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27 / 11 / 2009 | 7 vues
Sébastien Crozier / Abonné
Articles : 37
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Pourquoi la CFE-CGC Unsa de France Télécom Orange refuse de signer l'accord « Seniors » ?

France Télécom a annoncé le 26 novembre la signature d’un accord sur l’emploi des seniors. Conforme à la nouvelle loi de financement de la Sécurité sociale, dont les décrets d'application sont parus en mai 2009, c’est plutôt un bon accord pour maintenir les seniors dans l'emploi.

Cependant, la CFE-CGC/UNSA, après une analyse fine, a décidé de ne pas le signer. En effet, la clause de Temps Partiel Seniors, très attendue par les personnels victimes du malaise social chez France Télécom, s'avère très décevante. Elle ne vise que les personnels dont l'entreprise veut se débarrasser : les fonctionnaires non cadres, et ouvre la porte à de nouvelles mesures de restructuration, sous-traitance et délocalisations.

On notera que Sud, qui copilote avec la CFE-CGC/UNSA l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées à France Télécom, ne signe pas non plus. Sans doute ces deux organisations, mieux au fait des causes du malaise social dans l’entreprise et des attentes des personnels, grâce aux enquêtes et analyses menées depuis bientôt 3 ans, sont plus clairvoyantes.

Un accord opaque et flou, destiné à favoriser des départs ciblés, choisis par l’entreprise et non par les personnels

L'entrée dans le dispositif dépendra en premier lieu de l'accord du manager !
La clause de Temps Partiel Seniors devait permettre un départ « en douceur » et dans des conditions financières dignes, des personnels les plus éprouvés par la crise sociale de France Télécom : les fonctionnaires non-cadres les plus âgés, dont l'entreprise souhaite se débarrasser, et qu'elle a malmenés depuis plusieurs années, car elle ne peut les licencier. Pour arrêter cette maltraitance, il est donc préférable de laisser partir les personnels qui le souhaitent… Et les enquêtes de l’Observatoire du Stress montrent qu’ils sont nombreux.

Dans les faits, cette clause de Temps Partiel Seniors s'avère d'une réelle complexité, et sa mise en œuvre relèvera de la négociation individuelle, et non de règles claires permettant à chacun d'identifier s'il est ou non éligible et dans quelles conditions, comme on est en droit de les attendre dans un accord soumis à l'approbation des organisations syndicales, qui, rappelons le, s'engagent alors dans sa mise en œuvre effective. Or, l'entrée dans le dispositif dépendra en premier lieu de l'accord du manager !

  • Pour accentuer le trouble, en parallèle de l'accord et à deux jours de sa signature, la direction a annoncé une décision unilatérale, lui permettant d'accorder des mesures financières individuelles, entre 0 et 24 mois de salaire, en accompagnement de parcours de mobilités ou de départs de l'entreprise.

Nous ne sommes donc plus en présence d'un accord contractuel en bonne et due forme, mais dans un dispositif destiné à favoriser des départs négociés au bon vouloir de la direction.

Restructurations, fermetures de sites, sous-traitance et délocalisations en perspective


Les 1 500 embauches promises pour compenser les 6 000 (?) départs envisagés dans le cadre du Temps Partiel Seniors (soit le remplacement d'un salarié sur quatre entrés dans le dispositif) seront invérifiables. Si l'accord exclut clairement du comptage les recrutements annoncés dans le cadre des négociations sur le stress, il ne mentionne pas les engagements déjà pris par l'entreprise pour l'embauche de travailleurs handicapés, d'apprentis et sur les métiers prioritaires. Il lui sera donc facile de faire des amalgames ou des substitutions… D’autant qu’elle ne fournit pas de suivi détaillé des embauches dans ses rapports sociaux.

Or, l'analyse fine du Temps Partiel Seniors met en évidence un ciblage caractérisé des mesures en direction des fonctionnaires non-cadres, travaillant sur les plateaux d'appels de service clients, ou techniciens d'intervention chez les clients. En organisant le départ massif dans ces métiers, sans garantir le remplacement des effectifs nécessaires à leur bon fonctionnement, la direction aura beau jeu de rappeler qu'il est nécessaire de procéder à des réorganisations et fermetures de sites.

  • La CFE-CGC/Unsa ne veut pas cautionner de nouvelles mesures de restructuration, sous-traitance et délocalisations, qui détruisent des milliers d'emplois dans l'entreprise et malmènent ceux qui restent.

1 milliard de « provision sociale » dans les comptes 2009 : une annonce indécente !


Lors de la présentation des résultats du T3, la direction financière a annoncé  une « provision sociale » de 1 milliard d'euros sur 2009. Interrogée dans le cadre de l'accord Seniors, l'entreprise ne répond pas sur son emploi. Elle communique en revanche, au lendemain de la signature, en direction des investisseurs et de la presse financière uniquement, sur un montant de 700 millions d’euros, dont 600 millions en 2009, spécifiquement dédiés au Temps Partiel Seniors. Ces chiffres sont bien au-delà des hypothèses que nous avons pu calculer pour la mise en œuvre de la clause « Temps Partiel Seniors ».

L'annonce de cette provision pourrait donc servir à masquer de mauvais résultats opérationnels en fin d'année, et à en faire « porter le chapeau » à la crise sociale, et donc aux salariés français, alors même que ce sont eux qui génèrent les résultats positifs du groupe !

La CFE-CGC/Unsa refuse que les personnels portent la responsabilité d'une crise ouverte par les errements de la direction... Sans bénéficier par ailleurs des financements annoncés pour améliorer l'embauche et les conditions de travail.

D’importantes pertes de revenus pour les cadres


En dépit de des provisions conséquentes annoncées par la direction de France Télécom, et des principes énoncés dans l’accord, les simulations que nous avons pu réalisés, et l’éclairage apporté par la mise en œuvre du précédent accord sur les fins de carrières, le CFC (Congé de Fin de Carrière), montrent que les cadres qui choisiraient d’entrer dans le dispositif ne bénéficieront jamais ni de la rémunération annoncée de 80 % pour la période à temps partiel, ni au final d’une retraite équivalente à celle qu’ils auraient touchée s’ils étaient restés en activité plein temps jusqu’à la retraite effective.

  • La CFE-CGC/Unsa ne peut donc cautionner un dispositif qui lèse plus spécifiquement les catégories de personnels qui constituent sa base historique.

La loyauté de la direction en question


La CFE-CGC/Unsa est entrée dans la négociation de cet accord avec un a priori positif, étayé par les nombreuses avancées obtenues par ses représentants au fil des séances de négociation, et se montrait donc plutôt favorable à une signature.

  • Les calculs fins de simulation, on l’a vu, l’ont amenée à décrypter le ciblage (non explicite, mais bien réel) des mesures de Temps Partiel Seniors, et les désillusions que leur mise en œuvre ne manquera pas de provoquer pour les personnels qui souhaiteront entrer dans le dispositif.

Les comportements de la direction en fin de négociation ont achevé de nous mettre « la puce à l’oreille » 

  • Une mesure d’exclusion du Temps Partiel Senior est annoncée à la dernière séance de négociation, et la décision unilatérale de mesures financières (primes de mobilité ou de départ) est communiquée après cette dernière séance.
  • La direction ne laisse qu’un délai très court aux organisations pour décider de leur signature (alors que l’accord est complexe, rappelons-le) et refuse notamment d’entendre la demande de la CFE-CGC/Unsa, qui souhaite disposer des premiers retours de l’enquête Technologia, afin d’éclairer les choix de tous sur les attentes des populations ciblées par l’accord. 
  • L’absence de réponse à nos questions sur l’emploi des provisions financières, qui n’ont jamais été discutées avec les organisations syndicales, mais uniquement annoncée à la presse financière, en parallèle ou après la signature de l’accord.
Au final, tout laisse à penser que la direction de l’entreprise, très perturbée par la crise sociale particulièrement violente qu’elle connaît depuis l’été, et pressée par le gouvernement de redresser la barre, a privilégié l’opportunité d’annoncer aux médias qu’elle était capable de retrouver le chemin du dialogue social, au détriment d’un travail de fond, pourtant bien nécessaire dans l’entreprise.

Le directeur des ressources humaines du groupe France Télécom-Orange déclare d’ailleurs dans le communiqué de presse annonçant la signature : « Cet accord revêt une importance particulière car il témoigne d’un dialogue social rénové et s’inscrit pleinement dans la dynamique de refondation du groupe ».

Nous n’en sommes malheureusement pas convaincus. C’est pourquoi la CFE-CGC/Unsa n’a pas signé, et se battra sur le terrain pour défendre les intérêts réels des personnels tout au long de sa mise en œuvre.
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