Organisations
Représentativité : encore et toujours de nouveaux arrêts
Par plusieurs arrêts du 14 décembre 2010, la chambre sociale de la Cour de Cassation précise l’application des dispositions de la loi du 20 août 2008 concernant les droits syndicaux.
Ces éclairages lèvent une partie des doutes existant sur les différentes interprétations possibles de la loi.
L’appréciation de l’audience requise pour désigner un délégué syndical d’établissement se fait au niveau de ce même établissement (n° 10-14.751)
La désignation d’un délégué syndical suppose désormais un double critère d’audience : celle du syndicat et celle du candidat. Le seuil est de 10 % des voix au premier tour de l'élection du comité d’entreprise (article L. 2122-1). Dans ce premier arrêt, la Cour précise que le fait de nommer un délégué syndical d’établissement suppose d’apprécier ce critère de dix pour cent au sein de ce même établissement.
Un syndicat ayant atteint ce seuil de 10 % au niveau de l’entreprise ne pourra pas nommer de délégué syndical dans les établissements où l’audience syndicale est en dessous du seuil ; à l’inverse, un syndicat dont l’audience est sous les 10 % dans l’entreprise pourra toutefois nommer un délégué syndical d’établissement dans ceux où il atteindra le seuil.
- Il existe ainsi une concordance entre le seuil d’appréciation de l’audience et le niveau de désignation : la désignation d’un délégué pour une entité suppose l’appréciation de l’audience dans cette même entité (établissement comme entreprise ou branche).
L’audience à l'élection des délégués du personnel, prise en compte uniquement en l’absence totale d’élection au comité d’entreprise (n° 10-60.221)
Dans un arrêt précédent (13 juillet 2010, n° 10-60.148), la chambre sociale avait déjà écarté la prise en compte de l’audience à l'élection des délégués du personnel, alors qu’aucun candidat ne s’était présenté à l'élection du comité d’entreprise. Ce faisant, elle interprétait très restrictivement l’article L. 2122-1 du code. La Cour poursuit ce chemin en déclarant que « l’audience recueillie par les organisations syndicales aux élections des délégués du personnel ne peut être prise en compte, pour apprécier leur représentativité, que s’il ne s’est pas tenu dans l’entreprise d’élection au comité d’entreprise ou d’établissement ».
Cet article L. 2122-1 voit ainsi la possibilité alternative qu’il ouvrait (mesurer l’audience au premier tour de l’élection des délégués du personnel) extrêmement réduite. En l’espèce, l'élection pour le comité d’entreprise s’étaient déroulée au sein de l’entreprise, et pour les délégués du personnel au sein des établissements distincts. Même pour la désignation d’un délégué syndical d’établissement, la représentativité s’apprécie au niveau du comité d’entreprise lorsqu’il n’existe pas de comité d’établissement.
Une section syndicale : un seul représentant de section (n° 10-60263)
L’article L. 2142-1-1 règle les conditions de désignation du représentant de la section syndicale. La Cour interprète strictement cet article et n’établit pas de parallélisme avec la désignation du délégué syndical (il est en effet possible de nommer plusieurs délégués syndicaux, sous condition d’effectifs : cf. L. 2143-12 et R. 2143-2 du Code du Travail). Désormais, il est clair qu’une même section syndicale ne peut nommer qu’un seul représentant dans l’entreprise ou l’établissement où elle est constituée, quels que soient ses effectifs.
La possibilité de prouver l’existence de la section syndicale sans révéler à l’employeur le nom des adhérents (n° 10-60.137)
Dans cet arrêt, la Cour apporte la possibilité bienvenue de préserver l’anonymat des adhérents du syndicat. Si l’employeur venait à contester l’existence de la section syndicale, il reviendrait à la partie adverse à l’instance de prouver l’existence de la section. Or, la section syndicale suppose, selon l’article L. 2124-2 du Code du Travail, « plusieurs adhérents ». C’est le moyen de preuve des adhérents que vient préciser l'un des arrêts du 14 décembre.
D’abord, la Cour rappelle que « plusieurs » signifie deux au minimum ; en première instance, il avait au contraire été déclaré la nécessité de trois adhérents au moins. La chambre sociale maintient donc une interprétation simple de la nécessaire pluralité d’adhérents (soc., 8 juillet 2009, n° 09-60.011).
D’autre part, confirmation de l’arrêt du 8 juillet 2009 précité, la Cour concilie respect de la volonté d’anonymat des adhérents et nécessité de prouver leur adhésion au syndicat. « Lorsqu’un syndicat fait valoir que des salariés s’opposent à la révélation de leur adhésion, il appartient au juge d’aménager la règle du contradictoire », qui est celle de l’article 9 du code de procédure civile.
- Il est donc possible de demander au juge de ne pas communiquer à l’employeur les noms des adhérents qui lui sont révélés !