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25 / 01 / 2016 | 20 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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À partir de quand l’optimisation fiscale devient-elle socialement irresponsable ?

L’optimisation fiscale est légale. Elle fait donc partie du jeu mais il y a un moment où la ligne jaune est pourtant franchie. C’est ce qui a motivé les élus du CE de l'ouest parisien de McDonald’s pour déposer plainte le 17 décembre, pour blanchiment de fraude fiscale et abus de biens sociaux. Une plainte pénale déposée alors que la Commission européenne s’intéresse au modus operandi de l’enseigne, l’Europe apparaissant comme la principale zone de défiscalisation dans le monde pour les groupes transnationaux...

Le café social organisé le 19 novembre 2015 par Miroir Social, en partenariat avec OFI Asset Management, a été l’occasion de mesurer à quel point cette ligne jaune était difficile à tracer. La justice pénale peine à s’appliquer et les sanctions financières sont rares.

Évaluation ISR globale

« Une optimisation fiscale hors normes va souvent de pair avec d’autres indicateurs qui dysfonctionnent sur la conduite des affaires mais aussi sur le volet social. Notre évaluation est globale », explique Hélène Canolle, responsable du développement de l’ISR chez Ofi Asset Management où deux tiers des encours sont gérés en intégrant des critères ISR (investissement socialement responsable). « Ce sont les extrêmes que nous regardons de près, notamment en mesurant les écarts entre les taux d’imposition théoriques et réels. Nous croisons cela avec l’analyse des controverses qui sont susceptibles de se développer », précise Hélène Canolle.

Alors qu'une étude de l’agence MSCI révèle que 22 % des entreprises présentent des écarts de plus de 10 % par rapport aux taux d’imposition théoriques des pays, les gestionnaires de fonds ne manquent pas d’analyser les opportunités mais aussi les risques liés à l’optimisation fiscale. « Une optimisation fiscale généralisée au sein d’un groupe expose à un retournement soudain des États qui vont finir par voir à quel point cette tolérance détruit la valeur des services publics. L’argument qui consiste à dire que cela participe à la création directe d’emplois ne tient pas car cela en détruit bien plus indirectement », considère Philippe Soubirous, administrateur Prefon, qui gère 15 milliards d'euros d’actifs au titre des retraites supplémentaires des fonctionnaires et membre du RAIR regroupant des administrateurs d’institutions de retraite du secteur public et du secteur privé. Des fonds qui intègrent l’ISR comme levier de pilotage.

Industrie de l’évitement fiscal

Pour Jacques Fabre, administrateur de Transparency International France, l’association de lutte contre la corruption et l’opacité financière, « il y a une industrie de l’évitement fiscal d’autant plus florissante que le cadre est totalement inadapté. Le dernier rapport de l’OCDE sur le sujet recense 300 pratiques agressives au fil de ses 2 000 pages. La seule limite consiste à justifier que l’objectif n’est pas à 100 % fiscal ».

Pas facile pour l’administration fiscale de redresser les directions qui fixent par exemple des prix de transfert intra-groupes sans prise avec la réalité des chaînes de valeur. Des transferts intra-groupes qui représentent pas moins de 50 % du commerce international… Il s’agit en effet de comparer ces prix de transfert avec des activités comparables alors que les directions financières s’emploient à compliquer l’exercice comparatif.

« La documentation sur les prix de transfert est obligatoire depuis trois ans. C’est un levier important pour démontrer en quoi cela peut alimenter des montages financiers au sein des groupes totalement déconnectés de la réalité. Cela va concrètement se traduire par le non-versement de la participation et réduire encore plus les marges de manœuvre dans le cadre des négociations sur les salaires. Des prix de transfert injustifiés qui permettent à des directions de dire aux salariés que certaines activités ne rapportent pas assez. Pratiquée de la sorte, l’optimisation fiscale contribue à mettre les salariés sous pression. Cela va à l’encontre de la prévention en matière de santé au travail », explique Jean-Pierre Laporte, expert comptable chez Syndex, qui accompagne les représentants du personnel pour qu’ils comprennent comment intervenir sur un sujet aussi complexe dans lequel ils sont souvent mal à l’aise car ils ne cessent pas de scier la branche sur laquelle ils sont assises. Un sujet qui pose pourtant une question de fond : celle du partage de la valeur ajoutée.

Atteinte à la réputation

« C’est par la pression publique que l’on infléchira des pratiques immorales qui ont de graves conséquences sur les finances publiques et la redistribution de la valeur ajoutée aux salariés », estime Jacques Fabre, qui veut croire à une future taxation mondiale en mode matricielle. À noter que Transparence International plaide en toute logique pour que les contrôles fiscaux aient une dimension publique et que les employeurs soient contraints à un reporting fiscal par pays tout aussi public. Une mesure finalement retoquée par les députés le 15 décembre dernier...

C’est bien l’image de McDonald’s qui est touchée par la campagne « unhappy meal » orchestrée par une coalition de syndicats européens et américains qui considère, rapport à l’appui, que le système d’évitement fiscal mis en place aurait permis d’éviter de payer en Europe plus d’un milliard d’euros en impôt sur les sociétés au cours de la période 2009- 2013.

 

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