font ces choix d’aménagement ou de déménagement pour des raisons très précises, non exclusives les unes des autres. Pensons ainsi à la nécessité de baisser les coûts immobiliers ou de s’inscrire dans des innovations managériales. Ce que nous notons, à notre stade d’observation et d’expertise, c’est qu’elles délaissent trop souvent le travail réel et qu’elles ne prennent qu’insuffisamment en considération les besoins liés à l’activité du travail et les moyens devant y être affectés. En cela, elles favorisent l’apparition de facteurs générateurs de risques professionnels.
Quel rôle doit être celui des représentants du personnel ?
Ludovic Ponge : Nous leur conseillons, dès connaissance du projet de déménagement ou d’aménagement, de se saisir du sujet, de ne pas attendre que la direction lance les consultations et de demander très strictement d’étaler les informations-consultations sur les différentes étapes dudit projet. Ce type de projet comprend plusieurs étapes, chacune englobant de nombreux enjeux du point de vue des conditions de travail.
Il est absolument nécessaire de négocier un calendrier de négociation qui les intègre toutes. Les instances représentatives du personnel doivent ainsi être présentes à chaque moment clef du projet. Prenons l’exemple d’un projet de déménagement dans une banque. Les élus ont obtenu la tenue d’une information-consultation à chaque étape du projet ainsi que la présence, à leurs côtés, d’un expert. Le projet s’est déroulé dans de bonnes conditions et toutes ses dimensions ont ainsi pu être discutées, analysées et argumentées par les parties en présence.
Les enjeux liés aux ambiances physiques font l’objet d’un large chapitre dans le guide AGIR. Quels sont les enjeux et problématiques ?
Il n’y a pas de lien automatique entre la certification environnementale et le fait de travailler dans de bonnes conditions. Ludovic Ponge : Il est effectivement important que le CHSCT ne se laisse pas enfermer dans des approches trop techniques qui accréditeraient l’idée que, dès que le bâtiment a obtenu toutes les certifications environnementales en bonne et due forme, le projet de déménagement et d’aménagement est acceptable en l’état. En effet, il n’y a pas de lien automatique entre la certification environnementale et le fait de travailler dans de bonnes conditions. C’est parfois même le contraire. Ainsi, vous pouvez avoir un bâtiment qui est en tout point conforme aux exigences environnementales, en termes d’acoustique, de luminosité, de confort thermique etc. et qui, au final, concentre des défauts pour la réalisation de l’activité de travail dans de bonnes conditions. Défauts non analysés, non anticipés et qui apparaissent une fois les salariés installés et confrontés aux situations de travail réel.
De fait, nous arrivons à une situation voulue par personne : la contrainte environnementale, respectée, concurrence l’approche intégrant la dimension des conditions de travail. Or, c’est en étant justement vigilant, étape après étape, en prenant en considération, dès l’amont du projet, la dimension travail que l’on peut faire concilier les différentes approches d’un projet de déménagement ou d’aménagement de locaux.
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