Responsabilité des gestionnaires publics: Y a-t-il un pilote dans l'avion ?
Depuis 2 ans, ce sont au mieux des paroles cotonneuses sur les bienfaits de la RGP (responsabilité des gestionnaires publics) et au pire, des mensonges graves laissant croire qu’aucun agent non comptable de la DGFiP ne serait condamné devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes, ou encore que la protection fonctionnelle s’appliquerait en cas de mise en cause d’un agent DGFiP.
AGENTS A, B OU C : LA RUE CAMBON VOUS A DANS LE COLLIMATEUR
La réalité est tout autre :
- deux inspecteurs des finances publiques (un adjoint Paierie départementale et une évaluatrice domaine) et une inspectrice principale de la DNID tous non comptables condamnés en 1ère instance ;
- une protection fonctionnelle qui ne s’applique pas à la RGP (note de la Secrétaire générale du gouvernement (SGG) du 2/4/2024).
Tout ce que nous disions depuis 2 ans sur la possibilité d’une mise en cause de tout agent public de catégorie A, B ou C dans le cadre de la RGP s’est malheureusement avéré exact. Des agents de catégorie C et B se sont même vus sommés de répondre à des questionnaires de la Cour des comptes en présentiel rue Cambon lors de phases d’instruction. Il faut bien garder à l’esprit qu’au delà de la gestion publique (SGC, Trésoreries spécialisées, CBCM) un spectre très large de métiers sont possiblement impactés, du pôle fiscal (direction, SIE, SIP, PRS...) aux fonctions transverses et même au domaine.
UNE EX-PILOTE DE CHASSE À LA RESCOUSSE DE LA RGP !
Et que fait notre directrice générale ?
Elle en appelle, lors d’une convention des cadres à Evry (91), à l’armée de l’air pour vendre cette réforme de plus en plus controversée en faisant intervenir sur la gestion des risques (!) une ex-pilote de chasse et ancienne cheffe d’escadrille.
On est en droit de se poser la question de sav
oir s’il y a eu un pilote dans l’avion lorsque cette réforme et ses conséquences sur les agents publics (au 1er rang desquels les agents de la DGFiP) a été pensée ?
Toujours dans la métaphore aérienne, est-ce à cause des attaques en piqué des pilotes de chasse de la rue Cambon sur les agents de tout grade de la DGFiP que Mme Verdier s’est crue obligée d’apprendre leur tactique ?
Il est vrai que la sienne en matière de RGP frise le néant.
- la circulaire du Secrétariat général de Bercy, en déclinaison ministérielle de la note SGG du 2/4/2024 rappelant la non-applicabilité de la protection fonctionnelle à la RGP est « en cours », selon la DG ;
- la circulaire co-rédigée Mission Responsabilité Doctrine Contrôle Interne Comptables (MRD- DERNIÈRE MINUTE ! CIC)/Bureau des affaires juridiques et du contentieux (évoquée en JE du 5/12/2024) à l’attention des agents de la DGFiP pour les assister dans les cas de mise en cause par la Cour des comptes est « en cours d’élaboration ».
Les agents n’attendent plus rien de ces discours lénifiants, ils veulent désormais des actes ! F.O.-DGFiP exige que :
- la DGFiP se dote de tous les moyens, fussent-ils législatifs ou réglementaires, afin que les personnels puissent se prémunir contre le risque d’être condamnés par la Cour des comptes à payer une amende non assurable et non rémissible et à subir des frais d’avocat se chiffrant en milliers d’euros en dehors de toute protection fonctionnelle ;
- la DGFiP, administration financière de l’État, doit donc faire évoluer le régime de la protection fonctionnelle, axé sur les agents « victimes » pour y intégrer les agents publics prétendument « coupables » mis en cause par la Cour des comptes ;
- la DGFiP doit en parallèle réfléchir à une protection de ses agents par un système de contrat groupe (à l’instar de ce qui se fait en protection sociale complémentaire) ;
- le régime indemnitaire des agents de la DGFiP, déjà très largement lacunaire et injustifiable, doit clairement évoluer pour intégrer ce risque RGP.
- la MRDCIC ( Mission Responsabilité, Doctrine et. Contrôle Interne Comptables) communique et élabore un dispositif de soutien réel aux agents dès la phase de l’instruction et tout au long de la procédure ;
- la DGFiP précise les modalités de prise en charge par l’État de la réparation du préjudice subi par la collectivité (l’article 173-2 du décret GBCP du 7/11/2012 mentionnant que « les déficits peuvent être pris en charge par l’État ») ;
- Qu’aucun agent (sauf action délictuelle) ne soit inquiété dans le cadre d’une action en réparation du préjudice initiée par la collectivité ;
- la DGFiP n’actionne pas de sanction disciplinaire (volet dit de la responsabilité managériale) à l’encontre de l’agent mis en cause.
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Dans un arrêt (29 janv. 2025, n°497840), le Conseil d’État considère que l’agent public poursuivi devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes n’est pas fondé à se prévaloir de la protection fonctionnelle de son employeur.
Le CE estime que les amendes infligées aux justiciables de la Cour des comptes pour diverses infractions (infraction aux règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses, échec à une procédure de mandatement d’office, octroi d’avantage injustifié à autrui, etc.) n’ont pas le caractère d’une sanction pénale et n’ouvrent pas droit, ipso facto, à la protection instituée par loi.
Le principe général du droit à la protection fonctionnelle publique n’impose pas à la collectivité publique de lui accorder une protection. Cela étant dit, le juge ne ferme pas complètement la porte : il souligne qu’« il est toujours loisible à l’administration de lui apporter un soutien, notamment par un appui juridique, technique ou humain dans la préparation de sa défense ».
Entre absence d’obligation de protéger l’agent d’une part, et reconnaissance d’une possibilité de soutenir l’agent d’autre part, c’est bien la collectivité publique qui garde la main sur ce droit à être protégé.
L’heure est grave pour les collègues mis en cause. Les avocats refusent aujourd’hui à se faire payer leurs honoraires lorsqu’ils sont intervenus dans les affaires en lien avec la RGP (risque de recel de détournement de fonds publics) et cela fait donc peser la charge financière des instances sur les épaules de leurs clients. Ils ont compris que leurs clients ne feraient pas appel ou se désisteraient.
Notre organisation syndicale estime que la directrice générale,
- ne doit pas laisser les agents mis en cause dans ces situations régler plusieurs dizaines de milliers d’Euros à leurs avocats.
- et qu'elle doit saisir immédiatement le ministre pour revoir ce système de protection fonctionnelle totalement dépassé depuis la création de la RGP.
NDLR:
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2025-01-28/46968
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2025-01-29/497840