À la MGEFI, les salariés sont les acteurs du changement
Pas question de s’endormir même si la MGEFI (Mutuelle générale de l’économie, des finances et de l’industrie), la mutuelle référencée auprès des agents des ministères économique et financier recueille encore l’adhésion de 90 % du personnel. Limiter au maximum le taux de démission de ses adhérents, c’est la priorité de la direction. Un objectif stratégique au vu de la baisse des effectifs dans les ministères et de la moyenne d’âge très élevée des 280 000 adhérents.
- Une solution pour y parvenir : améliorer la qualité du service en modifiant les pratiques des salariés avec une bonne dose de formation et d’échange.
Les 250 salariés vivent ainsi au rythme d’un changement permanent depuis la création de MGEFI en 2008, à la suite de fusion de 7 mutuelles historiques des ministères. Ce n’était pourtant pas dans les habitudes d’un personnel dont les organisations n’avaient quasiment pas évolué depuis leur création... Quelles ont donc été les clefs pour les rendre acteurs de ces changements ?
La confiance
La direction a d’abord pris le temps d’expliquer à tous les salariés les risques pour les emplois si la mutuelle continuait à ne pas bouger au regard des données démographiques sur les adhérents et du développement à venir de la concurrence. Une direction qui s’est aussi employée à valoriser les atouts d’une mutuelle qui entretient une relation de proximité avec ses adhérents au travers d'un réseau de 120 conseillers mutualistes en poste au sein même des établissements des ministères, tandis que l’ensemble du personnel partage la culture d’une « mission sociale ».
- Le message était clair : personne ne serait laissé de côté dans les changements induits par une stratégie qui allait se traduire par la réorganisation de tous les services, la disparition de certains postes, la création de nouveaux... Le changement étant annoncé comme une opportunité.
Un message étayé par une fusion qui s’est déroulée, sans PSE avec une nouvelle classification des emplois plus intéressante que celle de la convention collective. Les conditions de la confiance étaient réunies.
« Cette confiance est fragile. Il faut sans cesse l’entretenir », rappelle Antoine Catinchi, le directeur général de la MGEFI. « Les salariés ont eu peur quand la direction a annoncé une refonte de toute la ligne métier en janvier 2011. Cela nous semblait être un projet très ambitieux. Mais nous y avons adhéré en nous rendant compte que ce changement était nécessaire pour l'entreprise », déclare Valérie Da Silva, déléguée syndicale FO et représentante des salariés au conseil d’administration de la mutuelle. Le projet en question, baptisé Lotti, est en route depuis octobre 2011. Il s’est notamment traduit par la promotion interne d’une vingtaine de salariés au sein d’un nouveau pôle d’expertise au service des conseillers. Un projet primé par un prix de l’innovation en management RH décerné en novembre dernier par le magazine L’Argus de l’assurance. Une preuve que des salariés avec une forte ancienneté qui avaient perdu l’habitude de se former pouvaient malgré tout développer leur employabilité avec une valorisation salariale à la clef.
Écouter pour agir
« Au début, beaucoup pensaient que ces groupes n’étaient que de l’habillage », Antoine Catinchi
Les enjeux sont d’autant mieux partagés que l’ensemble du personnel est invité à prend part à la déclinaison opérationnelle des objectifs définis par la direction. Un mode de management participatif qui s’illustre au travers des groupes de droit d’expression. Ils se tiennent chaque semestre dans chacun des services. L’occasion de parler métiers d'autant plus en toute confiance que les managers ne participent pas à ces groupes autogérés qui font remonter leurs questions à la direction qui y répond par écrit. Une remise à l’honneur d’un droit, issu des lois Auroux de 1982 et rapidement tombé en désuétude. « Au début, beaucoup pensaient que ces groupes n’étaient que de l’habillage. La donne a changé lorsqu’ils se sont rendus compte que certaines des remarques étaient prises en compte et que nous répondions avec des arguments à toutes les questions. Les salariés se sentent désormais à l’aise pour faire remonter les dysfonctionnements alors qu’auparavant, il ne fallait surtout pas parler des problèmes », souligne Antoine Catinchi. Les managers ont à leur tour réclamé le droit d’avoir eux aussi un droit d’expression. « La direction répond exclusivement aux questions sur les métiers. Les 25 % de questions qui relèvent des prérogatives des délégués du personnel et des institutions représentatives du personnel sont adressées au CE », explique Basma Deon, DRH de la MGEFI. Les syndicats apprécient d’autant plus une démarche qui « permet de faire remonter des questions que les salariés n’auraient pas posé dans le cadre du circuit classique des délégués du personnel », affirme Valérie Da Silva.
Efficacité économique, efficacité sociale
À charge pour les managers de se montrer à l’écoute de leur équipe pour éviter de « se prendre des questions qui fâchent en droit d’expression » alors que la direction cherche à capter au maximum les informations du terrain pour co-construire sa stratégie. Une culture de l’échange qui peut être perçue comme une perte de temps dans des entreprises fonctionnant à court terme sur des objectifs uniquement financiers. « C’est au contraire une façon d’en gagner. Lors des réunions de CE par exemple, les sujets sont parfaitement clairs pour tout le monde. Nous sommes convaincus qu'il n’y a pas de performances économiques sans performances sociales », affirme Antoine Catinchi.
- En 2011, 39 % des demandes de démissions des adhérents ont été rattrapées.
Un succès porté par un personnel qui s’engage aujourd’hui dans une démarche de certification qualité tout en se préparant à intégrer un groupe. Voilà une société où la notion de DRH stratégique n’est pas qu’un concept. Car c’est bien sur le tandem formé par la direction générale et la DRH que s’appuie cette démarche du changement permanent. Pas moins de 13 projets sont au programme de l'année 2012.
La confiance ne se décrète pas
Preuve que la confiance est fragile, la DRH de l’AFPA qui devait intervenir lors de ce « café social » s’est désistée au dernier moment sous prétexte qu’une prise de parole sur le thème du changement à la veille d’une élection présidentielle n’était pas opportune. Il faut dire que le passage d’une culture de la gestion de la subvention publique à une culture de l’appel d’offres et du service représente une rupture pour les 9 700 salariés de l’association. Les syndicats ne contestent pas la nécessité pour l’AFPA d’évoluer mais c’est dans les moyens dévolus que la confiance ne suit pas. L’association s’est pourtant employée à imprégner les salariés du sens de la révolution en marche. Au travers par exemple d’une journée de formation obligatoire pour tous les salariés aux incidences de la nouvelle stratégie dans le cadre d’une opération baptisée « Afp’attitude ».
Transfiguration
Chez Nexter, ex-Giat, ex-Arsenal d’État, on est passé de 14 000 salariés à 2 600 en plus de 20 ans. Une transfiguration vécue depuis le début par Daniel Coutaudier, le délégué syndical central CFDT qui intervenait à l’occasion de ce « café social ». En 1990, l’Arsenal d’État devient une société de droit privé, baptisé Giat, où vont s’enchaîner les plans sociaux. En 2007, Giat devient Nexter et intègre la logique de la filialisation de ses activités.
« Les syndicats n’ont pas le monopole du travail en commun », Daniel Coutaudier
Depuis 18 mois, la direction joue la carte du participatif. Les salariés sont ainsi invités à rejoindre des groupes de travail. « Certains sont orientés sur les métiers et nous y sommes très vigilants car c’est exclusivement les gains de productivité sous-tendus par une démarche de lean management qui sont recherchés », explique Daniel Coutaudier. Des groupes où les cadres se mélangent aux non-cadres et qui s’ouvrent, en amont des négociations, sur des sujets comme les seniors, l’égalité professionnelle ou encore la pénibilité. « Cela ne nous dérange pas. Nous y participons pour prendre le pouls. Les syndicats n’ont pas le monopole du travail en commun mais nous nous réservons bien entendu le droit d’avoir une position différente de celle d’un groupe qui peut parfois présenter des biais corporatiste », estime Daniel Coutaudier. Voilà en tout cas une entreprise, autrefois moribonde, qui se porte aujourd’hui très bien économiquement en redistribuant de la participation et de l’intéressement. Et Daniel Coutaudier de conclure : « désormais, les salariés savent pourquoi ils vont au travail. Chacun a des objectifs individuels qui se traduisent par une intensification du travail que nous surveillons de près. Nous ne demandons pas le droit de décider de la stratégie mais à tout le moins le droit de la discuter pour que les salariés ne soient pas juste invités à échanger sur ses conséquences dans les groupes de travail ».