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18 / 11 / 2020 | 265 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Réforme des juridictions financières : Pierre Moscovici lance un chantier particulièrement sensible

Ce dossier a déjà été ouvert ces dernières années par Philippe Séguin qui souhaitait engager une réforme d’ampleur, tant sur l'évolution des missions que sur l'organisation des juridictions financières mais il s’était heurté à de sérieuses résistances à tous les niveaux. Il faut dire, qu'au-delà des vives critiques sur la méthode, ses projets furent également largement perturbés par la crise financière en 2008-2009 et ses conséquences sur les priorités politiques de l'époque. Le processus fut "remisé" après son départ début 2010, sans que le sujet soit véritablement remis à l'ordre du jour par son successeur.
 

Mais, à peine nommé à la tête de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici a donné le ton sur ses intentions, en annonçant sa volonté d'engager une nouvelle démarche de réforme sur les missions et l'organisation de la Cour et des Chambres territoriales des comptes.

 

C'est ainsi que, le Premier Président, dans un courriel adressé le 28 juillet à tous les personnels des juridictions financières, a tenu à préciser ses objectifs et la manière dont il entendait mener son projet de réforme baptisé "JF 2025», donnant d'une certaine manière le calendrier de sa mise en œuvre...

 

Il considère que dans le contexte de crises diverses traversées, "il est temps d’écrire une nouvelle page de l’histoire de l’institution” et il propose d'engager avec tous les acteurs concernés  "une réflexion stratégique sur l'avenir des juridictions financières"

 

Dans le mail en question, il ajoute  que “la crise économique et sociale qui s’annonce nous place face au défi de la soutenabilité de la dette publique, de la qualité de la dépense publique et de la confiance de nos concitoyens”. 

 

Sur la méthode, il entend s'appuyer sur les remontées du terrain, l'expérience de chacun, et mener un dialogue social ouvert et transparent afin de construire un projet "débouchant sur des améliorations concrètes."

 

C’est l’ébullition rue Cambon et dans les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC).
La réflexion a d'ores et déjà été lancée autour de 3 grandes questions :

 

  • Comment être plus utiles aux citoyens et aux pouvoirs publics ?
  • Plus en lien avec la décision politique et économique ?
  • Plus proches de nos partenaires européens et internationaux ?

 

Bien évidemment, cette annonce a suscité une certaine ébullition rue Cambon et dans les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC). A l'occasion des rencontres organisées en septembre les organisations syndicales ont pu faire état de leurs premières observations et des préoccupations des personnels.
 

Le Premier président a lancé dès l’été une vaste consultation de tous les personnels des juridictions financières qui a duré jusqu’en septembre et dont il faudra tirer les enseignements car, plus de 70 % des 1 800 destinataires ont semble-t-il tenu à répondre au questionnaire, ce qui témoigne d'une réelle volonté de s’exprimer sur ce sujet pour le moins très sensible.
 

Parallèlement, ces deux derniers mois, ce sont les différents acteurs concernés (organismes contrôlés, élus locaux, Parlementaires.)  qui ont été consultés  pour donner leur avis sur la nature des contrôles, la fréquence, les méthodes, ... Un questionnaire aux organismes contrôlés a été envoyé fin septembre à plus de 2 000 ordonnateurs et comptables publics qui ont fait l’objet d’un contrôle de la Cour ou des CRTC (clôturé depuis) entre 2019 et 2020. Les résultats permettront de mieux cerner les attentes et les besoins des organismes contrôlés, ainsi que leur perception de la qualité du dialogue avec les juridictions.
 

Dans le même temps, un comité de coordination ( "C10" ) et six ateliers thématiques réunissant plus de 170 personnes ont été installés et se sont mis au travail. La Cour des Comptes rend régulièrement compte de l'avancée des travaux dans un bulletin interne.

Premiers retours des ateliers

 
Le Comité s’est notamment entretenu avec l’association des magistrats de la Cour, le syndicat des juridictions financières (SJF), le SNPC-FO, l’Unsa, la CFDT, et la présidente de la mission d’inspection des CRTC. Il a également adressé un questionnaire complémentaire aux personnels de contrôle et aux greffes des CRTC, pour recueillir leur analyse des processus de production des rapports.

L’atelier 1 : « être une juridiction financière : garantir les enjeux de responsabilité et les impératifs de probité » a organisé des tables rondes avec les présidents des sections contentieuses de la Cour, des magistrats du Parquet et des rapporteurs de contrôles ayant donné lieu à déféré devant la CDBF, et des rapporteurs de contrôles ayant donné lieu à des transmissions au juge judiciaire. Ces auditions se poursuivent. L’atelier a également bénéficié de l’éclairage du SJF et de l’association des magistrats. Enfin, l’atelier a commencé à consulter des parties prenantes externes (associations de comptables, assurance mutuelle des fonctionnaires).

 

L’atelier 2 : « accompagner et éclairer la décision et la transformation de l’action publique » s’est réuni chaque lundi pour aborder le sujet de la programmation, des méthodes de travail et des compétences, des recommandations, ou encore du rôle que pourrait jouer la Cour en amont des décisions publiques. Ses travaux ont été alimentés par de nombreux entretiens avec des membres des JF, des directeurs et secrétaires généraux d’administrations centrales, des administrateurs territoriaux et des acteurs de l’action publique territoriale, sans oublier les contributions envoyées par les différentes instances des JF.

 

L’atelier 3 : « la place et le rôle des juridictions financières au plan territorial ». L’objectif des animateurs : échanger pour définir les modalités d’un travail en commun plus efficace.
 

L’atelier 4 : « la place et le rôle des juridictions financières au plan européen et international ») a auditionné de grands témoins venant de différents horizons. La richesse des profils auditionnés, tant internes qu’externes aux JF, a déjà permis à l’atelier d’identifier plusieurs freins à la portée européenne et internationale de nos travaux, et de tracer les premières pistes d’évolution.
 

L’atelier 5 : « développer les capacités prospectives et quantitatives des juridictions financières pour conforter nos travaux d’évaluation » a donné la parole, chaque semaine, à un groupe d’animateurs choisis en son sein pour présenter un état des lieux et proposer des recommandations sur l’un des thèmes de l’atelier (l’accès aux données et leur exploitation, l’évaluation des politiques publiques, les relations avec le monde universitaire, la formation, etc.). Ces travaux préparatoires, selon le Premier Président, se révèlent d’une grande richesse pour alimenter les discussions entre les membres et faire émerger les principaux axes qui nourriront sa contribution finale. 
 

Enfin, l’atelier 6 : « les juridictions financières et le citoyen : informer, consulter, faire participer » a mis en place un système de vote original pour recueillir l’avis de ses membres sur chacun des projets de recommandation.
 

Chaque participant doit attribuer une note à la recommandation :

-1 s’il y est opposé, 0 s’il y est indifférent, 1 s’il y est favorable et 2 s’il y est très favorable.

Les propositions recueillant le plus de points sont ensuite examinées en priorité. Pour alimenter ses réflexions, l’atelier a aussi diversifié les points de vue : des entretiens avec des journalistes de la presse locale, de nouveaux médias comme Konbini ou encore des associations promouvant la participation citoyenne comme Make.org.

 

Les ateliers thématiques devraient présenter prochainement la synthèse de leurs travaux !
 

Bien évidemment, cette annonce de réforme d'importance a suscité une certaine ébullition rue Cambon et dans les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC). A l'occasion des rencontres organisées en septembre les organisations syndicales ont pu faire état de leurs premières observations et des préoccupations des personnels.
 

Si le syndicat SNPC-FO regarde cette démarche de projet comme pouvant être une initiative positive pour les juridictions financières, mais a d'ores et déjà exprimé certaines réserves :
 

  • constatant de prime abord que l’essentiel dudit projet est orienté davantage vers l’extérieur que vers le fonctionnement interne des juridictions financières.
  • sur un calendrier pour le moins "resserré".
     

Par ailleurs, pour le syndicat, la place des personnels, hors magistrats, apparait inexistante dans l’ensemble des 6 thèmes.  A ce stade, dans le pilotage, l’animation, et la composition des groupes, rien ne permet véritablement d’associer les agents administratifs (contrôle, appui et soutien).


Enfin, le SNPC observe que le projet "JF 2025" semble avoir oublié un 7ème thème essentiel, celui des missions et des fonctions dans les juridictions financières, alors même que les 6 thèmes retenus vont de fait, induire des conséquences directes sur les missions des personnels administratifs (contrôle, appui et soutien). Ce 7ème thème aurait selon lui permis une réflexion sur les métiers en identifiant les problématiques, les attentes etc….
 

Le syndicat considère que l’information n’a pas été suffisamment précise à l’égard des personnels, et qu’il conviendrait de clarifier cette démarche. A ce stade, les personnels administratifs se sentent absents du projet.


A cet égard, il sera intéressant de s'attarder sur les résultats du questionnaire interne  mené auprès des personnels sur les valeurs et les missions des JF et leur organisation, mais aussi sur "la vie au travail ". Si 89% des répondants déclarent être fiers de travailler au sein des JF, si les valeurs de collégialité, d'indépendance et de contradiction sont mises en avant, et si 57% estiment que les juridictions exercent bien leur mission de jugement des comptes, plus d'un tiers des répondants estiment le contraire avec une tendance plus marquée dans les chambres territoriales.

Si 46% des magistrats et personnels de contrôle estiment que la Cour assiste bien le Gouvernement dans l'évaluation des politiques publique, 42% estiment le contraire. 44% considèrent que la programmation des travaux des juridictions n'est pas adaptée et 32% qu'elle n'est pas en phase avec l'actualité et le débat public...


Une certaine insatisfaction est à noter également sur les modalités de coordination dans l'organisation et les délais des contrôles.


A noter enfin que une large majorité des répondants estiment  leurs conditions de travail satisfaisantes, ce sentiment est nettement plus nuancé parmi les personnels support et fonction d'appui. 48% considèrent que leurs perspectives de carrière et d'évolution sont insatisfaisantes. Autant d'éléments à intégrer dans ce vaste chantier donc.
 

L’idée du Premier président étant d’aboutir dès janvier à un document stratégique avec, à la clé, un plan de transformation interne et notamment une meilleure articulation entre la Cour et les CRTC, les choses devraient donc se préciser dans les prochaines sur la déclinaison de l'ensemble du processus et les enseignements à en tirer....à suivre !


Un sondage sur la perception des juridictions financières a également été lancé, début septembre, auprès du grand public
 

  • Un français sur 2 déclare bien identifier la Cour des Comptes, mais les CRTC ont une notoriété plus faible (1 sur 4 ne sait pas trop ce dont il s'agit)
  • La cour des comptes bénéficie d'une bonne image auprès de 8 français sur 10C'est vrai aussi, mais dans une moindre mesure pour les CRCT
  • Les français associent en premier lieu les juridictions financières à la notion de compétence, puis au principe d'intégrité. Cependant plus 7 sur 10 évoquent aussi l'idée de complexité, reflétant une difficulté à appréhender leur action
  • Pour autant, 7 sur 10 déclarent leur faire confiance

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Révélée par la presse ce weekend, une circulaire du Premier ministre, datée du 18 novembre, rappelle à l’ensemble de ses ministres et aux préfets son ambition de faire aboutir les réformes prioritaires du gouvernement, notamment la réforme de l’Etat, annonçant la création d’un baromètre de suivi d’une trentaine de réformes, actualisé chaque trimestre, dans un souci de transparence vis-à-vis des Français.

 

Or, quelques jours plus tôt, comme le rappelle  la confédération FO,  un courrier au Premier ministre pour demander la suspension des réformes controversées, découlant notamment de l’application de la loi de Transformation de la Fonction publique lui a pourtant été adressé.

 

Dans ce courrier, le syndicat soulignait  que les conditions d’un dialogue social effectif n’étaient pas réunies et que toute l’attention devait être concentrée sur les besoins prioritaires liés à la situation de crise sanitaire....

...rappelant  que la loi de Transformation de la Fonction publique, dont elle demande l’abandon, avait été contestée par l’ensemble des fédérations syndicales de fonctionnaires.

 

Le mois dernier, les cinq confédérations syndicales s’étaient déjà adressées conjointement au gouvernement appelant à ce que le dialogue social se traduise par une écoute et une réponse effective de la part des pouvoirs publics, et affirmant la nécessité d’abandonner la réforme de l'assurance chômage et de ne pas remettre à l'ordre du jour le sujet des retraites. 

 

Pour la Confédération il ne saurait être question d'  accepter que la seule réponse apportée par le gouvernement, malgré des réunions régulières, soit, à fortiori dans le contexte actuel, la poursuite et l’amplification des chantiers engagés, pour faire aboutir des réformes controversées, par voie de circulaire ministérielle, en dehors du cadre du dialogue social.